mardi 28 août 2012

ROCK EN SEINE - EDITION 2012, samedi 25/08, par Luc B.



Le festival Rock en Seine fête cette année ses 10 ans d’existence. Il a lieu dans le parc de Saint Cloud, à la limite ouest de Paris, pas loin des bords de Seine. Un espace de je ne sais combien d’hectares, plutôt bien aménagé. On ne fait pas la queue pour entrer. Seulement pour aller pisser. Quatre scènes, la grande, la moyenne, et deux plus petites, mais tout de même impressionnantes. Le principe du festival, faire tourner les artistes d’une scène à l’autre, si possible sans qu’aucun ne se chevauche, en tout cas parmi les têtes d’affiche. Cette année, sur trois jours, le festival aura accueilli 110 000 spectateurs. Le DEBLOCNOT s'est fendu de deux euros pour me payer le ticksson de tramway, ensuite il suffit de dire qu'on est pote à Bruno, et on passe l'entrée direct !  

A 19h, c’est un trio BASS DRUM OF DEATH (non, on ne rigole pas, c’est leur nom…) originaire d’Oxford, Mississippi, qui investit une des petites scènes, avec leur…  avec leur quoi ?... Leur heavy grunge punk métal ? On va dire ça. Pour faire simple, un truc qui crache, qui dépote, fait du bruit. Un album au compteur, précédé de deux mini EP. Des jeunots, chemise à carreaux et jeans déchirés aux genoux, cheveux longs qui ondulent, tournoient ou se secouent. La basse semble jouée au médiator, pédale fuzz à fond... mais non, il y a six cordes... donc le groupe aligne seulement deux guitares, l'une faisant office de basse, ultra saturée. Au centre, un batteur qui maltraite ses fûts sans une once de subtilité. Les titres ne dépassent pas 2’15, pas de chorus, sur des tempos quasi identiques. Réjouissant de voir des jeunes gars monter sur scène balancer les watts, mais bon, au bout d’un moment, l’exercice est un peu vain, mis à part un ou deux titres plus construits, avec un semblant de ligne mélodique, le chant, très primaire, suit la ligne rythmique et point barre. Par contre, entre deux chansons, les mecs, faites gaffe aux larsens, c’est insupportable !!!

Au même moment, sur une scène plus grande, le quintet australien THE TEMPER TRAP fait le show devant un public acquis. Je n’ai le temps que pour les deux derniers morceaux, entre pop/rock lyrique, mélodique, saupoudré de gimmicks électroniques. Plus chevronné, le groupe montre une réelle maîtrise scénique. Mais la foule se disperse déjà, pour rejoindre la scène principale, où on attend Noel Gallagher.

On se souvient que, il y a deux ans, c’est à ce même festival, 5 minutes avant de monter sur scène, que les frangins Noel et Liam Gallagher s’étaient envoyés à la gueule tout ce que leur loge comprenait d'objets lourds et susceptibles de faire mal. Signant ainsi officiellement la fin du groupe OASIS. Noel, le guitariste et compositeur, a reformé un groupe : THE HIGH FLYING BIRDS : basse, guitare, batterie et claviers. Autrement dit, du OASIS bis. Le son est fort, mais étonnamment bon. Noel Gallagher est ombrageux quand il chante, on dirait qu’il souffre. Quelques mots au public, mais pas trop, le temps de demander si jusqu’à présent, sa prestation est la meilleure du festival… Les musiciens qui l’accompagnent sont discrets, à leurs places, mais pros, mention pour le clavier, et le batteur (Jeremy Stacey, ex de chez Joe Cocker), tunique blanche et chapeau melon noir comme les Droogs d’ORANGE MECANIQUE. Le Gallagher il est doué. A chaque intro on se dit qu’il nous rejoue le même morceau pour la centième fois (au choix ballade folkeuse et swinguante, ou pop plombée sur tempo médium), et en fait non, il arrive toujours à nous renvoyer ailleurs, à développer le, morceau quand il faut. Sa pop lyrique et volontiers planante, nous transporte. Dommage que le festival contraigne les artistes à des prestations courtes (1 heure) parce que plus d’une fois, Gallagher conclut un titre en nous laissant un peu sur notre faim, pas de chorus, des formats plutôt courts. Si les compos et l’exécution restent très pro, je regrette toutefois un manque d’implication, d'énergie, bref, de rock. La Ricoré, c'est 60% chicorée et 40% café. La Nescoré, c'est l'inverse, 60% café. Ben Gallagher c'est 60% pop et 40% rock. Faudrait juste inverser ! Parce qu'à un moment, faut que ça pulse, que ça s’énerve, que ça s'arrête de ronronner. Et puis Noel Gallagher, s’il a progressé au chant, reste assez limité. Les crispations de son visage traduisent aussi sa difficulté à chanter. Son bassiste/choriste gagnerait à l'épauler davantage. Pourtant, sur les reprises d’OASIS « Whatever » et « Don't Look Back in Anger », jouées en dernier, il ne s’en sort pas si mal. Même, son chant est moins maniéré que celui de Liam. Bonne prestation, mais côté communication et proximité, peut mieux faire ! 

Bon, c’est pas le tout, mais on écluse, et on ne mange pas. Donc, une pause, alors que derrière un bouquet d’arbres, EAGLES OF DEATH METAL (on ne rigole toujours pas, c’est leur nom…) balance un rock musclé, stoner et stonien sur les bords (le titre que j’entends reprend le riff de « Satisfaction »), pas plus métal que vous et moi, mais sacrément burné ! Le groupe est formé autour de Josh Homme, leader des QUEENS OF THE STONE AGE, et Jesse Hughes, dont le surnom scénique est Boots Electric or the Devil ! Ils ont digéré leur Chuck Berry à coup de rasade de Blue Cheer et MC5 passé à la forge ! Je n'ai pas eu l'occasion de voir, juste d'entendre, et ça sonnait sacrément bien. D'ailleurs, je vous propose une vidéo à la fin, ça donne une idée de l'ambiance... Le chanteur s'est fait la tête de Duane Allman, étonnant !!! Cette année, il avait les cheveux courts. 


Pas le temps d'aller y voir, car les filles se pressent (donc je les suis…) vers le petit prodige du moment, Ed Sheeran, seul sur scène avec sa guitare. Las, quand j’arrive (on ne peut pas être partout) c’est le dernier morceau, sur lequel le chérubin demande au public d’allumer les briquets (ou au choix son téléphone portable... arrfff). Ca existe encore ça ? Tout le monde se pâme. Je reste coi, devant ce James Blunt blond, bon guitariste, mais donc la folk-pop très acidulée a sur moi le même effet que le cidre brut : ça me fait chier. (J’adore cette réplique, pas très fine je vous l'accorde, entendue lors d’une dramatique radio sur France Inter il y a des lustres, prononcée par Claude Piéplu !). On dira que je suis de mauvaise foi, car je n'ai entendu les titres d'avant ! Pas faux...

Il est temps de reprendre son périple, retour à la grande scène avec THE BLACK KEYS, duo de l’Ohio qui pour l’occasion était quatre sur scène. D’ailleurs, petit coup de gueule : pourquoi laisser dans l’ombre les accompagnateurs (un bassiste, un guitare/claviers) aussi méritant que le duo star ? La musique de THE BLACK KEYS, j’aime bien. Elle puise partout, depuis le blues originel jusqu’au Garage Band des 60's, heavy rock 70’s, de Cochran, aux Kinks, bref, un peu tout ! A ma gauche sur la scène, Patrick Carne à la batterie, jeu rudimentaire mais efficace, en adéquation avec son partenaire, Dan Auerbach, au chant et à la guitare. [ ce même Auerbach qui a produit le dernier CD de Dr John...]. Ce type abat 80% du boulot ! Incroyable ! Il saute partout, assure la rythmique et les chorus. Plusieurs titres ne sont exécutés qu’à deux, et c’est assez impressionnant. Riffs plombés zeppeliniens, mélodie pop, gémissements de vieux bluesmen du Sud, plus d’une fois, THE BLACK KEYS ont produit de l’excellent rock’n’roll, option gros son. Je regrette juste le format des morceaux, trop court, qui s’arrêtent quand la mayonnaise prend. Et des pauses trop longues entre chaque morceaux, la pression retombe, le spectacle est haché, dommage, car l’énergie est bien là, c’est brut, sauvage, assez virtuose, les compositions sont très bonnes. Une d’elles (je n’ai pas le titre) est pourtant une réplique quasi exacte de « Cannonbal » des Breeders… Nul n’y a à redire ? Une heure de show, conclu sur le tube « Lonely Boy », petite tuerie qui comble les fans. 

Changement de boutique, mais avant, une petite pause dans une sorte de guinguette, c’est qui fait soif. A la table, un sosie de Raymond Devos, 60 balais, écossais, complètement barré, est fier de me dire que pour sa venue en France, il lit un roman de Simenon ! (un Maigret). On discute, on trinque (on ne dit pas « cheers », ça c’est chez ces connards d’anglais, moi je viens d’Ecosse !). Sur la table, sa petite pipe à chichon pliable, et hop, tiens mon pote, un remontant ! Il a vu Dylan à Glasgow en 1965, avant le passage à l’électrique. Un vrai phénomène. Pas Dylan. L’écossais ! A ses côtés arrive sa fille, un peu désolée pour son paternel… Il n’est pas dans son état normal… J’avais remarqué ! C’est ce qu’il me fallait avant d’aborder la dernière scène de la soirée, DJ Agoria. 

Je cite le dossier de presse : « un des DJ les plus visionnaires de sa génération, et créateur du très pointu label Infiné. Virtuose du rythme techno, maître du beat qui claque ». Vous pensez bien qu'avec un CV pareil, j'allais pas rater ça... puisque je suis sur place… Avec ce qu’on s’est mis dans le cornet, avec l’écossais, je pensais être prêt à tout ! Erreur fatale ! Déjà, à l’approche, c’est le sol qui tremble. Les vers de terre sont génocidés, les taupes parkinsonnées. Une fois dans le bain, une torture. Les basses et le fameux beat du maître produisent sur moi des centaines de mini tsunamis, j’ai les entrailles en transe. Physiquement, ce n’est pas supportable. DJ Agoria est seul derrière ses machines (pas des platines pour faire scratch scratch, juste une boite avec trois boutons), en haut d’un édifice décoré aux néons, pompeux, et derrière, trois écrans avec projection vidéo, comme les light-show de San Francisco en 1965, sauf qu’il manque les GRATEFUL DEAD… Bon, la techno, vous vous en doutez, ce n’est pas ma bibine, mais si un type est capable de me faire voyager, de me transporter, pourquoi pas. Là, rien. Les pieds restent au sol. Même moi je suis capable de dire que c’est de la House Music au rabais, les trucs qu’on entendait déjà y’a 20 ans. Qu’il n’y ait pas de musicos sur scène, soit, je peux comprendre, mais qu’il y ait au moins de la matière, une création, un truc… Là, rien. Il est temps de rejoindre le tramway, back to Paris, avant que le gros de la foule ne débarque. C'est pratique ce tramway, mais y'a 4 sièges par wagon...    

Pas mécontent de ma petite soirée, le festival est vraiment sympa, beaucoup d’attractions en dehors des concerts, ambiance un peu bobo, parisienne, public 30-40 ans, des gamins qui trainent (y’a même une garderie !), des rencontres, discussions improvisées autour d’une chope "attends, ils étaient géniaux", "ah non, trop nuls", "ils étaient mieux en 2010", "ah non, en 2011", "à Belfort c'est plus cool", "les Vieilles Charrues c'est plus rock", "tu me tiens mon verre, je vais pisser" (je pense que c'est la réplique qu'on entend le plus là bas !…). Le seul souci, c’est que l’organisation même du festival oblige les artistes à conclure en une heure. Green Day le lendemain a eu droit à deux heures. Donc, des prestations courtes, forcément calibrées, où on aligne les titres, le dernier album et deux vieilleries, sans avoir réellement la possibilité de tout donner. Un peu frustrant en définitive, mais ça a le mérite de donner envie d’aller revoir l’artiste dans un autre environnement.   

EAGLES OF DEATH METAL enregistré à Rock en Seine... en 2009. 



Et THE BLACK KEYS, plus sages car filmés à la TV, dans "Lonely Boy".

5 commentaires:

  1. Cool cette chronique. Pauvres vers de terres et taupes.
    Tiens j'ai écouté ça à propos de DJ Agoria : http://youtu.be/03J8hfhc9T4 !
    En fait ça rappelle le bruit d'un échocardiographe utilisé sur un mec qui a bu 10 expresso au bas mot.... Il fait juste un court arrêt cardiaque vers 2'30 !!
    Si je puis me permettre, ce n'est pas "palpitant", alors à 135 db ça doit craindre...

    De tout coeur

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  2. houla , voir DJ machin , voila qui mérite au moins une prime de risque, quelle abnégation Luc!

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  3. Pour Rock en Seine 2013, c'est Claude qui s'y colle ! Il va me falloir au moins un an de convalescence...

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  4. C'est bien Eagles of Death Metal, marrant en tout cas ...

    Boots Electric est un "personnage", entre Village People et Ted Nugent (pour le côté hyper-républicain réac)...
    Il y était on stage le grand Homme avec lui ? Il me semble qu'il n'est qu'en studio ...

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  5. Yes Lester, Homme sweet Home n'apparait que sur les disques, il tourne avec QOTSA, pas avec EODM (ou Them Crooked).

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