CADILLAC RECORDS (2008) par Holwin'- JL

Voila un film qui tombe sous mes yeux avec retard, faut dire qu'il a bénéficié de moins de promo et de salles que Spiderbatman 14 ou Les cht'is font du camping, enfin mieux vaut tard que jamais. Un film que je ne pouvais pas louper vu qu'il raconte l'histoire du Chicago Blues, plus précisément au travers du label Chess.

Le film, signé Darnell Martin, s'attache donc à Léonard Chess(*) , immigré polonais, joué par Adrien Brody, qui vivote dans les bas fonds de Chicago et rêve de réussite et d'argent, nous sommes au début des années 40.

Little Walter et Muddy(d)

Parallèlement au fin fond du Mississippi le musicologue Alan Lomax  poursuit ses enregistrements pour la Bibliothèque du Congrès et grave un certain ...McKinley Morganfield, qui fait bientôt ses valises vers Chicago ou il devient.. Muddy Waters et fait la manche dans les rues en chantant et s'accompagnant de sa gratte, gratte qu'il va bientôt brancher pour se faire entendre, l'histoire est en marche et va s’écrire devant nos yeux.

Il rencontre un gamin de 17 ans qui joue aussi sur les trottoirs, un certain  Little Walter, prodige de l'harmonica. Léonard Chess a acheté un club le Macomba et Muddy et Walter s'y produisent bientôt.  Le Macomba part en flamme et Len Chess investit l'argent de l'assurance dans un studio d'enregistrement, Chess Records est né. Très vite le succès arrive pour Muddy et Little Walter, bien cornaqués par Willie Dixon qui leur écrit sur mesure les tubesques "Hoochie coochie man " ou "My babe".
Chess signe ensuite un colosse bourru, Howling Wolf, puis un black rusé et dur en affaire, Chuck Berry, bien joué par le rappeur Mos Def, qui chante lui même les titres de Berry . Le film s'attache aussi à la ségrégation qui sévit alors, Berry se voit interdit de jouer dans certains endroits à cause de sa couleur de peau, Walter se fait passer à tabac par des flics racistes. Mais le succés de Berry va contribuer à la fin de la ségrégation quand il fait danser la jeunesse blanche au son de son Rythm'n Blues.

Len Chess et Etta

Ensuite c'est Etta James qui apparait, émouvante et fragile sous sa carapace de dure à cuire; une belle composition de Béyoncé, également productrice du film. Au passage, quelle  chanteuse, dommage qu'elle donne le plus souvent dans la bouse commerciale et pas dans la soul..Son interprétation de 'I rather go blind" vaut le détour.

Chess(*) truste alors les numéros un dans les charts ; une bande de jeunes blancs becs britiches bizarrement coiffés se pointent même à Chess dirent leur admiration à  Berry et Muddy , ils ont prit comme nom un titre de Muddy, ils s'appellent les Rolling Stones...
 Mais les choses ne vont pas tarder à aller de travers pour la compagnie....
Le public commence à se désaffecter du blues, les ventes baissent, Elvis s'envole...
Berry se fait attraper par les flics qui cherchaient un prétexte pour arrêter ce dangereux nègre qui corrompait la jeunesse blanche et se retrouve derrière les barreaux, Etta devient de plus en plus junkie, Chess se fait passer à tabac, victime lui aussi de sa couleur de peau (un blanc qui "exploite" des noirs en plein "South side"..) , et  Little Walter  meurt, victime d'une bataille de rue et de ses mauvaises fréquentations.

Léonard Chess n'a plus qu'à vendre son affaire, le coup est si rude qu'il fait une crise cardiaque. Le film s'achève en 1967 où sur l'invite des Stones, Muddy est reçu comme un prince en Angleterre.....

Ah mince, je vous ai tout raconté, en même temps c'est de l'histoire connue, du  moins pour ceux qui ont quelques notions de l'histoire du blues et du rock..

le Wolf (au centre)

Le film offre de bons portraits fidèles à ce que l'on sait: un Muddy Waters  coureur de jupons et  véritable "Boss" , un Wolf bourru et prêt à faire le coup de poing pour défendre ses musicos (dont un jeune guitariste nommé Hubert Sumlin) , un Berry pingre et dur en affaires, amateurs de jeunes filles, un Little Walter aussi génial que flambeur et belliqueux  une Etta dont je vous ai parlé plus haut..Le rôle primordial des frères Chess dans l'émergence du Chicago blues électrique et du rock 'n roll ainsi que leur  flair est également bien retranscrit.
Au rayon des reproches, l'absence de quelques figures comme Sonny Boy Williamson, Bo Diddley ou Koko Taylor , ainsi que le frère de Léonard, Phil Chess qu'on ne voit quasi pas; et quelques raccourcis, inexactitudes (***)et anachronismes (Presley, les Stones, faudrait vérifier les dates..), mais les grandes lignes sont respectées et fournissent un intéret historique incontestable. Pas facile de résumer quasiment l’histoire du blues et la naissance du rock n roll en 1h45! disons qu'il faut prendre ce film sur une fiction basée sur des faits réels.
Les parties musicales sont excellentes, joués par des pointures, les parties d'harmo de Walter et du Wolf sont prises par Kim Wilson (Fabulous THunderbirds) , à la guitare on trouve, Billy Flynn, Eddie Taylor Jr, Bill Sim Jr et Hubert Sumlin qui joue ses propres partitions;  et aussi  Larry Taylor et  Barrelhouse Chuck (piano).
Muddy et le Wolf sont interprétés par Jeffrey Wright et Eamonn Walker qui chantent également leurs morceaux.

*vous  vous demandez peut être pourquoi ce titre de "Cadillac Records" alors qu'il est question de Chess (si si, vous vous le demandez), et bien parce que Léonard Chess avait l'habitude d'offrir des Cadillac à ses artistes qui réussissaient.

 ** un mot sur les frères Chess; ils naquirent Lejzor et  Fiszel Czyz  en Pologne en 1917 et 1921 et suivent leurs parents à Chicago en 1928 et deviennent Léonard et Phil Chess , plus prononçable..

***En 1947  Leonard Chess s'associe à la maison de disque Aristocrat Records, ce n'est qu'en 1950 qu'il en prend le contrôle avec son frère et qu'elle devient Chess Records.
Autre erreur Leonard est mort en 1969 et non 1967. Et Muddy a été en Angleterre dès 1958..et y retournera en 1972.

2 extraits, d'abord le Wolf, puis Etta :