mercredi 11 juillet 2012

BACK DOOR SLAM "Roll Away" - 2007 - (by bibi)




     En 2007, un jeune combo sortit de nulle part, sort un album sans se soucier le moins du monde des retombées commerciales, ou des modes du moment, comme s'il avait hiberné de 73 à nos jours.
Déjà, leur patronyme fait référence aux paroles de « Since I've been loving you » du Zep, qui lui-même s'inspirait du « Back door man » de Howlin' Wolf et de Willie Dixon. Cependant, la source fut le « Back Door Man » de Robert Cray, de l'album « Time Will Tell » (« You open your front door and you hear your back door slam »).

     Initialement, Back Door Slam était un quatuor, jusqu'à ce jour funeste de 2004, où un accident de voiture coûta la vie au guitariste rythmique, Brian Garvey, et à un autre ami, Richie Brooks.
Après un moment de flottement où le groupe, pour des raisons évidentes, faillit rejeter toute ambition de carrière professionnelle, voire même de notion de groupe, Davy Knowles reprit les choses en mains.
Davy fut initié à la guitare par son père, via Mark Knopfler (notamment avec « The Sultan of Swing »), puis les Stones (« Route 66 »), cependant son intérêt pour la musique grandit lorsqu'il vit en concert Robert Cray. Puis ce fut la révélation en écoutant l'album de John Mayall avec Eric Clapton (surnommé « Beano »).
S'imposant désormais comme un incontestable pilier et leader, Davy donne la couleur définitive du trio. Du blues oui, mais à la manière dont le traitaient les groupes du Royaume-Uni issus du British-Blues.

 Ainsi,
Back Door Slam perpétue donc un Heavy Blues-rock tel que l'on le jouait au Royaume-Uni de (environ) 68 à 73, c'est-à-dire très influencé par le Chicago blues, encore traumatisé par le raz-de-marée Hendrix et Cream (« Outside Woman blues »), et qui n'a pas oublier son patrimoine folklorique, et par conséquent (parfois inconsciemment) imprégné de musique Celtique (1).
Back Door Slam donne l'impression de ne pas avoir été « polluée » par les différents courants musicaux de cette date (1973) à nos jours (il y a néanmoins l'empreinte de Jeff Healey et même, parfois, en filigrane, celle de Mark Knopfler).

     Ce qui frappe dès la première écoute, les premières mesures, outre une qualité d'enregistrement irréprochable transmettant une chaleur, un souffle presque palpable, c'est le niveau et la maturité des compositions qui sont théoriquement l'apanage de musiciens aguerris par des années de pratique et de remise en question. Or les photos intérieures nous montrent trois gamins d'une vingtaine d'années ! Et pourtant tout est ici d'une pureté d'écriture et d'interprétation exemplaire.

     David Knowles est sidérant : guitariste & chanteur émérite, il est également l'unique compositeur. Et quel compositeur ! Il est l'auteur de Blues-rock heavy et racés, et de ballades bluesy ou folk-rock de toute beauté. « Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années ». Le tout avec un certain lyrisme typique des groupes Anglais, et surtout Irlandais. Une voix profonde, sûre, légèrement râpeuse et voilée, nuancée, (bien plus en adéquation que ne l'étaient certains chanteurs de la période de référence précédemment mentionnée), doublée d'un jeu de guitare émotionnel, chargé de feeling (à l'électrique comme à l'acoustique), qui, tout comme feu-Rory Gallagher, ne dérape jamais dans l'esbroufe. Par exemple, le solo du langoureux « Stay » est en retrait, et surtout évite d'accélérer inopinément afin de ne pas briser l'atmosphère qui se veut propice au recueillement (c'est une composition en hommage à leur ami défunt et ancien membre du groupe, Brian – la blessure n'est pas cicatrisée et est presque palpable à travers cette chanson).

     Après un Heavy-boogie rock de bonne facture, et un Hard-Blues traînant des pieds, la bonne interprétation de « Outside Woman Blues » sert de tremplin pour atteindre un niveau de qualité qui ne serra plus mis en défaut. Si les deux premières plages n'ont aucunement à rougir de leurs aînés, la suite prend une dimension que l'on peut soupçonner de la part d'un groupe si jeune et inexpérimenté.
L'atmosphère du superbe slow-blues « Gotta Leave » me ramène, bizarrement, à un Deep-Purple tel que l'on pouvait le retrouver sur des titres comme « When blind man cries », « Soldier of Fortune », voire « Holy Man ». Pourtant point d'orgue, et la voix est plus âpre. Certainement quelque chose dans la guitare.
« Stay », ambiance nostalgique, chargée de regrets, une complainte. Arpèges à la guitare folk, violoncelle discret, et des chorus d'inspiration Mark Knopfler (en mode bluesy). Saisissant.
« Too Late » réintroduit l'électricité et la morgue ; entre Bob Seger et James Gang.
« Takes a Real Man », Blues-rock sobrement funky mais suffisamment pour inciter à bouger.
« It'll All Come Around » c'est le côté Jeff Healey avec cette rencontre de power-chords et d'arpèges en mode mineure, et des couplets au lyrisme pop (que ne renierait pas non plus Clapton). Presque une road-song (devrait être prescrite à tous les chauffards acariâtres).
« Too Good For Me », ballade acoustique, entre héritage culturel et Springsteen, avec un petit quelque de U2 également.
« Roll Away », magnifique ballade acoustique aux senteurs celtiques, tout en retenue, sans pathos qui me rappelle « Seagull » de Bad Company. On pourrait croire à une chanson d'adieu, ou d'un « au revoir » chaleureux, comme ceux que l'on donne à des amis que l'on n'avait pas vu depuis longtemps et que l'on souhaite ardemment retrouver au plus vite.
Cependant, en bonus track, surgit « Real Man », un Blues-rock faussement laconique, qui remet sur la table la chaleur des amplis à lampes.

     Knowles possède un son de Strat crémeux, favorisant les positions de micros intermédiaires (le micro aigu semble ne jamais être utilisé seul), sentant le vieil ampli à lampes, avec une saturation naturelle ou légèrement gonflé à disto vintage. Davy joue sur une Fender Stratocaster reissue 62 avec micros noiseless SCN, montée avec des Dean Markley 10-52, et branchée dans un Vox AC 30 ou un Fender Twin Reverb 65 généralement réservé aux sons clairs (toutefois, on le voit poser devant un stack Don Audio Amps). Pour effet, juste une Fulltone Distortion Pro et une Wah-Wah Dunlop Cry-baby. Il investira plus tard, dans une Stratocaster Stevie Ray Vaughan avec micros Rio Grande et une Fender Mustang (made in Japan). Pour l'acoustique, une Gibson J-45.

Le bassiste et le batteur savent se montrer « groovy » ou « funky », mais aussi tempérés et mesurés.

     Ces Mannois (Ile de Man) nous offrent un voyage dans une musique intemporelle qui nous ramène au bon souvenir de l'époque du British blues, enclin au mélange des genres, et des Cream, Rory Gallagher, John Mayall, Livin' Blues, Bad Co (en acoustique), Stone the Crows, Chicken Shack (Imagination Lady), Blind Faith, voire Dog Soldier.
Assurément, une réussite.

P.S : Rendons à César ce qui appartient à César : une découverte due à Rockin-jl.


     Malheureusement
, en 2009, David change la donne. Déjà, le patronyme « Back Door Slam » est en retrait, son nom étant désormais placé en premier plan (évolution de l'égo ?). Ensuite, les membres du groupe ont été remplacés (démission ou licenciement ?). La production, pourtant effectuée par Peter Frampton, a perdu en définition et en clinquant, pour réaliser quelque chose de plus linéaire, plus compressée (alors que Knowles était du genre gratte, ampli et une petite disto, Frampton lui utilise un rack complexe). Et puis, il y a surtout une nouvelle orientation musicale. Même si le Blues-rock est toujours là, latent, prêt à ressurgir dans un chorus, un riff, un refrain ; il semble désormais étouffé, maîtrisé, comme quelque chose de honteux que l'on aurait décidé de cacher. Un peu le même genre de démarche qu'ont eu Kenny Wayne Sheperd avec «The Place You're in » (quoique plus rude), ou Johnny Lang avec « Long Time Coming », et même, dans une moindre mesure, Jeff Healey avec « Hell To Pay ».



     La gageure, c'est qu'avec l'apport de musiciens extérieurs, Benmont Tench (de Tom Petty & the Heartbreakers) ou Frampton, apportant leur contribution, avec ajouts d'orgue Hammond, de Wurlitzer et de chœurs féminins, la musique paraît s'être, malgré tout, appauvrie. Même les guitares de Frampton ne parviennent pas à relever le niveau. A moins que ce ne soit elles, ou l'influence de Peter (qui co-signe également deux titres), qui viennent délayer, saboter l'élan du précédent opus ? Cela paraît peu probable, mais on peut se poser la question.


     Pourtant, les bons titres demeurent. Comme la chanson éponyme, aux senteurs d' Humble-Pie ; « Amber's song », un titre folk intimiste, drapé uniquement d'une guitare acoustique et d'une mandoline ; « Tear down the walls », un rock assez énergique, dans le style d'un Clapton (Derek & the Dominoes), avec un brillant solo ; « Keep on Searching », du Heavy-rock 70's, également proche d' Humble Pie, où David croise le fer avec Frampton ; « Saving myself », retour à un Blues épuré, en solo avec une National (instrument adopté après la découverte du travail de Rory Gallagher avec) ; et « Taste of Danger », un duo avec Jonatha Brooke, une belle chanson Pop-rock dotée d'une belle sensibilité, tirée du répertoire du dernier album de la chanteuse ( The Works).

Mais le reste ne décolle pas. Ce n'est pas mauvais (n'exagérons rien), mais c'est parfois emprunt de suffisance ; même les chorus manquent quelque fois d'inspiration, et l'orgue n'est pas toujours utilisé à bon escient, asphyxiant même « Riverbeb » et « Hear me Lord » (de George Harrison). Et pourtant, il suffirait d'une petite étincelle (que l'on doit retrouver en concert) pour insuffler un peu de magie et transformer le plomb (ou l'argent) en or. L'ensemble (hors les titres mentionnés comme les meilleurs) se situe quelque part entre les albums de Clapton (d'avant le désastre des 80's), ceux de Humble-Pie, lorsqu'il se chargèrent d'orgues et de chœurs pour tenter d'intégrer une touche Soul (mais n'est pas Marriott qui veut), en intégrant, en filigrane, aussi ceux de Johnny Lang et Jeff Healey (également cités), et même « Get Me Some ».
Knowles à gauche et Frampton au centre

     Néanmoins, « Comnig up for air » a des qualités certaines, mais souffre de la comparaison avec son prédécesseur.
Peut-être que Knowles a voulu élargir son horizon musical, tout en évitant ainsi de se répéter ; dans ce cas, sa démarche est louable.

     Toutefois, en live, débarrassé de tous ses oripeaux, Knowles renoue avec une vision plus franche, fraîche et directe du Blues-rock à l'anglaise et à l'irlandaise.
Reconnu maintenant par ses pairs (« pères »), on a pu le voir côtoyer Joe Satriani, Sonny Landreth (une tournée avec les deux sus-cités), Gov't Mule et Chickenfoot.

P.S. : Ne pas confondre avec le groupe canadien du même nom qui a sortit un disque intitulé "I'll Get Mine".

(1) (il a bien été écrit que le blues fut le résultat d'une rencontre entre la culture musicale Africaine et Irlandaise – cela dit, il y a d'autres sources -)



ROLL AWAY
COMING UP FOR AIR



3 commentaires:

  1. Super intéressant ce band ! j'adore le son de la gratte et le quidam se débrouille très bien au vocal, les 2 autres ne déméritent pas non plus... Merci pour cette trouvaille !

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  2. La dernière fois que j'ai écouté Back Door Slam, c'était...hier soir! Découvert effectivement graçe à Rockin' voilà plusieurs mois. En ce qui me concerne, j'ai pris pour habitude d'écouter les deux cd à la suite, le Back Door Slam et le David Knowles, car j'aime autant l'un que l'autre, sans aucune réserve! Je regrette qu'une chose,c'est que ce petit génie soit silencieux depuis,à part quelques videos sur You-Tube, avec entre autre Gov't Mule dans une version de "Almost Cut my hair" (David Crosby) pas piquée des hannetons! Amicalement

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    1. Il existe un Live enregistré à Melbourne, en Australie : Live from Melbourne. Disponible sur son site.
      Et aussi un DVD live, enregistré en 2009 à la maison, sur l'île de Man.
      Mais pas l'ombre d'un seul nouveau titre.

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