mardi 19 juin 2012

MUD MORGANFIELD "Son of the seventh son" (2012) par Rockin-JL


Morganfield... Voila un nom dur à porter pour un bluesmen... Celui du boss du Chicago blues, McKinley Morganfield alias Muddy Waters (1913-1983), le papa de Mud dont il est question aujourd'hui. Le blues doit  être héréditaire dans la famille puisque le frangin Big Bill Morganfield s'est aussi lancé dans le blues ainsi d'ailleurs que d'autres célèbres "fils de" ou "filles de", citons ainsi Bernard Allison, John Lee Hooker Jr et sa soeur Zakya, Lurrie Bell, Kenny Smith, Eddie Taylor Jr et sa frangine Demetria Taylor, ou encore Shemekia Copeland qui ont aussi repris le flambeau familial.
Muddy et Midred

Mud, né Larry Williams, est le fils ainé de Muddy, né en 1954 des amours de Muddy avec Mildred McGhee, un fils caché, un peu comme Mitterand pour Mazarine ; en effet il semblerait que Muddy ait été plus fidèle à sa guitare qu'à Madame et qu'il faisait beaucoup travailler son mojo ...(NDLR : Rockin fait là  allusion au bien connu "Got my mojo working" et ses paroles à double sens)
Si Mud n'a que peu vu son illustre père dans sa jeunesse il l'a beaucoup admiré et l'a vu jouer plusieurs fois, Muddy lui offrit une batterie pour ses 7 ans, il vécut une partie de sa jeunesse dans le Chess'building ou vivaient aussi Holwing Wolf, Willie Mabon, Hubert Sumlin ou Fred Bellow, puis dans le West Side. Nourri à la musique de son père mais aussi à Johnny Taylor, BB King, Bobby "Blue" Band et au Rythm & Blues, il ne se lancera sérieusement dans la musique que sur le tard, à 50 balais ; à noter qu'il exerçait la profession de conducteur de tracteurs, comme papa Muddy qui conduisit un moment des camions, il faut bien vivre, d'autant que Mud est père de famille nombreuse... Donc début des années 2000, il commence à se produire dans les clubs du West side, chante dans des concerts tribute à son père avec son frangin Big Bill Morganfield (dont il eu connaissance de l'existence aux funérailles de leur papa), participe au Chicago blues festival en 2009 et tourne en Europe et en Amérique du Sud.

Cet album n'est que son deuxième après l'autoproduit et recommandable "Fall waters fall" (2008) et le voit très bien entouré - ça aussi c'est familial, Muddy s'étant toujours entouré de la crème de Chicago- et produit par l'incontournable harmoniciste Bob Corritore (ci-contre) que l'on croise un peu partout ces temps-ci.
Bob est venu avec son instrument, dont il partage les parties avec  Harmonica Hinds ; au piano et à l'orgue, on trouve Barrelhouse Chuck, EG McDaniel (fils de Floyd McDaniel) à la basse, Kenny Smith (fils du drummer de Muddy Willie "big eyes" Smith) aux drums et 2 guitaristes, Billy Flynn et Rick Kreher (qui joua avec Muddy Waters) ; Mud se concentrant sur le chant et signant 7 compos sur les 12 titres.
Évidement comme je le disais au début, avec un nom pareil il faut assurer car la comparaison est inévitable,  et comme nous allons le voir il s'en tire bien "Junior".

Mud, un air de famille, non?

D'entrée on replonge dans l'âge d'or du Chicago blues, voix chaude et puissante qui rappelle celle de Muddy, piano swinguant de Barrelhouse Chuck, l'harmo de Corritore ; ça balance un max, du tout bon. Ce titre, "Short dressed woman" signé John T Brown faisait partie du répertoire de Muddy, on peut l'entendre sur l'album "Folk singer" (1964).
Le niveau ne baisse pas avec le second titre "Son of the seventh son" (non, Vincent, rien à voir avec le "seventh son of the seventh son" de Maiden !), blues plus lent bien dans la tradition, aux paroles qui puisent dans les titres majeurs du genre (hoochie coochie man, mannish boy, back door man, natural born lover, black cat bone, drinkin' TNT smokin' dynamite...) ; avec encore le piano et  l'harmo de Bob en vedette. Pas le temps de reprendre son souffle avec "Love to flirt", un shuffle enlevé soutenu par les interventions à l'harmo de Harmonica Hinds et un beau solo de guitare, puis "Catfish fishing", une irrésistible pêche aux poissons chats des bayous sur un tempo entre funk et west side, avec en final une belle partie d'orgue.
Harmonica Hinds

"Health" est un mid tempo plein d'émotion, écrit en souvenir de son frère, mort à 42 ans faute d'avoir pu se soigner. Encore une fois l'instrumentation est parfaite avec l'orgue qui s'intègre parfaitement à ce blues, soutenu par l'harmo de Corritore, puis "Loco motor" qui semble un inédit de Muddy, tiré des sessions avec Johnny Winter ("I'm ready"), avec un énorme travail de Harmonica Hinds et un sacré solo de Billy Flynn.
Flynn qui signe le titre suivant "Money", shuffle un poil moins intéressant ; avant "Midnight lover" ou le Mud la joue soulman, dans un registre où on ne l'attend pas forcément mais où il se montre convaincant, et là, pour ceux qui suivent, il faut se rappeler de ce que je disais au début et de son admiration pour Bobby "Blue" Band ou Johnny Taylor... Allez viens Foxy, on danse, colle toi bien à moi...
Corritore y va aussi de son petit titre et signe "Go ahead and blame me", pur Chicago blues, comme "Leave me alone" et "You can't lose what you ain't never had", une reprise de Papa Muddy (c'était incontournable !) avec une partie de bottleneck de derrière les fagots. On termine le disque à regret avec "Blues in my shoes", ambiance chaude et boogaloo avec un beau solo de  Billy Flynn à la gratte.

Vous l'aurez compris je pense, on tient là un grand album de Chicago blues, et je ne suis pas le seul à penser cela, le "Pied" décerné par l'éminent spécialiste Gérard Herzhaft dans Soulbag ainsi que l'avis très élogieux de mon collègue de BCR Henri Mayoux l'attestent. Les compos sont très bonnes, les musiciens au top, la prod chaleureuse, le son moderne mais...
- car il y a un mais -  y'a juste un petit truc qui me fait bizarre à l'écoute, c'est que j'ai l'impression d'écouter du Muddy Waters, de fermer les yeux et voir jammer avec lui les fantômes d'Otis Spann et Junior Wells. Sans doute Mud doit il s'affranchir plus de la musique de son paternel, sans  bien sur renier son imposant héritage familial. Ceci étant posé, ce disque est formidable et il va falloir suivre de près ce musicien qui se révèle sur le tard mais indiscutablement pétri de talent.




On retrouve Mud en studio, puis un extrait du disque: 




1 commentaire:

  1. Grâce à toi je viens d'apprendre que Muddy Waters avait ce fils, qui prend la relève (je n'ai pas autant de connaissances que toi pour le blues mais j'ai quand même eu ma période, avec pas mal de 33 tours achetés à l'époque). J'ai regardé sur Fnac et Amazon mais apparemment on n'y trouve que cet album. Pour Muddy Waters je crois que le disque que j'ai le plus écouté reste "Hard again" produit par Johnny Winter (photo géniale sur une pochette aux teintes blanc-crème).

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