Pour moi lire un livre de Blondel,
c’est dans le pire des cas, passer un moment agréable avec quelqu’un, partager
des souvenirs presque communs, évoquer avec un brin de nostalgie la jeunesse ou
l’adolescence, penser à des morceaux de musique inoubliables. Je l’avais
découvert à la sortie de son premier roman, Accès direct à la plage. Depuis je
reste une de ses lectrices assidues. Certains de ses romans m’ont beaucoup plu,
d’autres moins, mais je les lis toujours avec plaisir.
G229 n’est pas un de ses
meilleurs livres, incontestablement. Il y parle trop de son métier qui n’est pas
le mien pour que je sois en plein dans la connivence. Pas son métier d’écrivain,
mais celui de prof d’anglais dans un banal lycée de province, puisque, avant
d’être romancier, Jean-Philippe Blondel enseigne près de Troyes. Mais on a tous
été élèves un jour, et que cette époque soit encore prochaine ou déjà
lointaine, on n’a pas oublié les profs, critiqués souvent, admirés parfois. Le
quotidien d’un prof, ça a donc été quelque part notre quotidien à nous, ce qui
explique que ce roman nous parle à tous.
G229 est en réalité à peine
un roman. C’est un genre à part, entre l’essai, l’autobiographie, et le recueil
de souvenirs, un peu à la façon d’un Daniel Pennac dans Chagrin d’école. Sauf
que le livre de Blondel explore davantage la veine nostalgique, grande
spécialité de l’auteur, et se place moins dans une analyse de notre système éducatif.
La nostalgie, c’est d’ ailleurs
la base de ce roman qui débute presque avec l’évocation de l’entrée en fonction
du jeune prof d’anglais. A cet âge où tout est possible et où rien n’est appelé
à durer vraiment, « Monsieur B. » s’imagine ne faire que passer dans
ce lycée où il vient d’arriver, et partir bientôt à l’autre bout du monde. 20
ans après, il continue à voir défiler les élèves dans la même salle G229 qui
lui a été attribuée ce premier jour. Des élèves qui ne changent pas ou si peu,
tandis que lui vieillit. Des élèves qui continuent à partir en voyage scolaire,
à fumer dans la cour ou à la grille du lycée, à s’aimer, à passer leur bac,
face à un prof qui les regarde répéter les mêmes scènes d’une année sur
l’autre, avec agacement, connivence,
fatigue, curiosité, et surtout beaucoup de tendresse.
Il y a tout ce qu’on connaît
pour l’avoir vécu, même si c’est de l’autre côté d’un bureau. Tout ce qu’on
imagine, comme la lassitude de la correction de copie ou l’impression étrange
de répéter le même scénario d’année en année. Et tout ce auquel, à moins de l’avoir vécu
soi-même, on ne pense même pas : l’attachement à une salle de classe, la
solitude dans les locaux désertés, l’imbrication permanente entre la vie quotidienne
et son travail de prof, les relations
avec les autres professionnels ou non qui gravitent autour : directeurs, inspecteurs,
collègues, concierge, parents…
Il y a les questionnements personnels sur le
métier, sur la carrière imaginée au départ et qui a pris d’autres chemins, les enfants
qui grandissent, et puis les thèmes plus généraux, qui évoquent le métier des
profs en général, pas uniquement les profs d’anglais, pas uniquement ce
prof-ci. Pour faire la différence entre les deux, Blondel alterne les chapitres
écrits à la première personne, et ceux où il utilise le « on ». Dans les premiers, ils nous
jettent ses souvenirs les plus marquants, les plus touchants aussi, comme cette
mère d’élève à laquelle il pense parler de son fils et qui lui parle de sa mort
prochaine. Dans les seconds, il raconte la vie des profs, pas seulement la
façon dont ils travaillent, mais tout le banal qui fait la vie : le pied qu’on
se prend dans la poubelle, les fous-rires, les rencontres au détour d’une
rue avec les anciens élèves, les voyages
scolaires, les réunions.
Tout au long du roman,
l’émotion est là, on s’amuse, on se souvient, on compatit. Mais malgré tout, si
on lit le livre avec plaisir et sans ennui, il y manque une histoire, un peu
plus de contenu. Il n’y a pas non plus de réflexion sur le métier l’éducation. On
est plus proche du blog, du journal, que du roman ou de l’essai et on a parfois
le sentiment de tourner un peu en rond.
On approche de très près le métier de prof,
mais je pense que ce sont justement les profs qui prendront le plus de plaisir
à lire ce livre parce qu’ils s’y retrouveront. Pour les autres, le livre
équivaut un peu à une discussion avec un ancien copain de lycée qu’on revoit de
temps en temps : on évoque ensemble les souvenirs communs, le « bon vieux
temps », à coup de « tu te souviens quand… » et on fait jouer à
fond la corde nostalgie. Mais cela n’a pas la même force qu’une soirée passée
avec un ami proche, avec qui on a beaucoup plus à partager.
Un clip promo de JP Blondel :
"G229" de Jean-Philippe Blondel par editionslibella
G229 (2011), Bucchet-Chastel (+
édition de poche), 240 pages
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