mardi 12 juin 2012

COURT MÉTRAGE d'Hubert-Felix THIÉFAINE par Pat Slade


« Quand, en juin 1940, le général de Gaulle me demanda de le rejoindre afin d’organiser la Résistance, je m’aperçus que je n’étais pas né. Je lui fis donc dire, mais jamais il ne me crut vraiment et toute sa vie il garda, contre moi et ceux  de ma génération, une certaine idée de rancune… » (Autobiographie N°1 1973).

Voila un début prometteur pour ce personnage qui ne commence à faire parler de lui dans les médias que cette année après avoir reçu deux victoires de la musique, une pour le meilleur album et l’autre comme interprète de l’année. Pourtant le bonhomme a pas mal de kilomètres de tournée au compteur. Visage peu connu du public, chanteur-poète écorché vif,  chansons décalées et titres incompréhensibles, l’univers de Thièfaine ne donne pas au premier abord envie de s'y plonger.


Psychanalyse du singe


Né à Dole(Jura) le 21 juillet 1948, dans une époque ou Line Renaud chante « ma cabane au Canada » et Suzy Delair nous parle «Avec son tralala » (Les anciens du quai des orfèvres comprendront !). Cinquième enfant d’un père typographe et d’une mère au foyer, l’école n’est pas sa grande passion, déjà en maternelle il fugue « parce que ça ne lui plait pas !» (Les écoliers comprendront !). Toute son éducation primaire se fera entre école privée et laïque. Puis il passera quatre années au séminaire ou il apprendra Cicéron, Salluste et Caton l’Ancien. Hubert sera-t-il prêtre un jour ? He bien non !! Car un jour, lorsqu’il voit deux de ses camarades se battre et s’insulter dans la cour : « Ils ont cassé ma vocation » (Les catholiques comprendront !). Le choc des rythmes venus d’ailleurs, à la différence des cantiques, tomberont dans son oreille grâce à la radio, spécialement celle de « Salut les copains ». Il se voit très bien en Johnny, Eddy, Dick voire plus tard John Lennon ou Mick Jagger.
Il fait partie de petits groupes de province comme les « Caïd Boys » en 1961 et « Les Squelets » en 1963 (Il n’y a pas de faute d’orthographe !). L’un  de ses complices de lycée est guitariste et s’appelle Mairet. Les deux compères ne savent pas encore que le premier sera le chanteur du second de 1979 à 1989. 1969, autre rencontre importante pour la suite, celle de Tony Carbonare, l’Homme à la moustache gauloise. Petite anecdote, Hubert faisant partie de la classe 68 (Les appelés comprendront !), avec la loi Debré (il était sursitaire) et la grande muette atteinte d'une surcharge d’effectifs (le baby-boom…), il n’est pas obligé de faire son service national ! « J’ai pris la plus grosse cuite de ma vie !» (Les alcooliques comprendront !).

Exil sur planète fantôme


Hubert retrouve Mairet et Carbonare dans les années 70. Claude Mairet fait les « baloches » (Les zicos comprendront !) avant de se lancer dans l’aventure du groupe « Guidon Edmond et Clafoutis » (si, si, ça a existé !). Tony Carbonare, lui, bossera chez la marque de voiture au Lion comme informaticien pour assurer financièrement ses projets musicaux. Son premier groupe s’appellera « Iris » et laissera un "trente centimètres" et un 45 tours, mais plus tard, il monte le groupe « Machin » (Truc comprendra !) qui donnera plus tard à Thièfaine une certaine assise à sa carrière.
Après une longue période de vaches maigres dans les années 70, en 1974 un cabaret de la rue Mouffetard «  Le Pétrin » accueille Hubert. Le responsable est frappé par la guitare peinte en bleu avec le mot "Gordini" écrit en travers. Et puis le soleil qui cherche un futur (Les fans comprendront !) semble se lever. En 1975, à Dole, il fait la première partie de François Béranger. Mais je laisse là sa vie. Je ne  vais pas réécrire sa biographie. D’autres l’ont fait mieux que moi et plus en profondeur (et ça n’a rien de salace !). Je vous conseille deux livres pour ceux qui ne connaissent pas le personnage : « Hubert Félix Thiéfaine » par Pascale Bigot chez Seghers et « Hubert Félix Thiéfaine jours d’orage » par Jean Théfaine (et non Thiéfaine !)

Autorisation de délirer



1978 sera l’année de la première galette. Le bonhomme nous dit que « …tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir …», un disque qui en introduction nous invite à prendre « L’ascenseur de 22h43 (partie 1) ».
Un premier album bourré de pépites comme «la maison Borniol» (les pompes funèbre comprendront !), « La Cancoillotte » (une chance que les vinyles ne soient pas en odorama, les parfumeurs comprendront !), les magnifiques « je t’en remets au vent » (une de mes préférées !) et  « le chant du fou » un morceau visionnaire qui en live vous donne le frisson, le délirant par son non-sens  « 22 mai » et le morceau qui feras sa célébrité « la fille du coupeur de joint » (La brigade des stups comprendra !).
Avec une pochette au contour blanc, un ciel bleu et deux pieds en l’air chaussés de blanc sur chaussettes blanches. Au dos, un Thiéfaine moustachu avec des lunettes d’aviateur, une écharpe et un mirliton dans la bouche, au dessous, la photo des musiciens, le groupe Machin avec Tony Carbonare comme directeur des arrangements et réalisateur.  

L’année suivante, il se donne une « Autorisation de délirer » et la pochette donne déjà un avant gout. « La vierge au dodge 51 » est la premiere chanson. Je mets au défi (hormis ceux qui la connaissent !) de chanter la deuxième partie sans respirer (Les apnéiste comprendront !).
Toujours des titres délirants sur des textes taillés sur mesure comme « l’homme Politique/Le Roll-Mops et la Cuve a Mazout » ou Le dernier « Alligator 427 » qui parle des méfaits de l’énergie nucléaire, et derrière toujours le groupe Machin ! (Carbonare comprendra !).
Troisième années, troisième album : « De l’amour, de l’art  ou du cochon ? », album ou Machin est toujours là. Mais son vieux pote de lycée Claude Mairet apparait comme compositeur et guitariste. Ce sera le dernier opus du triptyque folk avec un morceau assez long :  « L’agence des amants de madame Müller » et surtout une de ses toutes premières compositions « Comme un chien dans un cimetière » qu’il va enfin graver dans le vinyl.

Dernières balises (avant mutation)


1980. C’est la sortie de « Dernières balises avant mutation », que certains considèrent comme l’œuvre au noir (Les charbonniers comprendront !) de Thiéfaine, une pochette avec au recto une petite fille au pied d’un escalier la clope au bec avec à ses pieds une bouteille de bourbon et, au verso, une autre fillette habillée en princesse tenant dans ses mains un cœur percé d’une seringue remplie d’un liquide blanc. Musicalement le virage est à 180°. Dans les chœurs, la fille de du bluesman Taj Mahal, une certaine Carole Frédéricks (Jean Jacques Goldman comprendra !). Peut-être le Tome 1 du rock de Hubert suivi de peu du Tome 2 « 713705 cherche futur » (prenez vos calculettes pour 713705,  les matheux comprendront !) avec « Lorelei sebasto cha ».
Pause en 1983 avec un double live, et retour en studio en 1984 avec « Alambic/ sortie- sud ».
Premier album sans Machin, et Claude Mairet écrit toutes les musiques.

Bipède à station verticale



Après les quelques albums que j’ai décrits dans sa genèse d’artiste, Hubert Félix Thièfaine fera 10 autres albums jusqu’à la consécration médiatique en 2011. Mais il faut aussi parler de l’artiste en position verticale, sur ses jambes, devant son publique. Pas moins de sept albums live : au Zenith, à Bercy, à l’Elysée Montmartre….!
Mais il faut surtout le voir! Un charisme et une présence qui rendent le gars attachant. Sur scène, il n’est pas sans rappeler son Mentor et ami le grand Léo Ferré (qui écrira un avant-propos dans le livre de Pascale Bigot sur Hubert). Mes meilleurs souvenirs resteront le Zenith en 1986 et surtout « route 88 » ou J’ai été présent plusieurs soirs de suite à l’Elysée Montmartre, appareils photos en bandoulière (Claude Gassian comprendra !). Voir mes photos perso ci-dessous où apparaissent Claude Mairet et en arrière-plan Patrice Marzin.

Le 11 décembre 1998 Hubert fête ses 20 ans de carrière, à Bercy évidement plus une place, sold out ! Avec des invités comme le groupe Machin, il reverra pratiquement toute sa discographie hormis « Alambic/sortie- sud »
En 2002 concert au Bataclan avec Paul Personne. Ils feront un album appelé « Amicalement blues ». Lui qui dit dans «  Was ist das rock ‘n’roll » : « j’suis un vieux désespoir de la chanson française », aura l’honneur de ses cadets avec « Les fils du coupeur de joints ».
Pas moins de 14 groupes reprennent ses titres Tryo, Mickey 3D, Matmatah, les Wampas en passant par Benabar et Sanseverino lui rendent un hommage mérité (le groupe Manau et N.T.M ne peuvent pas comprendre !)

Pulque, Mescal y tequila

28 février 2011, sort l’album qui va tous changer : « Suppléments de mensonge ». (Le morceau « trois poèmes pour Annabel Lee » est magnifique.)
Il aura attendu l’âge de 63 ans pour être vu dans les médias. De son album s’ensuit une tournée : « Homo Plebis Ultimae Tour » (Les forts en latin comprendront !).
L’album est disque de platine et il reçoit le Grand prix de la chanson française de la SACEM en novembre. L’album est récompensé aux Victoires de la musique dans la catégorie album de chansons. Il obtient également la Victoire du meilleur interprète masculin.

Mathématiques souterraines



Pour un homme qui est très attaché aux mots, d’innombrable titres de ses chansons comportent un chiffre ou un nombre, je prends quelques exemples au hasard (Je ne vais pas tous les citer, sinon ce ne serait plus une chronique mais un encart du « Monde de la finance » !) Alligator 427Diogène série 87Un vendredi13 à 5 heuresGroupie 89 turbo 6113e cigarettes sans dormirNarcisse 81 … etc. !!!
Si un jour, il vous prend de vous plonger dans la discographie de cette homme, vous serez surement décontenancés par les titres et les paroles de ses chansons. Pas d’inquiétude, c’est normal, ça fait toujours ça quand c’est neuf ! (les brocanteurs comprendront !).
Pour ceux qui veulent gouter à sa prose et ses vers, je vous conseille les compilations. Pas moins de 5 ! Dont la dernière « Séquelles » faite en 2009 pour ses trente années de bons et loyaux services.
Et pour avoir un avant gout de la bête de scène et de l’ambiance des concerts, allez au rayon vidéo ou quatre de ses concerts existent !
Et moi je m’arrête là (Je me comprends !) et vous laisse l’écouter…

Videos



Hubert-Felix Thiefaine - Sweet Amanite Phalloïde Queen en live oui ! A droite - La fille du coupeur de joints.

xx

Hubert-Félix Thiéfaine - Trois Poèmes Pour Annabel Lee

10 commentaires:

  1. L'homme a eu du bol d'arriver jusqu'à cet âge, car il a eu une vie "sanitaire" mouvementée... Et il avouait il y a peu qu'il était à deux doigts de se tirer une balle pour en finir avec une dépression tenace... Précisons tout de même que la reconnaissance médiatique, HFT ne l'a pas spécialement recherchée. Qu'elle couronne une brillante carrière, soit, mais notre bonhomme n'en a pas eu besoin, il a toujours été très suivi et aimé de son public, a toujours bien vendu ses disques, sans aucune promo pendant 30 ans.

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  2. pat slade12/6/12 14:01

    Exact Luc !! La dépression et les problèmes comme tu dis "sanitaire" pour ne pas parler de la drogue les ont bien suivis à l'époque de "Dernière balise ..." Son publique a toujours été derrière lui ,je dirais que c'est le seul artiste qui a réussi grâce au bouche à oreille.

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  3. "Eh Pat... Pat. .. tu vois moi, ben, si j'étais Dieu, je ne croirais pas en moi, oh non, mais.. si j'étais moi, je me méfierais." (Les piliers de bars comprendront)

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  4. pat slade12/6/12 19:53

    Philou ,tu es un "esthète" et un fin connaisseur de Hubert !

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    1. je dois avoir une bonne dizaine d'albums du gars Hubert-Felix...et je l'ai vu 2 fois en concerts : la 1ère fois (excellent !) en 1980 pour la tournée "dernières balises" et la 2ème fois dans un Zenith dans les années 2000...moins bien, moins intime, mais un grand moment quand même !!!
      Par contre, je n'ai pas acheté son denier album ...

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    3. pour moi le dernier album est le meilleur et les concerts de lHPUT vraiment super; Hubert est en pleine forme

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  5. Interdit d'antenne et boycotté par les médiats Tv et radio (presse ?) durant toute sa carrière, cette victoire de la musique, si elle est justifiée, a quand même un arrière goût de franche hypocrisie de la part du Music Business. Je trouve...
    Quant à HFT, sorry les amis mais je n'ai perso jamais trop accroché. Mes potes de l'époque m'ont si souvent passé "la fille du coupeur de oinje" que j'ai fini par en faire une overdose... Du Felix.

    Bravo tout de même à ce bien bel hommage... Du vivant de l'artiste.

    Vincent

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  6. Pour essayer de comprendre l'univers musical de H.FThiéfaine, il faut avoir pratiqué un minimum les mathématiques souterraines avec de bons profs comme Abdallah Géronimo Cohen ou Mojo (dépanneur Tv à ses heures perdue). Après une 113 éme cigarette sans dormir, vous commencerez à entrevoir son œuvre avec un décodeur ou avec l'aide de produits divers (valium/tranxène/nembutal/yogourts/acides). Si vous êtes trop déglingués, vous pouvez aller passer un automne à Tanger ou rester à la fenêtre pour regarder passer les camions militaires. Bon, moi,c'est vrai, après 542 lunes et 7 jours environ, j'suis toujours aussi con ....je vous laisse, je vous raconte toutes ces connerie en vous taxiphonant d'un pack de Kro.

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