Vous dire à quel point je déteste la country relève du pléonasme militant
le plus flagrant. Etant d’une mauvaise foi d’autant plus féroce que
l'absence de Foi ne me manque pas, j’en rajoute dans l’ignoble. Et en
plus mon foie supporte mes accès de folie nutellesque avec pour conséquence
vengeresse l’accroissement non marginal de mon tour de taille. Et pour
finir, comme le diabète me guette (because Nutella), je ne me souviens plus
de la dernière fois où je vous entretenais de cette haine de musique de
ploucs, ignares, racistes, dégénérés et consanguins qu’est la country.
Une bonne dose de KKK, une louche de « Délivrance », une livre de
ce cher « Inspecteur Harry », quelques mariages consanguins à la
« Massacre à la tronçonneuse » ou « La colline a des
yeux ». Brandissez non pas fièrement, mais haineusement le drapeau
américain, le tout au son de guitares sautillantes toujours sur le même
gimmick, agrémentés de pedal steel larmoyantes, avec un chanteur qui récite
des conneries passionnantes comme les « Pages Blanches »,
forcément, elles ne risquent pas d’être « Jaunes » ces putains de
pages.
Etant fan de jazz (un peu), rythm’n’blues (beaucoup), funk (à la folie),
blues (passionnément), bref, de presque toutes ces musiques inventées par
les noirs américains, je tombe dans la bobo-attitude qui consiste à rejeter
ce qui vient des red-necks blancs et racistes.
Quelle connerie pourtant !
Quelle image d’Epinal (Wisconsin) à la noix ! Il y a eu pleins
d’échanges culturels entre noirs et blancs, et ce, à la fois dans le blues
et la country. Ray Charles était un grand fan, il ne loupait jamais le
« Grand Ole Opry », LE festival de référence des péquenots
à la sauce BBQ.
Et il suffit d’écouter pleins de chansons country pour y déceler des
influences noires évidentes.
Alors, tout ça pour quoi ? Ben, pour vous démontrer par l’absurde, ô
amis bobos, qu’être fan de country ne signifie pas bouffer du négro !
Capito ? … Bene !
Voilà pour cet intro didactique, démonstrative, et je l’espère pas trop
rébarbative.
C’est pas pour autant que j’aime la country (oh, non…il continue…),
j’accroche pas, c’est tout, ça me passe au-dessus, à coté, en dessous, bref…
je ne me prends pas le truc en pleine poire comme du B.B. King années 60, du
Led Zep, du Pink Floyd ou du Gary Moore.
Certainement une réminiscence d’Yvette Horner, certainement…
Alors, voyez-vous, malgré mon manque d’intérêt de la Chose des Questions
Paysannes des conducteurs de tracteurs à moteur de Chevrolet Corvette, je
tombai récemment en arrêt sur une reprise de « Nine Inch Nails »
par Johnny Cash. La chanson s’appelle « Hurt ». La version du
psychopathe Trent Reznor est dépressive comme un meeting d’un Bayrou sous
Valium. Le Johnny « Man in Black » Cash en a fait le testament
d’un homme usé résigné à y passer..
Car si officiellement Cash est mort le 12 septembre 2003, il est en fait un fantôme depuis la mort de June Carter le 15 mai de la même année. Un spectre qui met en ordre ses dernières affaires avant de partir pour de bon. Leur relation était vraiment intense à l’image de Paul et Linda Mc Cartney. D’ailleurs, regardez Paul, il vieillit seulement depuis la mort de Linda… Elle était son élixir de jouvence.
Tout ceci serait fort beau et romantique pour expliquer la nature
crépusculaire des derniers enregistrements de Cash, les « American
recordings », mais, en fait, il faut être un brin honnête. Bien avant
la disparation de sa femme, il était déjà bien malade, et se savait
condamné. Hé-ni-ouais, c’est grâce à
Rick Rubin, producteur touche à tout que l’on doit les plus beaux disques du vieux
Johnny.
En 1994, après plusieurs échecs commerciaux, Rubin enregistre Cash tout
seul, ou presque, sur « American recordings 1 », et là… paf !
Reconnaissance élargie au-delà de son public habituels de culs terreux (ou
culs trempés, autrement dit, des soggy bottoms…)
La recette de Rubin est d’une simplicité désarmante : dépouiller,
enlever les fioritures, pour ne garder que la voix, quelques instruments,
pas d’effets spéciaux numériques indigestes à base de Pro-Tools et autres
gadgets qui font chanter juste. Pas d’orchestration sirupeuse dégoulinante
de ketchup. L’œuvre au noir, raclée jusqu’à l’os…
Et ça marche !
Après m’être pris en pleine poire la version de « Hurt », je me
suis donc procuré le 4ème
volume de ces « American recordings », le dernier de son
vivant.
1ère chanson : Une
chanson originale de Cash, « The man comes around », est
une histoire hallucinée d’apocalypse, le truc à flanquer la chair de poule
quand on s’y attarde un peu. Un crachement de 78 tours en intro avec une
voix de prédicateur agonisant, et ensuite une voix, deux guitares, un
piano-tocsin tellement il est lourd et grave. Et rien d’autre. Et ça marche.
L’antithèse parfaite des bidules surproduits. L’émotion, la force d’un gars
qui a encore quelques as dans ses manches et ses colts à portée de
main.
2ème chanson :
« Hurt », évoqué précédemment. D’une chanson finalement
banale, il en fait un sombre constat prémonitoire de son veuvage. On ne peut
que penser à June Carter en écoutant cette chanson, et pleurer avec lui sur
la disparition de la femme de sa vie.
3ème chanson :
« Give my love to Rose ». Encore une composition de Cash,
mais une vieille, de 1960. Une histoire d’amour qui montre que les pignoufs
yankees ont des états d’âme comme les blackos.
CQFD.
CQFD.
4ème
chanson : « Bridge over trouble water », environ
3 octaves plus bas que Paul Simon et Art Garfunkel. Toujours dans cette
ambiance crépusculaire qui conviendrait parfaitement à un western du Maître
Eastwood. « Good rendition » diraient les ricains, maintenant,
avec le matériau de départ, faut vraiment être truffe ou sortir de
l’Académie des Etoiles pour foirer le boulot.
5ème chanson :
« I hung my head » de Gordon Sumner, l’ancien Poulet
Peroxydé. Encore une fois, c’est 3 octaves en dessous de la version
originale. On vire les arpèges de gratte électriques crunchy. La batterie et
ses contre-temps rigolos (un mélange de différentes mesures en fait) ?
Ouste de d’là ! Le saxo springsteenien dégage. L’orgue itou… Bref,
toute l’orchestration complexe, pourtant de bon gout du père Sting
dégage.
Il reste quand même le parfum springteenien de la chanson, mais on est plus du coté de « Nebraska » que du « E Street Band » lâché pied au plancher de la Ford Mustang 65.
Il reste quand même le parfum springteenien de la chanson, mais on est plus du coté de « Nebraska » que du « E Street Band » lâché pied au plancher de la Ford Mustang 65.
6ème chanson :
« The first time I saw your face ». Une chanson d’Ewan Mc
Coll de 1957. Encore une déclaration d’amour à sa femme. Par rapport aux
très très nombreuses versions de ce standard (ya eu même Nana Mouskouri,
c’est dire !), celle-ci est celle d’un vieil homme qui la dédie à sa
toujours belle femme. Vous ne me croyez pas ? Cherchez un peu des
photos de June Carter, vous verrez qu’elle est restée une très belle femme
jusqu’à la fin.
7ème chanson :
« Personnal Jesus », reprise de Depeche Mode. Evidemment,
comme le père Cash est devenu bigot sur la fin de sa vie, on a encore droit
à des considérations de curetons. C’est plutôt la confession d’un vieux
lascar qui a usé sa vie par tous les bouts et qui règle aussi ses notes avec
son Dieu. Le tout sur fond de piano bastringue et guitare folkeuse par John
Frusciante, décidément bien diminué et éloigné de ses lumineuses parties de
guitares d’il y a 20 ans…
8ème chanson :
« In my life », reprise des Beatles. Au détail de la grosse
voix de Papy Cash, on est assez près de l’esprit de la chanson bourrée de
nostalgie d’un Lennon vraiment inspiré. Lennon s’imaginait la nostalgie,
Cash la vit, big difference, et ça s’entend.
9ème chanson :
« Sam Hall », jusqu’ici, on pouvait croire que le vieux
rebelle Cash était devenu un mouton mourant. Avec ce traditionnel, il nous
dit le contraire ! Ah ah ah ! Et c’est aussi une bouffée de
revendication roublardement délinquante d’une vie d’emmerdeur
professionnel.
10ème chanson :
« Danny Boy », on file chez les irlandoches cuver une cuite
au whiskey tellement l’ambiance et lourde, et disons le … assez sinistre.
Une chanson de funérailles ? Oui, tout à fait.
11ème chanson :
« Desperado » des Eagles. Encore un truc pour faire passer
Cash pour plus méchant qu’il ne l’était, il endosse le costume romantique du
hors la loi western. Très proche des Eagles, mais avec toujours cette voix
grave décidément vraiment envoutante. Toujours très dépouillée, on a droit à
quelques chœurs en plus. Rien de très clinquant. Ca reste sobre.
12ème chanson :
« I’m so lonely I could cry ». Une reprise d’Hank Williams.
Ya vraiment pas que les bluesmen noirs qui chialent en se levant le matin
tout seuls dans leur pieux. Les countrymen blancs aussi... La preuve avec
Nick Cave qui accompagne Cash dans son bourdon.
13ème chanson :
« Tear stained letter ». Tiens, une batterie ! Mais le
cogneur de service a sorti les balais et swingue avec un piano de saloon et
une gratte acoustique pour raconter encore une histoire bien triste sur un
rythme sautillant. C’est sûr, ça aide. Et pis, faut pas chialer tout
l’temps, sinon, on se jette du haut du Grand Canyon !
14ème chanson :
« Streets of Laredo ». Un traditionnel. Un type en train de
crever qui raconte son histoire à un mec plus vivant. Dépressifs
anglophones, passez votre chemin y a de quoi se flinguer. Les autres, vous
pouvez écouter, c’est une jolie ballade magnifiquement rendue par
Cash.
15ème chanson :
« We’ll meet again ». Une vieille chanson de 1939 par Vera
Lynn (les fans de Pink Floyd la connaissent un peu). Une chanson pour les
soldats qui se voulaient optimistes ou mystiques au départ de la
guerre.
En résumé, Johnny Cash fait vivre ces chansons plus qu’il ne les
interprète. Et ça, ça vous touche en plein cœur, même si vous détestez la
country autant que moi !!!
Montage vidéo sur "The man comes aroud" et Clip officiel de "Hurt"
Ben du coup je suis allé me dégotter le DVD de "Walk the Line" pas plus tard que cette après midi (il est malin ce Pete !!!). Bingo ! Trouvé d'occas' pour 6 euros 50. Bor**l ! Même les vies héroïques ne valent désormais pas plus que ça...
RépondreSupprimerJ'y ai même trouvé "Highway to Hell". Putain, si je chope l'abruti qui c'est dépossédé d'une oeuvre aussi immanquable que celle là, je là lui fait bouffer sa rondelle.
Vincent
Est-ce que tu vas vieillir à la mort de Nutella ? Je vois qu'on partage la même passion pour la country...
RépondreSupprimerChaminou, Chaminou... CE Johnny est un dieu... sa voix est magnifique, et l'émotion qu'il transmet... je m'en lasse pas... country ou pas country, là, j'avoue, je m'en tamponne. C'est juste beau, enfin, je trouve
RépondreSupprimerToute la série des American Rec. est excellente, voire exceptionnelle
RépondreSupprimerChristian S