dimanche 1 avril 2012

BACH : Cantates du "Café" et du "Chocolat" - Klaus von Spaßvogel par Claude Toon


Poisson d'avril Baroque…

 Vrai : la cantate "du café" existe bien : son argument, son orchestration et l'ensemble des enregistrements cités sont disponibles et excellents. Le couplage est souvent la cantate "des paysans".
Faux : hélas il n'existe pas de cantate "du chocolat", fruit de l'imagination gourmande de votre chroniqueur. De même Klaus von Spaßvogel (farceur en allemand) ne fait qu'un avec Claude Toon et ses facéties musicologiques (il faut savoir se faire plaisir) qui se limitent à des articles dans le Deblocnot'. C'est déjà bien sympathique comme disait Jean Nohain…
Le Café Zimmermann existait bien et a donné son nom à un ensemble baroque très réputé dans le répertoire de divertissement de Bach où justement il était joué : concertos Brandebourgeois, Suite pour Orchestre, etc. Une intégrale de leurs enregistrements plein de vie vient d'être publiée…





Les cantates profanes de Bach sont d'amusantes exceptions dans la production parfois austère du Cantor. On connaissait déjà la Cantate "du café" BWV 211 et celle "des paysans" BWV 212. Il existe aussi une cantate de "la Chasse" BWV 208 moins enregistrée.
Et, coup de tonnerre, le manuscrit d'une cantate "du Chocolat" vient d'être exhumé des archives de la Fondation des Archives de Bach à Leipzig. Après un travail musicologique sur l'authenticité de la partition et quelques corrections savantes, voici bientôt dans nos bacs en France un album réunissant deux œuvres. Le café et le chocolat vont bien ensemble. Je ne pouvais pas faire l'impasse sur cette info de dernière heure. Le disque est déjà disponible outre-Rhin.

La Cantate du Café BWV 211
On parle parfois d'opéras comiques miniatures pour ces ouvrages guillerets et ironiques. La cantate du café BWV 211 a pour sujet l'addiction au café ! Il ne faut pas oublier que nombre d'œuvres légères comme les concertos Brandebourgeois faisaient les belles heures de la "Maison du café Zimmerman" de Leipzig. La boisson était de mode partout en Europe (Café Procope à Paris). Les consommateurs comme Voltaire et ses amis en consommaient des dizaines de tasses par jour en refaisant le monde ! Bravo l'insomnie… Un vrai problème social de santé publique à l'époque.
L'argument de la cantate est une bouffonnerie. Une jeune fille qui abuse de l'excitante boisson promet à son père, excédé par cette pratique, d'y remédier lors de son mariage. En fait la chipie ne songe à se marier qu'avec un homme qui la laissera boire autant de café qu'elle le souhaite. Mais ça, elle ne l'avoue pas. Sujet léger et musique en conséquence. Cet ouvrage est bien connu et a déjà été brillamment enregistré, notamment par Christopher Hogwood et Gustav Leonhardt.
La Cantate du Chocolat. Une révélation
Les manuscrits de Bach ont été perdus en grand nombre : la moitié des cantates religieuses et sans doute les passions selon Saint Luc et Saint Marc. La découverte de cette cantate est importante car il est rare de retrouver des partitions complètes et suffisamment annotées pour les rendre exécutables. Le solfège était encore balbutiant à l'époque.
Les musicologues dont Klaus von Spaßvogel datent la cantate des années 1734 - 1735. Elle serait donc contemporaine de la cantate du café. L'œuvre comprend comme "sa sœur" 10 airs et récitatifs et est écrite pour 2 flûtes, 1 hautbois et 1 basson, violons et continuo. C'est de nouveau une comédie : une riche bourgeoise de Leipzig a coutume d'inviter des amies à boire du chocolat dans l'après-midi, mettant la réunion à profit pour faire le point sur les cancans de Leipzig. Les hommes n'y sont pas admis, mais un jeune pasteur amateur du breuvage venu des Amériques, déguisé en jeune fille, va parvenir à gagner la confiance de la maîtresse des lieux. Le pot au rose découvert, il sera décidé que ces collations deviendront mixtes sous la surveillance du jeune ecclésiastique. Nous ne sommes pas loin de sujet comme Cosi fan Tutte de Mozart et autres opéras de marivaudages à venir. Le thème du travesti est assez surprenant chez Bach, homme pieu.
Klaus von Spaßvogel
Le musicologue et chef d'orchestre Klaus von Spaßvogel est peu connu en France. Pourtant il y est né en 1951 à Suresnes lors d'un séjour en France de sa famille, d'origine viennoise. Il repart avec ses parents pour Linz où il apprend le piano et la direction d'orchestre au conservatoire de la ville autrichienne.
Il se tourne vers la musicologie de l'époque baroque et se perfectionne auprès de Gustav Leonhardt et Nikolaus Harnoncourt. Sa carrière se partage entre la direction d'orchestre, notamment lors des festivals de musique ancienne les plus réputés, et le travail de reconstitution de manuscrits retrouvés dans les bibliothèques de Berlin, Dresde et Leipzig. On le considère comme l'une des plus fines baguettes viennoises. Telemann, Bach et ses fils lui doivent beaucoup pour l'interprétation plus authentique de leur patrimoine musical, notamment par un recours à des effectifs moins limités qu'à l'accoutumée. Bach se plaignait souvent de manquer d'artistes en suffisance pour jouer ses œuvres.
Il a créé en 1992 le Leipzig Cantor Akadémie, un ensemble qui joue sur instruments anciens et comporte une vingtaine de musiciens, un nombre respectable et en cohérence avec les découvertes du maître.
Il a enregistré quelques albums d'œuvres ainsi redécouvertes pour le petit label allemand Columbus. C'est ainsi que nous allons pouvoir découvrir cette nouvelle cantate.
Il publie également des articles érudits, en français, sur ses recherches dans un blog spécialisé hébergé dans son pays natal.
Le CD…
J'ai commandé ce CD en speed et en Allemagne. Frais de port prohibitif, mais rien n'est trop beau pour le Deblocnot'.
- Fayot !
- Ça suffit Wolfi !!!!
Si dans la cantate du café, l'interprétation n'apporte rien de nouveau par rapport à celles déjà citées, on appréciera la légèreté du trait, une absence de rythmique saccadée trop souvent de mise dans ce répertoire. Et puis l'humour distillé dans le conflit espiègle entre la fille (Frida Kolwen – soprano) et le Père (Franz Pugloff - Baryton) est particulièrement piquant.
On retrouve les mêmes interprètes habités dans la pantomime de la "cantate du chocolat". L'orchestre badine gaiement. Le chef, en évitant les précipitations baroqueuses, laisse la farce se développer joyeusement comme une comédie lyrique. Frida Kolwen adopte un ton volontairement affecté pour interpréter son rôle de bourgeoise misandre. L'air N°2 avec le basson qui accentue les rengorgements de cette pédante est d'une drôlerie qui nous suggère un regard tout à fait nouveau sur Bach. L'alto Petra Trothard apporte au personnage du pasteur une candeur ambiguë, une voix d'une grande souplesse sans ornementations superflues. On se pose la question : qu'aurait offert Bach dans un poste où composer des opéras aurait été une exigence de ses commanditaires ?
On pourra regretter un petit manque de cohésion et de fluidité du legato du Leipzig Cantor Akadémie. Ce disque est une première pierre importante dans la discographie. Espérons que d'autres grands ensembles baroques vont rapidement nous offrir une discographie alternative passionnante…

Vidéos
Aucune vidéo n'étant encore disponible, voici un extrait de la cantate "du café" dans l'enregistrement de Christopher Hogwood.

1 commentaire:

  1. Ach!!! Bétit kokain, ze Glaude Toon, alors!!!

    Ein echter Spaßvogel, dieser Claudius Toon. Es hat mir tatsächlich sehr gefallen und amüsiert, wie er uns auf den Arm genommen hat.

    Ich wünsche Dir ebenso einen schönen ersten April, obwohl wir heute schon den vierten sind.

    Bis bald, alte Nuss!!

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