vendredi 27 janvier 2012

LE PARRAIN II de Francis Ford Coppola (1974) par Luc B.




LE PARRAIN première partie : cliquez ici... a remporté tous les suffrages, publics et critiques. Le studio Paramout souhaite évidemment qu’on lui donne une suite, c’est à genou qu’on se traine devant Coppola pour qu’il accepte. Pas question ! Hurle le réalisateur, bien décidé à jouir de son nouveau statut de héros pour enfin réaliser ses rêves d’auteur. On lui propose alors d’en être le producteur. Il accepte et propose la mise en scène à Martin Scorsese. La Paramout refuse. Et la joue fine, flatte l’égo de Coppola… C’est toi, Francis, la vraie star du film, pas les acteurs… Tu seras libre de faire ce que tu veux. Coppola lance par défi : si je suis la star, qu’on me file  un  million de dollars et je vous torche votre film ! Et la Paramout lui a fait un chèque d’un million… Coppola exige qu’aucun responsable du studio engagé sur le premier film, ne soit présent sur le second. Et en bonus, il demande qu’on finance un de ses projets parallèles, CONVERSATION SECRETE, un projet mûri au long des années et dont l’acteur sera Gene Hackman. La Paramout accepte tout, tout de suite, avant que Coppola ne change d’avis !

CONVERSATION SECRETE, vendu comme étant un film d’espionnage à la Hitchcock, est tourné début 1973, et sortira en avril. Demi-échec. C’est à cette époque que Martin Scorsese, qui squattait vaguement chez Coppola, lui montre un premier montage de son film MEAN STREETS avec Harvey Keitel et Robert de Niro. Coppola, impressionné, embauche immédiatement De Niro pour jouer dans LE PARRAIN II, dont le tournage commence en octobre 1973. Bob Evans, de la Paramout, est encore aux affaires, et lorsqu’il voit un premier montage du film, il s’étonne de ne pas retrouver tout le pan cubain de l’histoire, que Coppola avait coupé. Comme pour le premier épisode, les deux hommes vont s’écharper, mais Evans gagne la partie, et reprend le montage. Le film sera nominé 11 fois, et CONVERSATION SECRETE 3 fois, ce qui fait de Francis Coppola le seul réalisateur à avoir deux films à lui nominés la même année, et dans les mêmes catégories. Au final, LE PARRAIN II recevra l’oscar du film, et Coppola celui de réalisateur et adaptateur, de Niro celui du second rôle, et Carmine Coppola celui de la meilleure musique, avec Nino Rota. A noter que CONVERSATION SECRETE recevra la Palme d'Or au Festival de cannes en 74.

Dans le village de Corleone, la mère du jeune Vito implore la clémence pour son cadet.
Ce second volet de la trilogie est assez original dans sa construction, ce qui d’ailleurs effrayait un peu son réalisateur, qui jugeait cela trop audacieux. Mais comme la partie centrale du livre avait déjà été racontée dans le premier épisode, il restait donc à raconter le début, et la fin. Autrement dit, LE PARRAIN II racontera la genèse du clan Corleone (qui est le nom du village d'origine de Vito), et en parallèle, le développement des affaires de Michael Corleone dans les années 50. Le film débute donc en Sicile, où le jeune Vito Corleone (le personnage joué par Brando dans LE PARRAIN I) est témoin de l’exécution de sa mère. Une scène glaçante, la mère étant littéralement projetée sur trois mètres par des décharges de chevrotine. Le petit Vito, lui-même recherché, est caché par des amis, puis s’embarque vers l’Amérique. Quelques années plus tard, à New York, sous les traits de Robert de Niro, Vito sera confronté à la Main Noire, organisation mafieuse, qui en la personne de Don Fanucci pratique le racket sur les commerçants italiens. Vito Corleone, avec l’aide de voisins qui deviendront ses bras droits, est choqué par cette pratique, abat Fanucci, et devient le protecteur du quartier. Son ascension dans la pègre commence… Dans toutes ces séquences, qui s’étalent de 1900 à 1941, Robert de Niro joue exclusivement en italien, reprenant les tics de langage de Marlon Brando. C’est l’apprentissage de la violence, des meurtres, du commerce de complaisance pour masquer les premiers trafics. On entend déjà la fameuse phrase « je vais lui faire une proposition qu’il ne pourra refuser » dans la bouche de De Niro. La reconstitution du New York des années 20 est réussie, et la scène la plus fameuse reste l’assassinat de Fanucci, suivi depuis les toits par Vito Corleone, et la serviette enroulée autour du canon. Sur la fin, on retrouve les frères Corleone, dans leur cuisine (les allusions à Pearl Harbor nous situent donc en 1941). Les personnages sont donc joués par Pacino, Caan, Duvall, mais le personnage du père reste hors-champs. Et pour cause ! Il aurait dû avoir les traits de Marlon Brando, sauf que celui-ci ne participait pas à ce second tournage.

Quand Michael s'assoie, c'est qu'il n'est pas d'humeur
Toutes ces scènes sont des flash-back. Habituellement, dans ce type de procédé, les flash-back reviennent assez régulièrement dans l’intrigue, leurs durées sont équivalentes. Ici, ce qui est intéressant, c’est qu’on ne sait jamais quand on va passer de 1920 à 1950. On peut rester très longtemps sur une époque, la durée totale du film (3h10) permettant de le faire. Les transitions sont étudiées. Lorsqu’en 1950, on apprend que Kay, la femme de Michael, a fait une fausse couche, Coppola bascule dans le passé pour nous montrer la naissance de Michael. Michael qui est donc devenu le nouveau parrain à la fin de l’épisode 1, développe ses affaires du côté de Cuba. Le film s’apparente davantage à une réflexion sur les liens ambigus des gangsters et des politiciens américains, un personnage rapidement aperçu ressemblant étrangement à Bobby Kennedy… Les lecteurs des romans de James Ellroy, seront dans un univers familiers. Mais le principal challenge de Michael reste de conserver le pouvoir. Le clan Corleone est attaqué de toutes parts. Jeux de dupes, l’intrigue n’est pas toujours simple à suivre, comme au billard où l’on joue sur la bande, Michael Corleone doit louvoyer pour connaître le nom de celui a tenté de l’assassiner. Coppola brouille les pistes, et lorsque la vérité éclate, Michael perd ses dernières illusions. Il devra faire le ménage pour de bon, entre son vieil ami et mentor Hyman Roth (joué par Lee Strasberg, le fondateur de l’Actor’s Studio), l’ami de son père Frankie Pentangeli, et son propre frère Fredo (fabuleux John Cazale). Comme dans le premier épisode, la fin du film est une succession de règlements de compte, le plus tragique étant bien sûr celui de Fredo, filmé de loin, Michael assistant à l'exécution depuis la baie vitrée de sa maison. Lorsque Michael a compris que Fredo avait pris part à la conspiration, il dira à un de ses hommes de main : « tache qu’il ne lui arrive rien tant que maman sera en vie ». Ce qui équivaut à une sentence de mort à court terme…

Une des scènes les plus dramatiques, entre Kay et Michael
Michael Corleone s’enfonce dans une spirale de violence, il se coupe du monde, y compris de sa femme Kay (Diane Keaton), au cours d’une scène mémorable. Kay n’est pas dupe des affaires de son mari, qui promet sans cesse de revenir dans la légalité. Lasse des promesses, elle tente de le quitter, et lui avoue que la mort prématurée de leur fils n’était pas due à une fausse couche, mais à un avortement. Kay ne souhaite pas accoucher du fils d’un monstre, qui risquait lui-même d’en devenir un. La baffe qu’elle se reçoit est d’une soudaineté et d'une violence inouïe ! Kay quitte donc à son tour cette famille. Ce personnage de Kay est assez fascinant, c’est la seule à réellement s’opposer au diktat de son mari, elle se pose en personnage résolument moderne, moral, la seule qui semble capable d’analyser la situation, et l’enlisement de la famille. Il faut aussi noter dans ce film l’extraordinaire reconstitution des commissions sénatoriales anti-mafia, devant laquelle Michael Corleone paraît. Et notamment le travail sur le son, lorsque les intervenants parlent au micro. On a l’impression d’avoir devant soit des bandes d’actualité. LE PARRAIN II est évidement une totale réussite (la lumière de Gordon Willis une fois de plus est somptueuse) fait assez rare pour une suite, bien qu'un peu longuet tout de même parfois.
Les frères Michael et Fredo : le baiser de la mort...
Pour ma part, le film ne se hisse cependant pas au niveau du premier opus. Je trouve que l’intrigue manque d’inertie, de réelle direction. Encore une fois, beaucoup de discussions, de jeux de masques, dont on ne mesure pas toujours les enjeux. C’est aussi dû à la construction, comme si aucune grande séquence n’était réellement conclue avant de passer à une autre. Exemple : comment Vito Corleone monte son clan, son organisation. On passe de 1925 à 1941 en deux secondes, puis plus rien. Il aurait fallu la présence de Brando, évidement… Dans LE PARRAIN I il n’y avait qu’une intrigue, qui foisonnait de personnages. Ici, Coppola mène plusieurs intrigues, le lien n’étant pas toujours évident, au moins dans la première moitié du film. Et puis il faut avouer que l’effet de surprise n’est plus là. La fin reste éblouissante, parce qu’elle reprend une construction proche du premier épisode. On sent que Coppola a besoin de s’inspirer du premier, pour vraiment rendre captivant le deuxième. Par contre, les acteurs sont une fois de plus formidables, Diane Keaton, John Cazale, et bien sûr Al Pacino, qui  nous livre une composition glaçante. 

En 1988, Francis Coppola a accepté de superviser une version mise à plat de ses deux films, pour une diffusion télévisée de 9 épisodes de 40 minutes. Cette fois, il joue la carte de la linéarité, puisque toutes les scènes des PARRAIN I et II sont montées chronologiquement. Blasphème, hurleront certains ! J’avais testé pour vous, à l’époque, le résultat reste exceptionnel ! Dans mon souvenir, par contre, les images avaient été recadrées en 4:3…


LE PARRAIN III sort en 1990. On sent qu'on a pioché les meilleurs éléments des deux premiers épisodes pour faire un troisième : le traitre, les affaires, le massacre, la succession. Seules les tractations avec l’Église sont passionnantes, car inédites. Mais surtout, le film devient curieusement conventionnel, dans les rapports entre Michael et Kay, ou Michael avec sa fille (jouée par Sofia Coppola, pas trop à son aise...), ou encore dans le profil de Vincent Mancini (Andy Garcia). La scène finale à l'opéra est trop longue, trop vue, trop appuyée, même si la toute fin est remarquable.    

JEU CONCOURS : Alors, vous avez été nombreux à envoyer vos réponses, à la question : D’où vient le « Ford » de Francis Ford Coppola. Le comité que je préside et dont je suis l'unique adhérent, a décidé en conscience que la réponse la plus proche était celle de notre ami Peter Minator. La réponse précise est celle-ci : quand Francis Coppola est né, son père Carmine avait un engagement dans une émission de radio qui proposait la retransmission de concert de musique classique. Le programme sponsorisé par la marque de voiture Ford, s’appelait The Ford Sunday Evening Hour… Hélas, Peter, un quiproquo avec notre fournisseur chinois m'empêche de distribuer les posters de Foxy Lady en bikini... Par contre, il nous reste des tee-shirt à l’effigie de l’ancienne Golf verte métallisée de Rockin’ juste avant qu'elle ne passe à la casse. Question chrome et jantes, tu ne perds pas au change.

COUP DE GUEULE : Le Parrain a été adapté en jeu vidéo. 95% des vidéos disponibles sont donc des extraits de ce jeu à l'esthétique particulièrement laid. Pas moyen de dénicher une bande annonce digne de ce nom... Hé, Youtoube, yé vais té faire oune proposition qué tou né pourras pas réfouser...



LE PARRAIN II (1974)
Couleur - 3h10 - format 1:85

5 commentaires:

  1. Celle avec laquelle Mme Rockin' s'est vautrée?...Ça c'est du collector! Je vais réfléchir...
    Que 5 claps au Parrain 2? T'es dur Lucio!
    Le 3 est un poil en dessous, c'est vrai. La scène finale avec le cri sans son de Pacino est hallucinante!
    La môme Coppola s'était faire fracassée à la sortie du film. Pas conne, elle réalise maintenant, et plutôt bien!
    N'empêche, j’emmènerais la trilogie sur mon rocher désert, sans hésiter!!!!

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  2. Shuffle master27/1/12 19:24

    Je n'ai pas la prétention d'être un grand cinéphile, mais je suis assez d'accord avec l'avis sur la scène de l'opéra, qui relève du poncif total. Combien de fois a-t-on ce type de scène avec le tueur embusqué, qui dans un stade, qui dans un théâtre, qui dans un meeting...etc?

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  3. Peter, c'est parce que le 5,8 n'existe pas ! Et je ne souhaitais pas mettre les deux films au même niveau. Pour le Parrain III, il y a des scènes aussi belles que dans les deux autres, mais sur l'ensemble, on est effectivement un gros poil en dessous. Et puis le brushing grisonnant de Pacino... Le film aurait sans doute mérité un article à part entière, mais bon... trois de suite... Oui, c'est cette Golf-là, j'avais réussi à m'introduire dans le garage pour prendre des photos de la voiture sur le pont !

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  4. Big Bad Pete30/1/12 09:21

    Vous parlez trop fort... c'est sûr, on va vous entendre...
    ;o)

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  5. I agree à tout vous dites Mr. Luc ... de toutes façons, j'ai pas le choix, y'a la moitié des choses que je savais pas ... Je pense aussi que le I est quand même supérieur, notamment à cause, ou plutôt grâce ou numéro de Brando ... Le III, j'ai du le voir une fois en travers, il m'avait ennuyé ...

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