mardi 17 janvier 2012

GERARD MANSET - "Manset 1968" - par Rockin-jl


 Enfin ! Un an et demi après la naissance de ce blog, je me suis décidé à prendre mon courage à deux mains, ma plume de l’autre ou plutôt ma souris (Hé Rockin ! ça fait 3 mains !) et à faire un papier sur Gérard Manset. Pourquoi me direz vous ne pas l’avoir fait plus tôt ? Sans doute parce qu’il est difficile d’écrire sur ce qu’on aime trop et aussi par peur d’affronter un mythe et quelqu’un qui a compté autant dans ma vie. Vers les années 80, à 16 ans, je suis tombé par hasard sur "La mort d’Orion" , le choc, et l’engrenage infernal, la recherche de tous les albums de Manset, la quête d’info sur ce personnage mystérieux, l’attente des nouveaux albums, bref l’addiction…Sans parler du fait qu’une fois mes 33 tours usés jusqu’à la corde, j’ai dû affronter récemment le cauchemar bien connu des fans de Manset : reconstituer en CD sa discographie ; cauchemar car Manset a décidé de rééditer son œuvre au compte goutte, dans le désordre, et en supprimant purement et simplement ce qui ne lui plaisait plus ! Comble du vice il réédite des CD portant le nom  des 33 tours originaux mais ne comprenant pas du tout les mêmes titres ("Royaume de Siam", "Comme un guerrier").

Mais j’y reviendrai en temps voulu au cours de cette rétro Manset .

Pas facile de parler de Manset donc, artiste culte et underground, ignoré des médias, inconnu du grand public (il n’a jamais fait de scènes ni de télés, ou presque) mais suivi par quelques dizaines (voir maintenant quelques centaines) de milliers de fans fidèles et irréductibles. Difficile aussi de démêler le vrai du faux au milieu des rumeurs et légendes qui entourent le personnage..

Laurent Malek


Bon, les faits:  Manset est né le 21 Août 1945 en région parisienne, très vite il se révèle un enfant et un élève à l’écart, sa scolarité sera médiocre, il est en particulier un cancre en …musique et en français ! Un zéro en français l’empêche même d’obtenir son bac !
Il fait alors les Arts déco et se destine au dessin et à la peinture, mais c’est par le truchement de son copain d’enfance Laurent Malek qu’il va entrer dans l’univers musical, en cosignant les 3 premiers EP de celui-ci. Il apprend la musique en autodidacte, et il apprend très vite, continue à écrire pour d’autres , notamment un titre pour…Dalida ("je me repose") ; avant de se rendre compte qu’il pond des textes si barrés...qu’il ne trouvera personne pour les chanter.
le 33 tours original


Fin 1967 il enregistre "Animal" aux studio Pathé, le résultat est si épouvantable que Manset, perfectionniste comme toujours, est tenté de jeter les bandes. Mais il rencontre Bernard Estrady qui vient de monter le studio C.B.E. . C’est là que Manset va retravailler les bandes et même carrément les bidouiller, passant des bandes à l’envers par exemple. Le premier 45 tours sort en Mai 68 , "Animal" sur la face A, "l’arc en ciel" et "la dernière symphonie" en B-side. Il ne se vendra pas," normal, avec Mai 68,  les magasins étaient tous fermés avec les événements", dira Manset plus tard. Il enregistre également une vingtaine de titres dans ce même studio, avec un vrai orchestre professionnel dirigé par Jean Claude Petit, et l’album  "Gerard Manset"  sort alors ; il comprend 10 titres. A noter qu’il sera rebaptisé  "Manset 1968"  lors de sa réédition en 1971 et que la track list sera légèrement modifié, les titres parus auparavant en singles y seront rajoutés (en moins "pas de pain" et en plus "Golgotha", "le dernière symphonie", l'arc en ciel").



En plein Mai 68 Manset jette un pavé dans la production française de l’époque, riches orchestrations, arrangements, cordes ; Manset joue avec les sons, fait ce qu’il veut, il a la maîtrise totale du projet . Anglo saxon il serait peut être devenu un magicien du son culte.. Si partout dans le monde la musique bouillonne en ces années là (66 : "Pet sounds" des Beach Boys, "Revolver" des Beatles, "Freak’s out" de Zappa, 67 "Sergent Pepper" (si vous ne le savez pas de qui, vous vous êtes sans doute trompé de site en cherchant un fan club de Pascal Obispo..), "Piper at.." des Pink Floyd), la France n’est pas prête, et ne le sera jamais d’ailleurs, préférant la variétoche ( Cloclo, Sheila, Stone et Charden) et les yé-yé, Johnny en tête. Si le disque se vend peu, en revanche il est très bien accueilli par la profession, chanteurs, journalistes et critiques, François Jouffa le programme régulièrement dans son émission Campus sur Europe 1, et ça ne tombe pas dans l’oreille de sourds (Murat, Bashung ..). Jouffa lui présente d’ailleurs sa secrétaire, Nadine qui deviendra Madame Manset, je ne dis pas ça pour la rubrique people mais les infos sur Manset sont tellement rares que quand on en tient une...

Ce disque n’espérez pas le trouver en CD, Manset ne le rééditera jamais, peut être même a-t-il supprimé les bandes, car il trouve sa voix insupportable (de fait elle est parfois mal posée) ; mais il reconnaît quand même s’être bien amusé à l’enregistrer.



A la réécoute aujourd’hui on se rend bien compte que ce n’est pas un chef d’œuvre, c’est parfois brouillon, décousu , mais ça fuse de partout, avec une créativité énorme mais mal maîtrisée, d’ailleurs Manset a toujours détesté ses premiers albums, disant qu’il n’avait pas atteint sa maturité artistique. Mais les bases de la suite sont déjà là, l’attention portée aux musiques, sans doute le seul en France à y attacher cette importance, et les textes décalés, ciselés, parfois grinçants, souvent abscons et poétiques. Perso je trouve un certain charme à cet album et j’y reviens souvent.


Si 6 titres sont faiblards surtout au niveau des textes ("mon amour", "il rentre à 8 heures du soir"," la femme fusée", "l’une et l’autre"," l’arc en ciel", "tu t’en vas") , ils sont souvent sauvés par la musique comme "mon amour" et ses tapis de cordes. Les autres titres sont plus intéressants, "Animal" bien sur, ses bruitages d‘animaux, ses sons bizarres, ses paroles drôles et la chute grinçante, un vraie réussite pop ou l’influence des Beatles est palpable. Mais aussi  "la toile du maître", beau texte et super final, une mini symphonie. "On ne tue pas son prochain" manie l’humour noir, on y note aussi des effets de voix. Avec "Golgotha" c’est le Manset mystique qui pointe, thème qui reviendra souvent chez lui ("Royaume de Siam", "la mort d’Orion") ainsi que le désenchantement ("vous tomberez de haut quand vous saurez ce qu’il vous faudra pleurer"). "Je suis Dieu", seul Manset pouvait se permettre de l’affirmer , avec humour, "c’est odieux d’être Dieu" , porté par une belle l’instrumentation riche de cordes. Enfin "la dernière symphonie", titre noir et empreint de pessimisme ( "plus rien sur la terre, des larmes de pierre").

Après cet album Manset va continuer d’écrire un peu pour d’autres comme Eric Charden, William Sheller, JP Morlane , Herbert Léonard, Claude Léveillée (canadien récemment décédé en Juin 2011), René Joly (sur l'album "Chimène", (ci contre) sans doute ce qu’il a fait de mieux pour un autre chanteur, aux sonorités King Crimson), et viendra le cultissime "La mort d’Orion" (1970), mais c’est une autre histoire, que tonton Rockin' vous racontera un de ces soirs devant la cheminée…
Bonne nuit les petits... 





"La toile du maître" puis "on ne tue pas son prochain":



9 commentaires:

  1. Salut JL, bonne chronique permettant de rappeler qu'un artiste (auteur compositeur) de ce calibre existe toujours en France, même si j'ai plus de mal avec ses dernières productions.

    A propos merci pour tes voeux sur mon blog auxquels j'ai répondu avec un peu de retard. Cela m'a d'ailleurs permis de constater que le Rockin fut le seul du Déblocnot à venir me souhaiter un joyeux Noël sur "Une seconde, et l'éternité", ce blog dont l'une des thématiques chéries concerne pourtant Noël... Merci les gars, très sympa, super camaraderie pour quelqu'un qui vous visite et poste des commentaires régulièrement chez vous... Très fair-play ! Très conviviaux les gars du Déblocnot ! Pour un peu je l'aurais presque pris mal... Heureusement que le Rockin fut là.

    Tu as raison JL de souligner que le plus difficile c'est d'écrire sur ce qu'on aime le plus... Ça paralyse. Sur mon blog, j'ai actuellement 24 chroniques pour le rock pour seulement 7 sur le cinéma : hors actuellement, c'est pourtant le cinéma qui me passionne bien plus que le rock ! Etonnant non ? Idem pour mon compositeur préféré Chopin : une seule chronique sur lui (à propos d'un prélude) que j'ai d'ailleurs récemment remaniée et complétée... Alors que j'ai tant de disques et de DVD de sa musique ! Idem pour Joy division... C'est agaçant. Enfin je suis assez content de ma longue chronique sur le film de Clint Eastwood Breezy... Et ma chronique-fleuve sur Valérie Valère est je pense la plus longue et complète du Web. Il fallait bien que quelqu'un lui rende cet hommage sur le Net, bah ce fut (apparemment) moi.

    Pour revenir à Manset c'est vrai que sa discographie en CD est un cauchemar. Le pire c'est que, lorsque j'ai vendu la plupart de mes 33 tours à l'arrivée de la technologie numérique, je n'ai pas gardé ce disque, persuadé qu'il allait être réédité en CD (après tout il l'a été plusieurs fois en LP). Groosse bêtise ! Kolossale herreuuuur !!! Je m'en mords encore les doigts ! D'ailleurs je trouve ça limite irrespectueux de la part de Manset vis à vis de ses fans et admirateurs: de quel droit nous prive t-il de ce disque, nous qui l'avons jadis acheté et aimé ? C'est un acte un peu égoïste : une fois sortie l'oeuvre n'appartient-t-elle pas aussi au public (comme certains le proclament) même si son auteur la trouve après coup imparfaite ? Ce disque, en 2012, tient mieux la route que de nombreuses créations actuelles...

    Bah, le prochain papier sera pour "La mort d'Orion"... M'est avis que le Rockin va passer quelques nuits blanches en perspective...

    (A venir bientôt sur "Une seconde, et l'éternité" : les 16 plus grands live de l'histoire du rock... Enfin, si je trouve l’énergie pour...)

    RépondreSupprimer
  2. merci du passage Christian, et enfin un commentaire sur Manset, ça m'a prit du temps et pas mal de recherches, c'est plus facile de trouver des infos sur Johnny ou Celine Dion..Aprés avoir parcouru le web je crois bien que ceci est la première vraie chronique de ce premier Manset, incroyable, non? Oui le prochain sera la mort d'Orion, arghhh, soyez pas pressé, le temps que je murisse ça...Pour cet album, si tu en veux une copie contacte moi via notre onglet "contact", je te ferai ça. Sinon je suis d'accord avec toi, Manset ne respecte pas ses fans en rééditant ses albums comme il fait, malgré toute l'estime que je lui porte, je désapprouve sa démarche; mais après tout c'est à l'image du personnage; insaisissable.. (ah les 16 grands live, voila une idée d'article qu'elle est bonne, on attends ça!!) A+, JL

    RépondreSupprimer
  3. A quand un commentaire sur Remy Bricka ?

    Meilleurs voeux 2012 à tous les déblocknoteurs...

    RépondreSupprimer
  4. Shuffle master19/1/12 15:54

    Au lycée et à la fac, les fans de Manset formaient un peu une secte, comme ceux de Magma. Je dois avoir l'honnêteté de dire que je n'en étais pas. J'avais un copain qui n'écoutais que ça, avec des célébrités comme Albert Marcoeur, Mama Béa Tekielski...

    RépondreSupprimer
  5. Jean-Baptiste19/1/12 17:33

    Bonjour et merci pour cet article.
    Ceci dit, une recherche avec Manset en mot-clé sur www.aquariusrecords.org pourrait vous étonner.

    RépondreSupprimer
  6. Pour les fans de Manset ou ceux qui ne le connaissent pas, j'ai vu un mec qui joue du Manset à l'essaïon à Paris et comme j'ai été conquis, j'en parle pour soutenir la démarche qui vise à donner vie à un artiste qui n'est jamais monté sur scène.
    Vous trouverais facilement, il s'appelle Garouel. A bon entendeur Salut.

    RépondreSupprimer
  7. Merci de l'info Thibault. Je précise que l'Essaïon se situe 6 rue Pierre au Lard, 75004 Paris. Les dimanche et lundi, jusqu'à la fin de l'année.

    RépondreSupprimer
  8. http://sphotos-b.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-snc7/c0.0.403.403/p403x403/575254_120043374821074_25122391_n.jpg

    RépondreSupprimer
  9. « L’une et l’autre » est une merveille ciselée à la Roda-Gil

    RépondreSupprimer