Etonnante reconversion que celle de ce Bjorn Berge qui après 6 titres à Roland- Garros et 5 à Wimbledon retourna un jour sa raquette, changea les cordes pour s'en faire une guitare et jouer le blues! Ah ….pardon….on me signale dans l'oreillette qu'il s'agirait de Bjorn Berge et pas Borg, autant pour moi….d'ailleurs, ce Bjorn là est norvégien, pas suédois, et n'a jamais joué au tennis. Il fait partie de la scène blues nordique au même titre que le Wentus Blues Band (Finlande), Spoonful of blues (Norvege), le duo Tim Lothar/ Peter Nande ou encore Thorbjorn Risager (Danemark) et ce Blackwood est déjà son 12ème album depuis 1994. Il joue souvent tout seul, avec son banjo et ses guitares, 6 cordes ou 12 cordes, et parfois en écoutant ce "one man band", on se demande si, à l'instar de la Déesse Shiva, il ne possède pas plusieurs bras tant on a l'impression d'entendre un vrai groupe!Si ses influences évidentes sont les pionniers du blues et du rock, les Elmore James, Robert Johnson ou Chuck Berry (avec qui il a tourné), il est également ouvert à d'autres genres, ainsi il n'hésite pas à reprendre sur scène les Red Hot Chili Peppers, Franck Zappa ou Motorhead.
Bjorn Berge (photo laguitar.com) |
Mais la base reste un folk-blues puissant ou sa technique et sa virtuosité sont impressionnants, notamment en "finger picking" et "slide". 11 titres sur ce "Blackwood", dernier album en date produit par Dixiefrog et 2 reprises, de Joni Mitchell ("Woodstock") et de Sleepy John Estes ("Going to Brownsville"). Un titre sombre et puissant, un blues lent à l'atmosphère crépusculaire et hantée qui rappelle irrésistiblement John Campbell, le sorcier vaudou parti rejoindre le territoire des ombres en 1993.
Le climat de ce bel album est résolument "roots", pas d'artifices chez notre gaillard, c'est du brut de décoffrage, du blues acoustique rugueux aux accents folk et country par moments, surtout le bluegrass des Appalaches, la plupart du temps seul avec sa guitare, marquant le rythme du pied, à la John Lee Hooker, avec parfois une ligne de basse ("in & out" ) ou des percussions sur 4 titres (par Kjetil Ulland), et même un sax (Karl Gronhaug sur "In & out"). S'il n'a pas connu les dures conditions de travail dans les champs de coton, en revanche Berge a connu celles des plates formes pétrolières de la Mer du Nord où il a travaillé avant de vivre de la musique du diable. Comme quoi le blues est universel et perdurera tant que des hommes souffriront. Il a donc encore de belles années devant lui...
chronique parue initialement dans le No 27 de la revue BCR
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire