KATE BUSH - "50 Words For Snow" - (2011) par Christian Selmogue

Dès ses débuts en 1978, Kate Bush était déjà unique. Son style se démarquait nettement de la New Wave alors en vogue. Après 3 albums pop de haute tenue, elle change de style dès 1981 avec l'excellent "The Dreaming", puis viennent "Hounds of Love", "The Sensual World" et "The Red Shoes". Déçue par l'accueil mitigé de ce dernier Kate Bush observe un silence de plus de 12 ans. Ce n'est qu'en 2005, avec "Aerial" qu'elle se rappelle à notre bon souvenir. Au printemps 2011, sort "Director's Cut", un album constitué de reprises réorchestrées de chansons tirées de "The sensual world" et de "The Red Shoes".  Enfin en cet automne 2011 parait le nouvel opus: "50 Words For Snow".

 

 Six ans ans après "Aerial", Kate Bush est de retour. Le sujet du disque concerne la neige. La neige, qui en la voyant tomber n'a pas ressenti en lui une sérénité absolue. La neige qui tombe. Le flocon que l'on suit du regard, l'observant jusqu'à ce qu'il atteigne le sol, se dissolvant dans l'immensité immaculée.  La musique de "50 Words For Snow" se fond parfaitement dans son sujet. Notes cristallines, voix diaphane,  musique presque minimaliste. Quelqu'un a qualifié la musique de Kate Bush comme étant une musique impressionniste. Une musique tout en émotions, en retenue, en lenteur. La lenteur. L'éloge de la lenteur même. Une musique qui se déroule sans tenir aucun compte des musiques énervées qui marquent notre époque. Une musique pour réfléchir, se détendre tranquillement. On sait que Kate Bush aime prendre son temps, qu'elle ne donne de ses nouvelles que lorsqu'elle est prête à la faire. Pourtant il y a de l'urgence chez Kate Bush, celle de prendre son temps, de prendre le temps de bien faire les choses. L'urgence de ne pas céder à la dictature du tout,  tout de suite, de la vitesse, de la quantité. L'urgence d'être vivant au milieu du nihilisme ambiant. C'est ça qui fait que Kate Bush est unique. Impressionniste, sa musique se dévoile en petites touches légères, presque insignifiantes comme les flocons de neige. Et pourtant quelle intensité dans chaque note.  Une économie de notes et de mots. Mais les notes exactes, les mots révélateurs. Tout Kate Bush est dans ce magnifique album.

 

Kate Bush appartient au même monde secret que les Nick Drake, Tim Buckley, Mark Hollis, Peter Gabriel, Isabelle Adjani, Joni Mitchell. Un monde secret et mystérieux, où la solitude et le silence sont roi. Un monde vivant au-delà de nos pauvres ambitions, un monde innocent et simple, à des années lumières du monde agité, stressé et malheureux qui est le nôtre.

Il est certain que cet album sera détesté par les "branchés". Il est trop lent, trop introspectif, trop silencieux pour des cerveaux superficiels. L'ambiance dégagée par "50 Words For Snow" est exactement tout ce dont ils ont peur. Ce disque est une étincelle, une lumière éclairant les ténèbres abyssales de l'inconnaissable. Cette musique possède un pouvoir guérisseur. Kate Bush est unique. 
J'aime cette femme.

Un extrait de 50 Words For Snow : "Wild Man".