C'est d'un bluesman singulier dont nous allons parler aujourd'hui, John Campbell, né le 20 Janvier 1952 à Shreveport en Louisiane et décédé le 13 juin 1993 à New York City. Campbell c'était une voix, une atmosphère (atmosphère, atmosphère, est ce que j'ai une gueule d'atmosphère!?), une gueule taillée à la serpe, un regard d'aigle, fier et ombrageux.
Il baigne très vite dans la musique, dès 3 ans sa grand mère l'initie à la lap steel guitare qu'elle pratique et à 5 ans il reçoit sa première guitare. Il suivra ensuite ses parents, à Bâton Rouge, puis au Texas. Musicien professionnel à 13 ans , il aura l'occasion d'ouvrir pour des pointures comme Albert Collins, Son Seals ou Clarence Gatemouth Brown. Mais il a une deuxième passion, plus dangereuse, pour la vitesse, pratiquant la course de dragsters, et un terrible accident à 15 ans va le laisser entre la vie et la mort et le couvrir de cicatrices, sur son cuir mais aussi au plus profond de son âme, ce voyage dans le territoires des ombres le marquera à vie, lui inspirant des textes sombres où la mort rode . Comme il le dira plus tard, "le blues m'a fait revivre", sa guérison sera longue et il trouve la force nécessaire dans la musique, celle des John Lee Hooker, Muddy Waters, Lightnin' Hopkins, Leadbelly, Son House, Fred McDowell, Elmore James, Charley Patton, Blind Blake, Robert Johnson... On le retrouve ensuite à New Orléans, il mènera la vie itinérante des anciens bluesmen, dormant dans les buildings désaffectés ou les stations de bus, jouant dans les bars ou dans la rue, avant de "monter" à New York en 1985.
Coup de pouce du destin il s'y fait remarquer par le songwriter Ronnie Earl, qui fortement impressionné par le jeu et la prestance de Campbell va produire son premier album " A man and his blues " en 1988. C'est un bel album de blues traditionnel, du Texas et du Mississippi, où Campbell reprend deux fois son idole Lightnin' Hopkins ( "Going to Dallas" et "Bluebird" ), Elmore James ("Sunnyland Train") , Snooky Pryor ("Judgement Day") et Furry Lewis ("White Lightnin"). Il est accompagné de Ronnie Earl à la guitare sur plusieurs titres, de l'harmoniciste Jerry Portnoy, du batteur Per Hanson et de Darell Nulish au chant sur le "Judgment day". Quatre compos de son cru complètent cet opus , l'acoustique "Bad Night Blues", "Deep River Rag" , instrumental d'influence ragtime, "Texas Country Boy", blues rock co-signé avec Portnoy et la ballade "Sittin' Here Thinkin".
Mais le plus intéressant reste à venir…en effet il se fait repérer par l'agent de ce bon vieux Dr John qui le fait signer chez Elektra. Il développe aussi une amitié avec Dr John qui le mariera, lui prêtera force, talismans et, plus triste, prononcera son éloge funèbre à sa mort…
Produit par Dennis Walker, producteur de Robert Cray, et avec certains musiciens de ce dernier, Richard Cousins (bass) et Jimmy Pugh (claviers), plus Davis McLarty (drums) et Jimmy Pettit (bass), la rythmique de Joe Ely. Dix titres, dont une seule reprise "Person To Person " de Elmore James et des titres forts comme "Devil In My Closet" ("I got the devil in my closet, The wolf is howlin' at my door . . ."), le sombre "Angel Of Sorrow" ("je sais qu'il est tard dans ma vie pour une première prière, je ne demande pas la pitié pour mon âme tourmentée, seigneur, accorde moi juste un dernier moment pour dire adieu à mon amour"), "Tiny Coffin" (petit cercueil) vision cauchemardesque de gamins assassinés dans la violence urbaine, "World Of Trouble" ("les loups affamés sont là, je peux entendre leurs estomacs gronder de frustration et de désespoir") (à ce stade de ma chronique je vous laisse, je vais me pendre, je lègue ma collection de blues à Luc B et celle de capsules de bières à Philou..), "Voodoo Edge" son piano honky tonk et son ambiance à la Dr John, le blues rock "Take Me Down" et "One Believer", agrémenté des cuivres des Texacali Horns, où Campbell évoque ses visions . Le tout porté par cette voix rocailleuse, profonde et sombre, qui évoque parfois Tom Waits, Johnny Cash ou Holwing Wolf et par cette slide vicieuse (Campbell utilisait 3 guitares: un 1952 Gibson Southern Jumbo acoustic, une 1934 National Steel guitar et une 1940's National Resophonic Guitar).
Le succès est au rendez vous mais Campbell ne change rien à sa vie de vagabond du blues, et continue de jouer dans les bars, voire dans les rues. Pour l'homme à la veste de Sitting Bull, le blues dépassait le cadre de la musique, c'était un art de vivre et une quête de spiritualité.
Deux ans plus tard, vient "Holwing Mercy", toujours chez Elektra et produit par Walker.Le succès est au rendez vous mais Campbell ne change rien à sa vie de vagabond du blues, et continue de jouer dans les bars, voire dans les rues. Pour l'homme à la veste de Sitting Bull, le blues dépassait le cadre de la musique, c'était un art de vivre et une quête de spiritualité.
Qui commence par le rock "Ain't Afraid Of Midnight" qui nous envoie tout droit en enfer, jouer aux cartes avec Satan...Suivi de "When The Levee Breaks" de Memphis Minnie, dans une reprise plus roots que celle de Led Zep(*) mais musclée quand même. Autre reprise celle de "Down In The Hole" de Tom Waits, autre timbré génial, un prêche illuminé ("Now if you walk with Jesus, He’s gonna save your soul, You got to keep the Devil Way down in the hole") avec bruissements d'os et sonnettes de serpents.."Look what love can do" est un blues rock de bonne facture avant la pièce maîtresse "Saddle up my pony" long blues, un traditionnel de 7'15 qui emprunte au "Pony blues" de Charley patton et à Robert Johnson et s’emballe sur la fin à coups de grandes descentes de slide. "Firin' Line", "Written In The Stone"et "Wiseblood" sont plus blues rock avec parfois un coté "swamp" à la Creedence ou Tony Joe White avant "Wolf Among The Lambs" long blues lent, hypnotique et inquiétant qui clôt l'album.
Écouter ces deux derniers albums, c'est faire une partouze avec les putes les moins chères d'un bordel crasseux des bas fonds de Bâton Rouge, suivie d'une biture au whiskey frelaté, puis tu rentres chez toi, dans ta baraque en tôles rouillées, au bord d'un marais putride grouillant d'alligators, tu dégueules tes tripes et t'endors comme une merde sur une paillasse humide infestée de puces…
Tout semble sourire, tournée en Europe, Campbell a un "band" régulier (Jimy Pettit, bass, Robert Medici, drums et Zonder Kennedy, guitare) il ouvre pour BB King ou Buddy Guy, passe à Montreux, un nouveau disque en vue, mais le "devil" n'a pas oublié John, une nuit de Juin 93 une créature visqueuse issue d'amours contre nature s'extrait de la fange du bayou (en l'occurrence les égouts de New York) et vient chercher son dû, l'âme de Campbell, condamné pour l'éternité à jouer la musique du diable aux enfers.
-Euh Rockin tu te sens bien ? C'est vraiment comme ça que ça s'est passé ?
-Oui, bon, scusez moi je m'emporte un peu, en fait il est mort d'une crise cardiaque dans son sommeil, causée par les séquelles de son accident et sa consommation de drogues. D'ailleurs il redoutait de mourir ainsi et dormait fort peu, il avait peur de la nuit, le thème revient souvent dans ses textes, ainsi que la vie de "hobo", le vaudou, les talismans, les charmes, les tombes, la mort, Satan , l'enfer. Bref pas vraiment un gai luron, plutôt un poète tourmenté le John, un songwriter frère des Calvin Russell, Townes Van Zandt, Alejandro Escovedo... Ajoutons qu'il était très influencé par la mythologie du "Crossroads" de Son House et Robert Johnson racontée par son ami Parker Bloodshaw à Shreveport, vieux bluesman qui avait joué avec John Lee Hooker, Parker qui lui apprendra la slide et lui remplira sa tête d'ado de ses histoires sur la vie des pionniers itinérants du blues.
Ceux que John a rejoint ce funeste 13 Juin 1993...
(Pour être complet signalons les "Tyler, Texas Sessions", session acoustique de standards du blues, une démo de 12 titres enregistrée début des années 80 et édité en 2000, parfois appelée aussi "Austin Sessions"; et "Street suite" enregistré en 1975 et totalement introuvable; ainsi qu'un certains nombres de bootlegs).
(*) J'ai pu lire ici où là en me documentant pour cette chronique, dans des articles très sérieux, en anglais ou en français, que Campbell reprenait "When the levee breaks de Led Zeppelin" ; merde , renseignez vous avant d'écrire des conneries, la musique n'a pas commencé avec les chevelus des 70's (que j'adore au demeurant) ..
"Saddle Up My Pony", admirez la "1934 National Steel guitar", et la veste indienne:
Un artiste atypique mais intense dont j'ai adoré tous les disques. Je reprenais à une époque un de ces titres "Voodo Edge", une chanson empreinte de l'ambiance particulière des Bayous de Louisiane avec ce riff de guitare hypnotique à souhait ! A noter pour les afficionados que John Campbell est à l'origine de la vocation d'un excellent guitariste chanteur de New Orleans j'ai nommé Papa Mali que John avait pris sous son aile à l'âge de 14 ans.
RépondreSupprimerDingue... Le toon il a cru en écoutant la vidéo que ça ne décollerait jamais... Et puis... et puis ça s'emballe, que dis-je, ça se déchaîne... waouuuu.
RépondreSupprimerOn voit que la Louisiane est proche de Cap Carnaveral.
Me voilà avec 1683 albums de blues en plus à ranger, c'est madame Lukebé qui va être contente...
RépondreSupprimerpense au Philou,et à madame Philou, lui c'est 147.329 capsules de bière qu'il a à ranger...
RépondreSupprimerCommander aujourd'hui. Commander le "America" conseillé par Philou Hier. P... vous me ruinez. J'aurai bientôt plus que ma pension de retraité. Maggy Toon qui s'angoisse déjà devant les 2500 CD et LP !
RépondreSupprimerJe vais brader des "Classiques" en n versions différentes. Je fais -50% pour les Deblocnoteurs. Ça intéresse qui ? Non mais y a des bon trucs sans dec', hein Wolfi....
John Campbel !!!
RépondreSupprimerEncore un partit trop tôt. Fauché en pleine ascension.
Deux grands disques de Voodoo-Blues-Rock non frelaté.
Les skeuds à -50 %, ce sont les André Rieu ?
RépondreSupprimerTout simplement MERCI d'avoir parlé de ce grand monsieur!
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