vendredi 4 novembre 2011

FESTIVAL : LES PRIMEURS DE MASSY 2011 par Luc B.


Les Primeurs de Massy (dans l’Essonne, 91) ce sont quatre soirées consacrées aux chanteurs ayant juste sorti leur premier album. Le Déblocnot, pour des raisons de visa refusé (les autorités américaines ne souhaitant pas d'un Rokin' Jerry Lee sur leur sol, le croyant apparenté à Jerry lee Lewis) n'avait pu être présent à Woodstock… Nous étions donc à Massy ! D'un autre côté, c'est moins loin...

Samedi 29 octobre, dernière soirée, dans un lieu convivial, bâti au milieu des barres d'immeubles, et donc au coeur même d'une population qui aura trois mètres à faire pour aller au concert, ce qui leur coûtera royalement 12 ou 14 euros. La programmation est de haute tenue, ce qui ne gâte rien, et y'en a pour tous les goûts. Et sur place, un bar dans une grande salle avec canapés, fauteuils, tables, des crêpes et des assiettes de fromages, la pinte à 4 euros (dont 1 de consigne...) et deux salles de spectacle (250 places ?) avec balcon ou mezzanine. Ainsi, quand le premier artiste finit son set d’un côté, le second peut commencer illico de l’autre. Pas de perte de temps. La règle est simple : 45 minutes chacun. A 20h, c’est l’australienne Nadéah qui ouvre les hostilités, et elle met la barre assez haute, avec un show déjanté, entre pop sixties countrysante arrosé de punk, et ambiance cabaret décadent, un mix des Runaways et de Nina Hagen, le groove d’Amy Winehouse en prime. La blonde en question en impose, du haut de ses 1,95m (eh ouais !) bas résille destroy, culotte rouge (pardonnez cette précision, mais comme elle ne portait pas grand chose de plus...) une voix de stentor, mais à l'aise sur différents registres, l'oeil coquin, streap-tease, et roucoulades. Le groupe assure, mais c’est elle qui fait le show. Elle explique ses chansons en français, l'une s'appelle "Réveillon du nouvel an dans un hôpital psychiatrique" (tout un programme...), et elle n'hésite pas à descendre de scène danser le charleston avec le public. Nadéah est installée en France depuis quatre ans, pour une histoire de visa périmé, qui l’a contrainte à rester. Nicolas Tescari, qui tient les claviers, est aussi producteur du projet.
 
Changement radical d’ambiance en salle 2, avec James Vincent McMorrow, irlandais, ex-batteur de heavy métal, reconverti dans le folk cristallin. Il a écrit, produit et réalisé seul ce premier album, dans une bicoque en Irlande, face à l’Océan. A Massy, le monsieur se présente seul face au public, avec sa guitare acoustique, et sa voix haute perchée nous renvoie directement vers Jeff Buckley. Ambiance feutrée (j'ai pas dit "glacial", hein ?) Paul Simon, Neil Young, une reprise de Chris Isaac « Wicked game ». Bel organe, très maîtrisé, mais le bonhomme abuse un peu des effets de voix, justement. Se plaignant d'un mauvais écho dans le retour de scène, McMorrow préfère pousser le micro et chanter sans artifice, devant une salle d'où ne filtre plus aucun murmure. Désolé pour le folk intimiste, mais il est temps de changer d'étage, la foule se presse, pour voir le prochain phénomène. 

Car déboule maintenant la star de la soirée, enfin… celui qui court les festivals, et commence à se faire une bonne réputation. Joe Rocha est un chanteur indien de 65 ans, découvert par un musicien français, Cédric de la Chapelle, en vadrouille à Goa. Emu par les prestations du crooner des rues, le français le prend sous son aile, le ramène ici, et lui offre un album : Slow Joe and the Ginger Accident. Le groupe balance une pop psychédélique très carrée, une musique extrême référencée, avec claviers Vox (traduction : le son de The Doors). Joe Rocha, lui, arrive sapé comme Edwood Blues, le sourire édenté, effectue des chorégraphies improbables (il s’entraine pour la 4 fois 4 nages ???) dont je ne sais s’il s’agit de second degré assumé ou pas. A la fois crooner, jazzy, rockabilly, ne personnage détonne dans le paysage. De là à dire que c’est le nouveau Tom Jones, y’a un pas que je ne franchirai pas ! Sur scène, le bonhomme a l’air quand même un peu paumé, cornaqué de près par De La Chapelle. Le fait d'entendre parler un indien, me renvoie illico à Peters Sellers dans la PARTY. Et le charme agit, c'est enlevé, rythmé, et la voix est assez singulière, puissante, profonde, chargée de sentiments. De l'art brut musical en quelques sorte ! Le disque (que j'ai acheté à l'issue de la soirée) est pas mal du tout, et propose une orchestration plus raffinée, avec choeurs, cuivres. 


Quatrième artiste, un petit de bout de femme, blonde décolorée comme Debbie Harris, 43 kilos toute mouillée, c’est Maud Elisa Mandeau, à la tête d’un quatuor très très sérieux : Le Prince Miiaou. Le bassiste joue aussi du clavier ou du violoncelle, Maud Elisa alterne guitare, basse, percu et même flute à bec. Le batteur lui, joue aussi de la trompette. On est dans un rock ambiance 90’s, évoquant Bjork, Radiohead, Sinnead O’Connor ou Kate Bush. La chanteuse se démène, enfile un masque de plongée pour nous sortir un solo de Télécaster (sic!), mais rien de semble dérider les musiciens, très concentrés, ou qui font la gueule. Du coup, énergie un peu vaine. L'ambiance reste polie. Un peu distant.    

Il n'est pas loin de minuit, et on accueille le dernier groupe, qui aura le privilège de donner un set de plus d'heure et demi. Il s'agit d'une formation australienne, comprenant : un chanteur, un batteur, un pianiste, et un contrebassiste, un violoncelliste, et un violoniste : TRUE LIVE. Étrange, atypique. Les instruments sont électrifiés, et le groupe balance plein pot une sorte de fusion blues, rock, hip hop, free jazz ! Cocktail détonnant, mais les mecs sont de sacrés musiciens, pétris de culture classique et de références, ils osent et ça passe. Les titres sont plus longs, chacun participe, tous sont très complices, on s'écoute, on se regarde, on joue ensemble. Le chanteur, Ryan Ritchie, évoque Jim Morrison, pas dans le voix, mais dans le posture, la gestuelle, la présence. Il part dans des scansions hip-hop débridées, soutenu par une rythmique bluezy (gros boulot du batteur) et des cordes folles, un piano virevoltant, et d'un coup change de style, virage sur la jante, mélodie pop ou rugissements heavy. Un sacré gosier, et un vrai front-man.

Les violons électrifiés sonnent parfois comme des guitares, le violoncelle faisant office de rythmique, et quand les types reprennent "Whole Lotta Love" de Led Zeppelin, c'est un violon (Tim Blake) qui joue les riffs et les chorus de Jimmy Page, le crin crin branché sur pédale wah wah ! Et vous avez quoi ? Ca le fait ! Ca le fait grave ! Immense version. Ce groupe est incroyable, une énergie folle, une proximité avec le public, de la virtuosité entre les doigts, une voix superbe, et beaucoup de liberté dans la musique, de spontanéité. Si vous souhaitez écouter les albums de ces artistes, vous les trouverez sur Deezer (partenaire de la soirée). Mais, hélas, concernant TRUE LIVE, les versions studios sonnent R'n'B, policées et retenues, et ne rendent pas compte de ce qui se passe sur scène. L'extrait dégoté ci-dessous devrait tout de même donner un aperçu des mélanges de styles. Idem pour Nadéah, dont les vidéos montre une country folkeuse à couettes, rigolote et un peu fofolle.    

Bravo aux organisateurs et programmateurs, pour 20 euros la soirée, cinq prestations de haute volée, des univers différents, une acoustique irréprochable, et l'occasion de constater - une fois de plus - que la créativité et les découvertes musicales ne passent pas par la télévision (qui au contraire nous sert ad libitum la même soupe à peine réchauffée de la veille) et bien par la scène et les concerts.  


Voici les liens vers les artistes évoqués dans cette chronique :

Le site et fan club vers NADEAH
Le site vers JAMES VINCENT MCMORROW
Le site vers SLOW JOE
Le site vers LE PRINCE MIIAOU (avec deux "i" !)
Le site vers TRUE LIVE

L'étonnant Slow Joe, et son phrasé endormi, limite "je m'emmerde" mais qui fait justement l'originalité du monsieur !


Un titre studio de True Live :

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