P.Y.G. signifie Projet Yvan Guillevic. Aujourd'hui, ce nom n'est pas inconnu pour les fondus de guitare, et pour les mélomanes dont la curiosité va au-delà de ce que l'on sert sur les ondes (les fast-food de la culture musicale). Notamment grâce à divers articles dans la presse, dont deux pour ses talents de six-cordistes dans la presse spécialisée (Guitar Xtreme et Guitarist), et sa présence sur l'album « Can You Hear Me Jay » de Pascal Mulot en 98. Peu après, il collabore avec le label Starsky Records pour quelques singles. En 2005, production et écriture pour le groupe 60Feelings et leur disque "Le Mouvement des choses". En 2006, Groovythingz groupe hybride Electro-Blues-Rock avec Yann Sciberras, qui aboutira à un disque en 2009, "Les Machines". La même année, il remporte le concours organisé par Guitar Xtreme avec son instrumental « Green Eyes », sur lequel il démontre avec aplomb qu'il y a aussi chez nous des musiciens qui savent faire chanter leur instrument. Et ce, sans bavardage inutile ni démonstrations stériles de prouesses techniques.
Allez hop ! Un p'tit "Green Eyes" live. Personnellement, j'adore.
C'est-y pas beau la guitare, heing ?
Actuellement, son nouveau projet suscite l'intérêt de magazines à connotation Heavy-Metal/Hard-Rock.
Autant le dire de suite : dès les premières notes on est surpris par la qualité du mixage et de la production. Un vrai travail de pro qui sonne plus comme une réalisation anglo-saxonne que franchouillarde. Il y a de la puissance et de la définition, toujours avec un son organique même sur les compositions les plus Metôôl.
Le premier titre, après une intro placide, œuvre dans un Metal 80's assis sur une rythmique carrée, un rien martiale, non loin d'un croisement entre Queensrÿche et Judas Priest (sans les cris perçant de Geoff Tate ou de Halford). Mother Earth Part 1 change totalement la donne avec un registre franchement Progressif. Une belle introduction limpide au piano sur lequel se greffe un beau chorus aérien de guitare ; suit un couplet chanté avec une mélopée en arrière-plan, juste soutenu par un arpège cristallin et une nappe discrète de synthé. Le piano revient pour le coda avec une ambiance urbaine en toile de fond qui nous plonge un court instant dans l'univers de Kate Bush. Il y a de la retenue et de la délicatesse dans cette pièce, complètement à l'opposé de la première.
L'anticonsumériste « Mass Consumption » se divise en deux parties : « Television » et « New Stuff ». La première fait le lien entre les deux premières plages. Un riff brut et simple, bien en avant, des arpèges en arrière plan, un chant en duo pratiquement scandé, le féminin atténuant l'agressivité du masculin. La seconde envoie le bois ! Une batterie qui pulse, un riff gras semblant sortir du Glam-rock le plus Heavy des 70's, des tranches d'orgues fantomatiques. Un solo décoiffant gorgé d'une wah-wah débridée et que l'on aurait aimé plus long tant il régale les esgourdes. D'ailleurs, à cet effet, soulignons qu'Yvan sait parfaitement intégrer les effets dans son jeu ; autrement dit, il n'y a pas d'utilisation hasardeuse (comme on peut l'entendre bien trop souvent). En l'occurrence, que ce soit son vibrato mécanique ou sa Wah-Wah, on peut les considérer comme des instruments complémentaires.
Avec « New Stuff », on croit avoir atteint le zénith de l'opus, or, juste après, il y a « Siren Song ». Et là.... sur le cul ! (oups ! désolé, l'enthousiasme m'emporte. Je voulais dire les fesses...) Rien à faire, même après plusieurs écoutes j'ai l'épiderme qui frisonne, le poil qui se hérisse, le sourire jusqu'aux oreilles. Mais qu'est-ce-que c'est ? D'où sort ce splendide chorus qui pourrait être la synthèse du meilleur de Gilmour, Gary Moore, Michael Schenker et Montrose. Et lorsque l'énorme bend au vibrato redescend, une voix féminine prend le relais. Pas de paroles, juste une mélopée, une incantation. On sent une petite filiation avec le fameux « The Great Gig in The Sky » de Pink-Floyd. Mais le chant féminin chez ce dernier est plus torturé, alors qu'ici il favorise la mélodie, encouragé par la splendide partie de guitare.
« My Greed » s'ouvre sur des accords ouverts dissonants dans la tradition des interludes de Black Sabbath époque 70's. Cela devient rapidement plus Metal, cependant des breaks plus nuancés s'immiscent, apportant un peu de douceur dans ce monde de brutes. Le coda n'est pas loin d'un rock planant à la Pink-Floyd. Gestion de climats différents qui ne sont pas sans rappeler certaines facettes de Dream-Theater ou de Queensrÿche.
Rain Dance, un Heavy-pop-world-rock de bonne aloi ; l'accalmie avant le rouleau compresseur.
Mother Earth renoue avec le chant martial caractérisé au début de l'album. Gros solo où Yvan fait fondre les circuits de sa Wah-Wah.
« End of The World », paroles noires, funestes et désabusées. Intro de bruitages donnant une atmosphère futuriste et pluvieuse (Blade Runner ?). La musique est un mix entre une Cold-wave et un Rock-Prog FM. Une certaine froideur par le son, cependant pas par l'instrumentation, qui elle paraît paradoxalement presque enjoué. Surtout le solo de synthé, et, le solo d'Yvan dans le style d'un Dave Murray. Entre Cold-Wave et Rock-Prog FM, entre Bowie 80's et le Floyd, entre Honeymoon Suite et Asia ou Yes 80's.
« Time to Exodus » est introduit par des notes tirées au vibrato, langoureuses au sustain chaud et épais ; ça c'est un son de gratte ! Avec le constat de Gaïa de sa déchéance par la faute, dans une ambiance – paradoxalement – quelque féérique, le titre se développe sur un Hard-Rock appuyé où la chanteuse (la Terre – Gaïa) répond à l'humanité arrogante et imbécile (voix masculine). On s'enfonce un peu plus dans la noirceur, d'où le break Metalicanien.
Magnifique final avec le bien nommé « New Hope ». La composition (musique et mélodie chantée) évoque l'espoir ; des notes crystallines au piano, un chant qui s'égaye, gonfle le torse (Morgan y donne sa meilleur prestation de l'album), envolées de guitares, un chorus se fondant dans l'harmonie avant une petite frénésie (descente de manche en tapping). New Hope, c'est le soleil après la tempête, le printemps après un hiver rude, la renaissance. Et un coda avec un piano électrique joué à la manière de Rick Davies.
P.Y.G. œuvre dans un Heavy-Rock-Progressif bien ancré dans son époque, mais qui n'a cependant pas oublié les fleurons du Rock-Progressif et du Heavy-rock des années 70 et 80, avec parfois une bonne dose de Metal. On a quelque fois la sensation d'un groupe de Heavy-Metal, aux racines Heavy-rock, interprétant du Rock-Progressif (vous suivez ?). Un univers sombre et mélancolique qui renoue de temps à autre avec l'espérance. Un concept-album dont le sujet est la décadence de notre société, de l'homme, avec ses dérives et les répercutions directes sur la planète ; l'homme est ici le coupable des maux de la Terre, de sa dévastation. L'Homme, de par ses actes égoïstes, offense Gaïa, la Terre-Mère. On retrouve plus ou moins les termes écologiques que Pascal Bruckner fustige (trop) vertement dans son livre, le discutable « le Fanatisme de l'Apocalypse ». Alors bien évidemment, il ne s'agit pas de développer une thèse, le format reste celui de la chanson qui peut donner l'impression d'un discours simpliste et manichéen. Inutile d'y chercher une diatribe ou une pensée philosophique telle que la développerai un Michel Serres ou un Yves Paccalet. PYG essaye, malgré le format restrictif de la chanson, de faire passer un message sous forme de fiction. Des paroles qui ont le mérite de sortir des sempiternels sujets maintes fois rabâchés et éculés, généralement totalement dénués de significations et d'intérêts - certes bien moins dans le progressif -. Aux curieux, et autres intéressés de se pencher plus avant s'il se sentent concernés par les paroles. Des compositions à évolution variable faisant appel à différentes ambiances, changements de rythmes et de sons, qui se bousculent, et qui peuvent heurter ceux qui ne prônent qu'un Rock carré et direct. Si certaines influences reviennent parfois avec une certaine évidence, la personnalité de PYG n'en demeure pas moins originale. Une belle réussite.
Mention spéciale à l'artwork réussi (inspiration Matrix) qui se marie très bien avec l'ambiance du disque.
Yvan Guillevic : Guitares
Nelly Le Quilliec & Morgan Marlet : chants
Jean-Noël Rozé : Claviers
Bernard Clémence : Basse
Julien Oukidja : Batterie
Il n'est jamais facile de décrire avec quelques mots une musique, d'autant plus que chacun à sa sensibilité et sa propre vision des choses. A cet effet, comme la musique de P.Y.G. est assez complexe à décrire, du moins en quelques lignes, le mieux est de laisser la parole à son instigateur.
L'interview
- Tout d'abord bonjour . Ton disque est très travaillé. Comment doit-on s'y prendre pour composer seul et ensuite pour transmettre sa vision aux musiciens ?
Yvan : Hello ! Pas évident de répondre à cette question... il existe de nombreux chemins pour arriver à être à même de tout gérer sur un disque. Disons que je compose et que j'écris depuis que je suis ado donc pour ce volet là, pas trop de souci ; ensuite j'ai beaucoup travaillé en MAO (Musique Assistée sur Ordinateur) et produit pas mal de trucs dans différents styles au fil des années, donc ça permet de gérer l'aspect technique des prises de son, mix, mastering, etc... et j'ai mon studio à la maison donc je suis totalement indépendant. Pour les consignes de travail, le fait de collaborer avec d'aussi bons intervenants facilite grandement la tâche car ils me font confiance et c'est réciproque.
Ensuite, toute la partie création graphique, site internet, a été gérée par Bernard Clémence, le bassiste.
- Comment définirais-tu la musique de P.Y.G. ?
YG : Un croisement entre mes racines du Rock Progressif et celles du Hard/Metal. En gros et sans vouloir m'accaparer le talent de ces formations, on part de Pink-Floyd, Supertramp, Marillion, Yes et on va jusqu'à Queensrÿche, Iron Maiden, Judas Priest en passant par des influences plus ou moins anglaises ou américaines.
- D'où viennent tes partenaires ?
Y.G. : Tout les intervenants sur ce disque sont les musiciens du tribute Pink-Floyd Empty Spaces. On bosse ensemble depuis 6 ans, parfois plus pour les chanteurs/ses Morgan Marlet et Nelly Lequilliec, et je connais leur immense talent chacun dans leurs parties.
- Il y a un monde entre Groovythingz et PYG. Que représente ce dernier ? Est-ce une évolution musicale ? Un vieux projet qui a fini par prendre forme ? Ou juste une expérience, sans réelle perspective d'avenir ?
Y.G : Groovythingz était un projet commun avec le chanteur Yann Sciberras. On était parti sur la base d'un duo Electro/Blues avec des influences rock pour ensuite tester une formule avec des musiciens sur scène. On a pas mal tourné mais la carrière d'artiste peintre de Yann prenait de l'essor et moi de mon côté, avec Empty spaces, j'étais pas mal pris et on avait du mal à gérer nos plannings. On a donc préférer arrêter l'expérience mais j'en garde de très bons souvenirs ! Après l'arrêt de Groovythingz, j'ai eu très envie de faire une musique différente ; je partais même sur un disque solo, mais je préfère les groupes avec du chant.
PYG est très bien accueilli et on est tous très motivé. Donc PYG est mon projet principal pour un bout de temps (on a d'ailleurs commencé à bosser sur le deuxième album).
Yvan et son Ibanez Jem FP77 |
- Tu fais tout dans ce disque. Compositions, guitares, arrangements, production, (la cuisine ?). Comme le nom l'indique, c'est ton groupe ; c'est toi le patron. Pourtant sur scène, tu es plutôt en retrait. Refuses-tu ton rôle de leader ?
Y.G : Non, sur sur scène avec PYG, je suis devant et fais le show ! C'est parce que tu as sûrement vu des vidéos d'Empty Spaces, car elles circulent beaucoup sur le net, et effectivement dans le tribute Pink-Floyd, je reste en retrait car la vraie star d'Empty Spaces, c'est le répertoire !
Par contre si on regarde le clip vidéo de PYG « Mother Earth Don't Cry », tu verras que je suis mis en avant.
- Un mot ou deux sur la nouvelle recrue, le second guitariste qui vous accompagne sur scène ?
YG : C'est tout simplement John Chaussepied qui est également guitariste d'Empty spaces. Il n'a pas eu le temps de venir jouer sur le disque mais on tenait à l'avoir avec nous sur scène ! Je suis très fier de ces musiciens et je remercie les dieux de me les avoir envoyé pour défendre mes projets. C'est un immense gain de temps d'avoir des gars (et une fille) aussi motivés et compétents.
- Comptes-tu te focaliser à plein temps sur PYG, ou suivre plusieurs entités à la fois (Empty Spaces, Groovythingz) ?
YG : Groovythingz est définitivement arrêté. On va bien sûr s'efforcer de travailler un maximum sur PYG, mais Empty Spaces c'est avant tout un grand plaisir sur scène, donc on continuera avec tant qu'on pourra.
Et j'ai monté un groupe Blues/Rock du nom de BBB ; on a d'ailleurs joué avec Pat O'May, Jean-Michel Kadjan, Judge Fredd et ne nombreux autres talentueux musiciens pour un hommage à Gary Moore en mars dernier à St Brieuc. Cela c'est remarquablement bien passé et du coup on continue l'aventure. D'ailleurs on sera en concert pour un autre hommage à Gary Moore avec Pat O'May et Pat Mc Manus le 19 novembre prochain à Ploemeur. (NdD : une affiche alléchante).
J'espère faire des concerts avec cette formation car ne pas jouer du Blues, ça me manque ! En tant que musicien j'ai besoin de couvrir toutes mes influences sinon j'ai l'impression de trahir un peu mes racines.
Sinon nous serons avec PYG à l'Océanis de Ploemeur le 21 janvier 2012 !
- Yvan, tu as une guitare Tokaï, réplique LesPaul 58-60 (modèle LS-220VF ? Ou bien Premium ?). Cette marque avait passé outre les procès antérieurs de Fender et Gibson interdisant les répliques exactes de leurs modèles (lutherie équivalente, parfois même meilleure, et prix plus accessible), se targuant même de reproduire à l'identique les modèles emblématiques des marques américaines. Publicité mensongère ou lutherie de réelle qualité ?
Et à part avoir retiré la plaque de protection, y as-tu apporté des modifications ?
YG : C'est un petit modèle Tokaï que j'ai acheté sur Ebay il y a quelques années, et je peux te dire que c'est une bombe ! J'ai changé les micros pour des Gibson et ça sonne !! J'ai aussi changé les mécaniques pour des autobloquantes et j'ai viré le vernis au dos du manche.
- Tu possède un son chaleureux, organique. Pourrais-tu décliner ton attirail (ou est-ce secret défense) ?
YG : Merci pour ce compliment qui me fait très plaisir ! Je travaille pour l'instant avec 3 guitares, une Strat US en EMG, une JEM FP77 (1) qui est ma guitare principale sur PYG et que j'ai depuis plus de 20 ans, et ma Tokaï.
Pour le son sur scène, en ce moment, c'est Marshall JVM dans un 2x12 Fender avec quelques effets ; Wah-Wah, Maxon, un EQ Boss et un M5 de chez Line6 pour les modulations (tout mon matos est décrit sur le site www.lesonduboutdespieds.fr).
Pour le studio ça dépend de pleins de trucs mais j'utilise souvent un Digitech 2101.
- Tu as enseigné la guitare. Le fais-tu encore ? Et travailles-tu toi-même assidument la guitare ?
YG : Oui, mais je donne moins de cours pour garder du temps pour mes projets. Je travaille toujours la guitare car c'est important de ne pas se reposer uniquement sur ses acquis. Il faut être curieux si on veut progresser !
Par exemple, il faut beaucoup bosser son oreille et grace aux cours j'ai relevé des centaines de titres de tout styles et je suis devenu capable au fil des années de relever un titre en quelques minutes ; ça facilite énormément le travail.
- Tu reprends et joues, de fort belle manière, des titres de Gary Moore et de David Gilmour (Pink-Floyd). Quelles sont les autres guitaristes que tu citerais bien volontiers ?
YG : Merci ! Je citerai Jeff Beck, Stevie Ray Vaughan, Van Halen, Steve Vai, Joe Satriani, et je pourrai en citer des dizaines d'autres comme Jimi Hendrix, YJ Malmsteen, Al Di Meola ou Joe Bonamassa, Robben Ford et tant d'autres !
- Tu sembles être un écologiste convaincu. As-tu un engagement, politique ou autre, à ce niveau ? Ou est-ce juste un prétexte, un sujet comme un autre, pour donner de la matière àton disque ?
YG : Ecologiste convaincu pas forcément sur tout, mais force est de reconnaître que ça part sérieusement en vrille depuis quelques années ; et Fukushima nous prouve quand même le ratio avantage/désavantage penche furieusement pour les désagréments quand le système a des ratés !
La matière est apparue comme ça, je n'ai pas vraiment forcé le truc mais quand j'écrivais ça revenait tout le temps ; donc j'ai suivi jusqu'à ce concept de « fin du monde ». Mais je pense qu'on est quand même vraiment en train de scier la branche sur laquelle l'humanité se repose.
- Tu sembles également rejeter la société de consommation, et les puissances qui s'en serve pour faire fructifier (plus que de raison et ou détriment d'un certain respect) leur capital. As-tu un avis sur les divers mouvements de protestation que l'on a récemment pu voir de par le monde, notamment l'occupation de Wall Street ?
YG : Je ne rejette pas tout en bloc, mais là encore, alors que j'écrivais le disque avant tout ces mouvements, il faut reconnaître que je me suis fait rattraper par l'actualité.
Je pense farouchement que le système capitaliste où l'argent ne sert qu'à faire de l'argent, et où seulement quelques actionnaires suffisent à mettre le monde à genoux, ce système là doit être réformé.
Marre de dépendre d'une bande d'assoiffés de pouvoir qui ne veulent que plus de yachts ou autres conneries d'avions privés, etc... C'est sûrement naïf mais en attendant, le monde entier en souffre... Donc oui, je suis ces mouvements et ils me font plaisir !
- Merci Yvan.
(1) Guitare Ibanez, un des modèles Steve Vai. Modèle prestige, celui avec la déco florale.
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