Double séance cinéma, avec deux films d'actrices/réalisatrices françaises originales.
Pour son troisième long métrage, Maïwenn Le Besco nous fait suivre le quotidien d’une Brigade de Protection des mineurs, à Paris. Il n’y a pas de scénario au sens « romanesque » du terme, mais une succession d’épisodes, de situations vécues, un style reportage, liée aux affaires traitées et à la vie privée des protagonistes. Les deux aspects étant intimement liés, puisque le groupe constitué d’une dizaine de policiers passent leur temps ensemble. Ils travaillent, mangent, sortent, voire couchent ensemble. Cette construction me semble intéressante mais rapidement limitée. Intéressante, car on voit la difficulté pour ces flics à mener de telles enquêtes, se charger de dossiers sordides, de devoir s’immiscer dans la vie des gens qu’ils interrogent, alors qu’eux même sont proches du chaos affectif. La limite c'est que le film est sans cesse dans l'excessif.
La brigade réunissant pas mal de personnages, et comme il faut les traiter tous au même niveau (film choral oblige), on arrive très vite sur des cas extrêmes, des stéréotypes : la divorcée, l’alcoolique, le benêt intello, le banlieusard, le franchouillard, celle qui s’occupe d’enfant maltraités sans pouvoir en avoir elle-même, la beurette… qui forcément aura face à elle un musulman accusé de vouloir marier sa fille de force. Et puis il y a ce personnage de Melissa (interprété judicieusement par la réalisatrice) photographe en reportage, qui suit la brigade. Elle pouvait être le regard extérieur, le repère, mais non seulement son profil n’échappe pas à la règle (vie privée en friche) mais son apport à l'intrigue est assez restreint, pour ne pas dire nul. Elle tombe amoureuse d’un des flics (Joey Star) ça, on s’en doutait, mais n’apporte pas grand-chose à l’ensemble en terme de rééquilibre.
Par contre, ce choix scénaristique, très documentaire, d’explorer plein de cas davantage qu’une seule longue enquête, permet de se rendre compte du quotidien de ces policiers,et des répercussions sur leur vie privée. On ne sait pas ce que deviennent les gamins, les suspects, les familles, tout va très vite, et accentue cette impression de malaise, de gâchis, de répétitions. D’un côté, ces flics cherchent à redonner une dignité aux victimes, et d’un autre côté, pas le temps de s’appesantir, qu’un autre cas se présente. Maïwenn le Besco prend d’ailleurs bien soin de diversifier le profil des pédophiles, du papy inconscient, du prof désarmé et plein de remords, au bourgeois cynique et odieux. Ce parti pris est vrai aussi pour les scènes privées, il faut reconstituer les choses, prendre un bout ici, un bout là-bas, pour tenter cerner les personnages, leurs vies, leurs motivations. Là encore, cela ne va pas sans certains raccourcis, comme dans l'épilogue (que je tairais) qui nous arrive en pleine gueule. Personnellement, je l’avais pressenti deux secondes avant, mais je me demande encore si cette scène a réellement un sens, ou si c’est juste pour nous asséner un dernier coup de poing. Les personnages nous semblent survolés, traités à gros traits, comme s'il nous manquait une pièce du puzzle bien comprendre. Alors que je me souviens d’une réelle humanité et profondeur des personnages du film L627 de Bertrand Tavernier, film sur le quotidien de la bridage des stups, auquel on ne peut s’empêcher de penser.
image du tournage |
Un mot sur les acteurs, très bons, Joey Star en tête, mais aussi Marina Foïs, Karine Viard, Nicolas Duvauchelle, et Vladimir Yordanoff (je l’adore celui-là !), Audrey Lamy, Frédéric Pierrot… Là encore, je vais râler un peu… On n’évite pas les petits numéros personnels, chacun ayant droit à sa scène d’hystérie, de dispute, de pétage de plomb (vaguement improvisé à la manière de Lelouch, mais pas à la manière de Maurice Pialat ou Jacques Doillon, hélas…). Frédéric Pierrot à la sienne qui arrive comme un cheveux sur la soupe (il joue le commandant), et la dernière dispute entre Marina Foïs et Karine Viard m’a semblé un peu too much, et proche du numéro d’acteur. Numéro personnel dont les acteurs bien sûr se défendent (préférant parler d’équipe soudée) même s’ils savent pertinemment au fond d’eux-mêmes que ce genre d'exercice flatte leur talent, et peut leur amener une petite statuette à la fin de l’année !
En tout cas, POLISSE ne laisse pas indifférent, à commencer par Robert de Niro qui lui a décerné un prix du Jury au dernier festival de Cannes (tu m'étonnes Bob, des films comme celui-là, aux States, ça court pas les rues !). Un film comme on en voit peu, d’une réalisatrice viscérale, engagée, réunissant autour d’elle une troupe talentueuse. Un sujet difficile, traité de front, sans fausse pudeur, mais sans voyeurisme ou misérabilisme. Mais aussi avec cette petite impression, cet arrière goût, de se dire que cette représentation "naturelle" et sans chi-chi, tient au contraire du procédé très réfléchi, bref, que ce "naturel" est rudement bien "fabriqué" !
POLISSE (2011) de Maïwenn
scénario et dialogues : Maïwenn le Besco et Emmanuelle Bercot
produit par Alain Attal
Eh bien, au milieu de ce torrent de commentaires hagiographiques (tous les critiques adôoorent ce film), ça fait plaisir de lire qu'on peut être un peu réticent. Je n'irai pas voir Polisse, d'abord parce que les fims sur les cognes, les baveux et les juges, ça suffit, ensuite parce que ça pue la bonne conscience à peu de frais comme d'habitude (Prix à Cannes...etc), parce qu'il a Joey Starr, et enfin parce que quelqu'un qui a parlé de ce dernier comme ayant "été " sa muse (lu dans une interview de la réalisatrice) me paraît s'être, de ce seul fait, définitivement disqualifiée pour prétendre à quoi que ce soit dans le domaine artistique. Et puis d'abord, c'est quoi ce prénom? Ce serait pas breton?
RépondreSupprimerA peu près d'accord avec toi, Ô grand Shuffle parmi les Shuffle. Personnellement j'avais fort aimé le premier essai de Maiwenn (l'excellent court-métrage "I'm an actrice") puis son premier long (le non moins excellent film d'auteur "Pardonnez-moi"), mais nettement moins son film grand-public "Le bal des actrices". Là, avec "Polisse", ça devient vraiment too much. On sombre notamment dans l'artificielle bonne conscience bobo (normal quand la France est submergée par des films aussi minables que "La Rafle" ou "La nouvelle guerre des boutons") et puis le choix de Joey Starr (l'affligeant rebelle en plastique mou pour bobo du 16ème arrondissement de Paris) en dit long, lui qui apparaissait déjà dans "Le bal des actrices"... A propos du prénom, Shuffle, Maiwen est la fille d'un vietnamo-breton et d'une algérienne.
RépondreSupprimerSalut Christian. Je vois que tu ne déroges pas à tes habitudes de vie: remarque à 3h 33...Nycthémère, comme dirait notre ami Joey Starr. Vietnamo-breton? Ca fout les jetons...Algérienne, ça m'évoque les bombes algériennes, quand j'étais gamin; des petits oeufs en papier remplis de poudre qu'on faisait exploser en les lançant par terre. Tiens, j'ai lu un truc que tu dois sûrement connaître, le dernier Alain Soral, Comprendre l'Empire. Très mal écrit, mais pas mal. Ca change du ronronnement lénifiant habituel. Autre digression: en ta qualité de japonisant, tu connais personne chez Yamaha (instruments de musique)?; j'ai une commande de pièces détachées de batterie qui traîne depuis des mois....
RépondreSupprimer"...tes habitudes de vie: remarque à 3h 33...Nycthémère, comme dirait notre ami Joey Starr..."
RépondreSupprimerHA HA, "Nycthémère", du grand Shuffle ! Vraiment excellent, j'ai éclaté de rire, et ceci est un évènement quand on sait qu'ordinairement j'éclate de rire une fois par an, généralement quand je me brûle en allumant le gaz.
Vietnamo-breton ça fout effectivement les jetons, ça fait un peu penser à de la nitroglycérine (faudrait demander à Rockin ce qu'il en pense). D'ailleurs, suffit de voir le jeu de Maïwenn dans "Pardonnez-moi" pour valider l'allusion aux explosifs.
"Comprendre l'empire", saine lecture. "Mal écrit" peut-être, d'ailleurs Soral n'y recherche pas les belles phrases comme il le dit lui-même: il n'est pas un styliste (sens presque péjoratif dans sa bouche) et préfère laisser ça à Marc-Édouard Nabe (c'est l'une des sources de leur fâcherie). "Comprendre l'empire" est plus que pas mal, c'est même le seul livre "catégorie essai" à acheter pour l'année 2011. D'ailleurs pour saisir son importance et sa valeur, un seul signe : il est boycotté par tous les médias télévisuels et radiophoniques. Ce qui ne l’empêche pas d'être devenu quasiment un best-seller en quelques mois (je crois qu'il en est à sa 4ème réédition) grâce au bouche à oreille et malgré l'omerta des médias putassiers, abjects et immondes que nous subissons tous les jours.
Je ne connais personne chez Yamaha, mais je sais qu'il y a parfois des petits problèmes concernant le service après-vente chez certaines marques nippones comme Mitsubishi ou Toshiba. Il n’empêche que les marques japonaises pour certains instruments ou pour l'audio-electro-vidéo sont les meilleures (ha, mon lecteur CD Denon ! Ha, ma télé écran plat 102 cm et mon ordi portable Toshiba ! Ha, mon imprimante-photocopieuse-scanner Canon ! Ha, mon lecteur Blu-ray Sony ! Ha mon ampli 100 W Yamaha ! Ha, mon saké Hakutsuru très goûteux ! Ha, ma geisha préférée !)
Je viens de voir le film et je l'ai trouvé formidable. Bien sur le sujet est terrible et donc forcément "facile" mais Maïwen l'affronte directement et a su doser sa mise en scène en incluant des moments de grâce, de légèreté (j'ai adoré la scène dans la boite de nuit) voire même de franche rigolade ( la gamine et son portable). Il y a de grands pervers, des égarés, des pauvres types mais je ne les trouve pas caricaturaux, je crois que c'est au plus près de la réalité. Quant aux flics, je ne les trouve pas non plus stéréotypés, ils ont plus ou moins leurs fèlures et sont excellemment interprétés ( surtout Joey Starr et Marina Fois). Quant à la fin, elle apporte un vrai plus au film et on se demande presque pourquoi cela n'arrive pas plus souvent mais chut ...
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