CHICO ET RITA est un film d’animation espagnol (et anglais pour les financements) réalisé par Fernando Trueba et Javier Mariscal. L’intrigue se base sur la vie du musicien cubain Bebo Valdès, né en 1918, et toujours en forme aux dernières nouvelles… Il est le père du pianiste Chucho Valdès. Et il signe la musique du film.
La Havane de nos jours. Un vieil homme, Chico Valdès, écoute la radio qui diffuse une chanson qu’il a jadis composée. Chico se souvient… La Havane, 1948, Chico est un pianiste brillant, et fait la tournée des boites de nuit avec son ami Ramon, et deux américaines en goguette. Dans un club, il rencontre Rita, jolie femme et chanteuse envoutante. Ils passent la nuit ensemble, il lui compose une mélodie, mais l’idylle prend fin quand la femme de Chico débarque à l’aube ! Les amants se séparent, et ne se retrouveront que pour participer à un concours de chanson, qu’ils gagnent haut la main, et la promesse d’un producteur américain d’une nouvelle carrière à NewYork…
A force de voir des comédies Pixar et autres Le Retour des Pingouins dans l’espace : Le Trésor enfoui de la Citadelle Noire n°4, on en oublierait quelle joie procure un dessin animé destiné à un public adulte. Mais évidemment fortement conseillé aux jeunes ados. On se souvient de PERCEPOLIS de Marjane Satrapi ou de VALSE AVEC BACHIR d’Ari Folman. CHICO ET RITA nous plonge dans le Cuba d’après-guerre, les clubs enfumés, les virées nocturnes, et la musique jazz. Ce jazz cubain, qui influença Dizzy Gillespie et les Bopers. Le scénario reste cependant assez classique, sans grosse surprise, avec l’ascension de Rita, cornaquée par un producteur peu scrupuleux, qui en fait une star à Broadway et à Hollywood. Le film ne fait pas l’impasse sur la ségrégation qui régnait alors, même chez les artistes. Comme le dit Rita à un public blanc, dans un grand hôtel de Vegas : « j’ai le droit de venir chanter devant vous, mais on me refuse une chambre pour dormir… ». Et lors d’une réception, à une femme qui fait remarquer à un producteur : « n’est-ce pas risqué de mettre en vedette une actrice métis ? » Rita, qui a entendu la question, répond : « le seul risque s’est de ne pas me distinguer dans les scènes de nuit ! ». Et on se souvient alors du film CARMEN JONES d’Otto Preminger avec l’actrice noire Dorothy Dandrige.
Dizzy Gillespie et son big Bang |
Car l’intérêt de CHICO ET RITA est évidemment les multiples citations et hommages, comme une scène de rêve qui renvoie à UN AMERICAIN A PARIS de Minnelli, CHANTONS SOUS LA PLUIE de Stanley Donen, ou CASABLANCA avec Bogart (qui pique Rita à Chico, dans le rôle de Sam le pianiste!). Et bien sûr, les nombreux hommages aux maîtres du jazz. On croise Charlie Parker, Thelonious Monk, Tito Puente, Chano Ponzo, et Dizzy Gillespie, avec lequel Chico partira en tournée à Paris, pour un concert à la salle Pleyel. Ça vous dit quelque chose ? J’en parlais sur ce même blog il y a quelques mois ! Il y a d’ailleurs dans le film quelques approximations sur les dates, puisqu’en 49, le Chico est toujours à La Havane… et sur les images qu’on nous montre, Dizzy joue avec une trompette courbée, ce qu’il n’a fait que bien plus tard… Et si le réalisateur fait référence au concert de 1953 (toujours à Pleyel, le disque chroniqué) alors Dizzy ne s'y produisait qu'en quintet... Mais bon, retenons surtout la bande son extraordinaire de ce film, des compositions de Bebo Valdès, et quelques standards du genre, comme « Besame mucho » sur lequel Rita se fait repérer par Chico.
Central Park, l'hiver, la dope... |
Côté mise en scène, on ne peut que saluer le travail de l’équipe, avec ces superbes dessins en ligne claires, des couleurs en aplat, comme les ombres, qui rapproche l’esthétique de la bande dessinée, plutôt que le la 3D Pixar. La 3D a pourtant été utilisée, avec parcimonie, essentiellement pour donner une bonne profondeur de champs, sur des plans d’avenues par exemple, ou sur des véhicules. Ou encore sur cette magnifique scène, dans une chambre, avec le vent qui anime un voilage à la fenêtre. L’animation des personnages est fluide, et les mouvements de caméra élégants et amples. Ils ont d’ailleurs été réalisés avec une vraie caméra (à l’origine, les auteurs avaient commencé par tourner avec des acteurs, qui ont servi de modèle aux dessins pour une gestuelle réaliste), puis reproduit à l’identique par ordinateur. On a donc l’impression de réels travelling ou mouvements de grue. Les couleurs sont chatoyantes, camaïeu de bruns chauds, d’ocre, ou de gris bleutés pour les scènes en hiver. Les ciels (on dit "les cieux" dans ce cas-là ?) parfois dessinés de quelques coups de pinceaux.
CHICO ET RITA est un film artistiquement très réussi, merveilleux, un beau voyage dans l’histoire du jazz, de la musique cubaine, à la fois mélodramatique, sensuel et drôle. Un film sorti avant l’été, donc encore à l’affiche certainement près de chez vous. Ne vous en privez pas.
CHICO ET RITA (2011) de Fernando Trueba et Javier Mariscal
Couleur - format 1:85 - 1h35
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