Enfin, voilà gravé pour la postérité, un disque entier consacré à la réunion de Derek Trucks et de Susan Tedeschi, mari et femme dans le privé. Cela fait déjà quelques années que ces deux-là se retrouvaient de temps à autre sur scène, ou plus occasionnellement en studio pour une participation à une composition de l'un comme de l'autre. Mais jusqu'à maintenant, malgré l'intérêt que générait cette opportunité, rien n'avait encore été fait de cette ampleur. Les deux groupes réunis, jouant ensemble sur un seul et même disque.
Rappelons brièvement que Susan Tedeschi est une chanteuse-guitariste de Blues, Soul, Blues-Rock. Elle est née le 9 novembre 1970 à Boston. Elle a été nommée quatre fois aux Grammy Awards, est diplômée en Musique, et a à son actif six disques dont un live. Son dernier, « Back to the River » est excellent.
Derek Trucks est né le 8 juin 1979 à Jacksonville. Il est le neveu de Butch Trucks, le batteur des Allman Brothers Band. C'est un guitariste dont le jeu en slide est considéré par beaucoup comme un des meilleurs. Il a sorti six albums studios et deux live avec son groupe le Derek Trucks Band (1er opus à 18 ans), avec lequel il aborde indifféremment le Jazz, le Blues-Rock, la Soul, parfois avec une touche de rock-psyché pur 70's. Les deux derniers ont été récompensés d'un Grammy Award. Parallèlement, il incorpore les Allman avec lesquels il enregistre deux lives et un studio. A partir de 2006, il accompagne Eric Clapton en tournée avec Doyle Bramhall II. Il joue sur le « Road to Escondido" de J.J. Cale & Clapton.
Susan et Derek se sont mariés en 2001, et ont eu deux enfants.
Dans un premier temps un peu déçu, parce que j'attendais des compositions plus enlevées, avec des feux d'artifices déclenchés par la wah-wah hypnotique de Susan et la slide crémeuse de Derek, des duos vocaux transcendants de Susan et Mike Mattison, des patterns insensés des deux batteurs d'exception, J.J. Johnson et Tyler Greenwell, et puis non... rien de tout cela, mis à part deux titres un peu plus Rock, « Revelator » est plutôt un disque de Soul-blues interprété par des musiciens de Blues-Rock (et plus). Pas si éloigné de la dernière réalisation du collègue Warren. Toutefois, doucement mais sûrement, on se laisse conquérir par cette musique exempte de tous débordements, mais nullement policée.
Cela démarre assez fort avec le remuant « Come See About Me » qui sent le "chaleureux Heavy-Soul-blues" qui serait allé consulter ce bon docteur Jean à la Nouvelle-Orleans. Malheureusement, le Tedeschi-Trucks Band a choisi de faire redescendre un peu trop vite la température avec un « Don't Let Me Slide » manquant singulièrement d'entrain. Seul le court solo de Derek (20 secondes) fait office de rayon de soleil. On passe brusqement du chaud au froid (mais pas glacé). Pourtant le terreau est riche mais il n'est pas exploité. (je sais, la critique est aisée, l'Art est difficile. Toutefois on n'est pas là pour passer de la pommade, même à des artistes que l'on adore).
Mais voilà « Midnight in Harlem »... une chanson rare, du genre à faire hérisser les poils des bras ou de la nuque, à donner le frisson. Une ballade Soul où tous les instruments sont à leur place, ou plus exactement, jouent la note juste. Même les leaders ont la sagesse de se cantonner à leur tâche. En faisant preuve d'humilité, ils transcendent ce bijou. Derek, dans son solo, est complètement dans le temps, la tonalité et l'atmosphère ; un réel prolongement de la voix. On touche presque au divin. On ne peut que s'incliner devant tant de talent.
Après tant d'émotions, « Bound for Glory » fait pâle figure, paraît plus commun. Un chouïa de pêche supplémentaire aurait été bénéfique à cette Soul aux senteurs de la Louisiane. D'autant plus que l'on trouve sur le net une version live qui présente mieux.
« Simple Things », une autre ballade Souful, qui une fois encore semble offrir le meilleur de cette réunion, bien qu'un cran en-dessous de « Midnight in Harlem ».
« Until you Remember », un slow-rythm'n'blues épuré à la Otis Redding. Hélas, le refrain casse cette ambiance de soirée introspective, esseulée. En fait, la voix de Susan est alors un poil trop en avant (son mari étant co-producteur expliquant peut-être cela), et la puissance et la clarté du timbre se retrouve en léger décalage. Dommage.
« Ball and Chain », là aussi, c'est pas mauvais mais il manque quelque chose, un peu d'épices qui ferait la différence.
« These Walls », du très bon avec ce sarod chantant, joué par l'Indien Alam Khan, (fils de Ali Akbar Khan, un des mentors de Derek) qui définit la mélodie sur une orchestration dépouillée ; quelque chose qui évoque l'album "Living with the Law" de Chris Whitley et qui appelle à la méditation. Grand moment.
« These Walls », du très bon avec ce sarod chantant, joué par l'Indien Alam Khan, (fils de Ali Akbar Khan, un des mentors de Derek) qui définit la mélodie sur une orchestration dépouillée ; quelque chose qui évoque l'album "Living with the Law" de Chris Whitley et qui appelle à la méditation. Grand moment.
« Learn How to Love » ! Ouf ! Du lourd ! Cette frappe conjuguée des batteurs, cette basse lourde qui résonne, cet orgue qui écrase ses notes. Là Derek se fait mordant, presque teigneux, et Susan vindicative. On baigne ici dans le registre dur de « Back to the River ».
« Shrimp and Grits » est un sympathique interlude funky avec wah-wah, dans un style proche de l'album «Black Midnight Sun » de Lucky Peterson. On reste dans le funk, entre celui de Stax avec grand renfort de cuivres, de la Nouvelle-Orleans et de Sly Stone, avec « Love Has Something Else To Say ». On pense même aux Wailers dans la façon d'utiliser la wah-wah en rythmique.
« Shelter » est trop indolent pour être significatif.
« Ghost Light – Hidden Track », est une jam qui donne plus l'impression d'un tour de chauffe que de musiciens chauffés, en pleine possession de leurs moyens, prêts à créer la surprise.
Point de joutes entre les deux mariés, plutôt un profond respect mutuel, chacun à l'écoute de l'autre. Un disque nettement plus Soul-blues, Soulful, Rythm'n'Blues que Rock. Un disque sans effets ostentatoires, sans exercices de styles, sans démonstrations techniques, et sans reprises (généralement éculées). Un disque cool, enregistré sans contrainte et sans pression, à la maison (tout comme les deux derniers disques de Susan et Derek) ; et cela s'entend. Un disque que l'on découvre et que l'on adopte progressivement.
Cependant, pourquoi s'évertuer à faire des disque de 60 minutes alors que la mise au placard de deux-trois titres (en attente d'être retravaillés) devrait logiquement permettre de transformer une pierre précieuse en joyau.
La troupe :
Susan Tedeschi, Chant & guitares
Derek Trucks, guitares, slide, production
Oteil Burbridge, basse
Kofi Burbridge, claviers & flûte
Tyler Greenwell, batterie & percussions
J.J. Johnson, batterie & percussions
Mike Mattison, harmonies
Mark Rivers, harmonies
Kebi Williams, saxophone
Maurice Brown, trompette
Saunders Sermons, trombone
Deux informations rédhibitoires:
RépondreSupprimer1°) Ce disque n'est pas si éloigné du dernier Warren Haynes. Sans commentaires.
2°)Derek Trucks a un mentor indien. Stop avec ces fumisteries mystico-ésotérico-tantrico (au crochet)...On voit ce que ça a donné avec les Beatles ou Santana. En plus, il a une tête à être végétarien.
A moins que tu ne te sois trompé: il a un médiator indien, et non un mentor? Mais non, il joue avec les doigts. De toute façon, en slide ou pas, le meilleur, c'est Dickey Betts.
Santana 1ère période, soit celle avec Gregg Rolie et Michael Shievre, est justement une source d'inspiration de Derek ; et donc pas forcément celle Devadip. Faudra lui demander un de ses quatre.
RépondreSupprimerJe croyais que le meilleur, en slide, était Sonny Landreth.
Un mentor en terme de conception de la musique et non d'enseignement religieux ou philosophique.
RépondreSupprimerUne tête de végétarien ? ouais, c'est pas faux. Mais à choisir, je préfère ça aux tronches de cake qui se complaisent et s'affirme avec fierté dans leur dépravation. Il y en a même une qui s'affiche avec une robe en barbak...
Toute mauvaise foi mise à part, il y a des trucs bien, mais je n'ai jamais acheté de CD, c'est vraiment trop inégal.
RépondreSupprimer"Toute mauvaise fois mise à part"!!!SM Je pouffe!!Je pouffe!
RépondreSupprimerPour ma part en règle générale j'écoute ce "Revelator" et juste après "Man in motion" of course!!
Ouais, bon, c'est une formule de style...
RépondreSupprimerInégal oui, et il n'arrive pas à la hauteur de "Back to the River" et de "Songlines". Toutefois, il s'agit d'un disque qui mérite plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur. Et il serait dommage de passer à côté de pépites telles que These Walls, Learn How to Love, Midnight in Harlem, Simple Things, Love has Something Else to Say.
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