Revoilà ce bon vieux Paul Personne, aka René Paul Roux, aka Doudou, une valeur sûre du patrimoine musical français. Un (vrai) artiste dont la carrière a réellement débuté en 77 avec Bracos Band - en omettant un 45 t avec « L'Origine » en 1966 et un second en 73 avec « La Folle Entreprise ». Depuis, il ne s'est jamais fourvoyé, n'a jamais vendu son âme au diable. Même si, de son propre aveu, il a fait des concessions en écoutant trop les conseils des uns et des autres dans les années 80. Même si ces derniers étaient avisés et sincères, sa carrière ne décolle pas, et la mauvaise distribution de ses disques n'arrange rien à l'affaire.
En 1991, il décide de s'enfermer dans son home-studio, enregistrant seul tous les instruments, pour élaborer une maquette, sans influences extérieures excepté un coup de main de Boris Bergman pour les paroles de quelques chansons, ainsi que de Jacno et de Gérard Lanvin. A la suite de la présentation de sa démo à Polydor, le label enthousiasmé décide de l'éditer in extenso. En 92, sort donc l'excellent « Comme à la Maison », vite promu disque d'Or ; c'est un nouvel élan pour Personne, une reconnaissance acquise et largement méritée. A partir de ce moment-là, il continuera sa carrière sans jamais rechercher le strass et les paillettes, n'enregistrant des chansons que lorsqu'il en ressent l'envie. Et en ayant désormais plus confiance en ses capacités.
Pour son dernier CD, Paulo a cette fois-ci décidé d'engager un vrai groupe. Un groupe de Rock-bluesy jouant nettement dans une tradition 70's (tranche 70-76). Des voisins Normands qu'il avait déjà pris sous son aile pour quelques premières parties. Un lien a fini par se forger, et après quelques bœufs sympas sur des reprises, une chose en entraînant une autre, Paulo décida de concrétiser la rencontre par un projet solide. Un groupe, un vrai, chose que Paul n'avait plus abordé depuis le naufrage de Backstage. Deux générations différentes liées par une approche musicale commune, et c'est une totale réussite. Sans pathos, sans effets redondants, soit en toute simplicité, avec un son que l'on pourrait qualifier de « Roots Revival 70's », brut, sans claviers ou cuivres.
Notons que les frères Bellanger (basse et guitare du groupe "A L'Ouest") ont déjà été enregistrés avec Personne, sur la chanson "C'est la Vie qui m'a fait comme ça" de l'album "Coup d'Blues - vol.02" de 2003.
Cette formation a parfois été comparée au Crazy Horse de Neil Young. Mouuuais... il y a de ça ; notamment par le son cru des instruments. Mais bon, la voix enfumée, timide, presque effacée de Personne n'a pas grand chose à voir avec celle du Loner. Et puis, au niveau de l'orchestre, se serait alors un Crazy Horse qui se serait approché si près du British-blues qu'il en aurait gardé des traces indélébiles. En tout cas, un trio qui assure et maîtrise, que l'on sent capable de partir à tout moment dans des (semi-) improvisations de qualités ; de l'ordre de celles que l'on retrouvaient dans les fameux lives des 70's.
Doudou a toujours ce toucher purement émotionnel et ce son chaud, et onctueux, avec ce sustain prononcé et maîtrisé évoquant parfois un Santana coincé entre « Caravaneraï » et « Moonflower », qu'il obtient à l'aide de ses Gibsons (essentiellement Les Paul vintage, et plus occasionnellement SG, ES340, le tout sur des amplis Marshall, Vox AC30 et Fender - il semblerait qu'il utiliserai également une tête Mesa-Boogie). Parfois, pour ce nouvel album elles prennent des intonations de Peter Green (ère Fleetwood Mac et « The End of the Game »).
Si « A L'Ouest - Face A » débute sur une composition, "J'ai Rêvé", dans le style des albums « Itinéraire d'un Naïf Sidéral » et « Instantanés » (presque un diptyque), la suite est un retour aux sources pour Doudou. Une source qui sent bon le Rock 70's ; celui qui effleure le Heavy-rock et qui a puisé son inspiration dans le British-blues et chez quelques monstres sacrés américains.
« Où étais-tu ? » , intro à la wah-wah, rythmique légèrement enlevée, presque funky, guitare lead santanaesque.
« Dancin' » a quelque chose d'une soirée orageuse, un peu à la manière du « L.A. Woman » des Doors ; on pense également à certains groupes de la baie de San-Francisco de la fin des sixties (il nous avait déjà fait le coup sur "Patchworks Electrique").
« Caresses », instrumental sensuel et paresseux, les notes coulent, prennent leur temps, s'inscrivent durablement dans l'espace ; Peter Green n'est pas loin.
« Qui T'aime Vraiment ? », Heavy-blues lorgnant vers le Southern-rock, inter-action entre les deux guitares, avec une slide juteuse qui prend son envol en solo en s'armant d'une wah-wah (on croirait entendre Rod Price !).
« Le Monde est si Grand », rythmique basse-batterie entre Fleetwood-Mac et Santana, une guitare lead rendant hommage (encore une fois) à Peter Green.
« Jerky (Les Tueurs du Jerky Club) » enclenche la 5ème. On accélère le rythme, on passe en binaire, les grattes joutent entre elles, le texte est acerbe. On intègre la genèse du Hard-blues, et... oui, très proche du dernier Bertignac.
Paul et Calvin sur scène.
« To a Friend (Blues For Calvin)», instrumental en hommage à l'ami disparu, Calvin Russell. Cela démarre comme une jam avec des guitares évanescentes et des roulements de cymbales, cela évolue en British-blues (Fleetwood Mac, Mike Bloomfield) brisé par un Hard-blues épais (Mountain !) illuminé de courts soli triomphants. Neuf minutes sans que jamais ne vienne l'ennui.
« Bonne Soirée » clôture l'album de fort belle manière. On sort l'harmonica, les guitares acoustiques, le chant se fait nostalgique, intimiste mais pas désespéré. Une atmosphère presque champêtre. Entre Neil Young, Dylan et les Stones.
Encore un grand album de Paul Personne.
C'est si bon qu'il s'écoute d'un trait, et ce malgré les 55 minutes ; il donne plutôt l'impression d'en faire 15 de moins.
A bientôt 62 ans, Paul n'a rien perdu de sa verve et de son talent. Un artiste majeur de la scène française.
Paul Personne : guitares, voix, harmonica, percussions
A L'Ouest :
Brice Allanic : batterie, voix, percussions
Nicolas Bellanger : basse, voix
Anthony Bellanger : guitares, voix
P.S. : il est tout de même surprenant que des artistes tels que Paulo ne soient toujours pas décorés, quand d'autres qui ne peuvent se glorifier que d'une maigre carrière le sont. Même si cela passe certainement au dessus de la tête de René-Paul Roux, on peut se demander quels sont les critères pour être « reconnu » par nos hautes instances.
Autres articles sur Paul Personne (liens - clic) :
"Puzzle 14" (2014) - "Electric Rendez-Vous" (2015) - Paul Personne à l'Olympia (20.01.15) - "Lost in Paris Blues Band" (2016)
Arrghhh... le Bruno y m'a coiffé sur le poteau (le poto ?!). Rien à redire sur le parcours de Polo, un pur et dur, et un grand coeur avec ça. je regrette juste que depuis une quinzaine d'années, après l'excellent live "Route 97", il ne fasse plus appel à son claviériste Olivier Laneluc, ni au saxophone, qui donnait une couleur encore plus soul, et swinguante à sa musique, et permettait à chacun de chorusser à loisir. Je crois savoir que ces derniers temps, le second guitariste était son fiston, qui touche aussi sa bille.
RépondreSupprimerEffectivement le fils de Paul, Jérémy, joue sur les albums "Demain... Il fera beau - Vol. 01" et "Coup d'Blues - Vol. 02". Il participa à la tournée qui suivit. On le retrouve aussi sur "Il était une fois la Route", enregistrement live de la tournée 2006. D'après Paulo, il assure et l'entente (musicale) est bonne.
RépondreSupprimerMais, pour cet album, le groupe c'est le trio "A L'Ouest", et personne d'autre.
le problème avec Paul Personne, c'est qu'entre influences et plagiat, j'ai un peu de mal à choisir! et particulièrement sur ce cd! Bloomfield et Green je les préfere sur les originaux! je vais pas me faire des amis, mais bon il y va un peu fort le Paulo non?
RépondreSupprimerEt puis tout celà tourne en rond à défaut de faire du surplace!
Tourner en rond ? Huummouuaais... si l'on veut. Un peu sévère non ? Je dirais plutôt que c'est une marque déposée. Paulo c'est un son, une voix et une guitare, qui doit effectivement bien plus aux 70's, et à la fin des 60's, qu'à tout ce qui a suivit.
RépondreSupprimerA mon sens, à l'exception de "Rêve Sidéral.." et "Instantanés", qui auraient pu faire l'objet d'un double, chaque album a sa propre personnalité. Cependant, oui, on reconnait l'interprète dès les premières mesures.
Question influences marquantes, Paulo les a toujours revendiquées, concédant sans retenu leur apport dans sa musique, et encourageant à les écouter. Bloomfield effectivement, Green certainement, Santana et Allman également, et bien d'autres.