Petit voyage estival au temps des Baroqueux en folie
Ah les beaux jours sont là, les oiseaux chantent, la sécheresse
s’éloigne, cui, cui, cui…
Après une saison ardue dédiée à quelques compositeurs qui culminent au
firmament, génies immortels à l’inspiration prométhéenne, œuvrant dans le
monument musical divin et cyclopéen (1), pensons à quelques délicieux
amuse-gueules, au petit sachet de cacahuètes craquantes. Nous voici allongés
sous les ramures ou sur le sable chaud, écoutant quelques mélodies délicates
et guillerettes, éventuellement pour épicer une possible sieste coquine à
l’ombre des persiennes …huuummmm
Chostakovitch (Chausse-ta-kovitch (2) pour BBP qui a du mal), Mahler ou
Berlioz ont fait dernièrement les frais de mes dissertations musicologiques
érudites (3). Je vous propose un délicieux pot-pourri de pages célèbres de
nos chers baroqueux aux perruques poudrées© et en bas de soie©, puisque
telle est la description standard établie par mes amis rockeurs dominants,
lors de mon intronisation en février (Description normalisée et objet d’un
copyright DEBLOCNOT’).
- Dis donc Claude…
- Oui Maggy ?
- Avec tous ces bavardages liminaires, tu parles pour ne rien dire et tu
vas encore atteindre les 2000 mots…
- Mais heuuuu….
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(1) Ce qui caractérise le style de Claude, c’est la brièveté et l’absence de
grandiloquence de ses métaphores (Maggy).
(2) Kovitch : Petite pièce d’harmonie en Biélorussie qui se joue aux cors avec les pieds.
(3) Quelle humilité !
Toutes ces pages sont-elles archi-connues jusqu’à l’usure ? Pas
certain ! Les interprètes baroqueux s’en sont emparés, puis
régalés dans leurs recherches d’authenticité, avec l’utilisation de violons
avec des boyaux (de quoi ou de qui ? brrr, vaut mieux pas savoir), de
diapasons à diverses hauteurs. Bref, ils nous proposent de la science mais
pas toujours de la musique rafraîchissante. Les générations précédentes de
chefs n’avaient peur de rien avec des orchestres de très haut niveau, mais
un peu Caterpillar, de Scherchen à Richter, en passant aussi
par des ambulances que je vais épargner. Leurs interprétations étaient
quelquefois séduisantes, parfois mièvres et, au pire, parfaitement
grotesques option maousse costaud.
L’album de ce jour est un trésor de finesse sur instruments modernes. L’Orpheus Chamber Orchestra
nous renvoie dans un temps festif du siècle des lumières que les moins de
cinquante ans ne peuvent pas connaître. Montmartre en ce temps accrochait
ses lilas jusque sous nos fenêtres (…Mais je pars où là ? Aznavour
n’est pas un baroqueux, même à son âge).
L’Orpheus Chamber Orchestra a été créé en 1972 par le
violoncelliste Julian Fifer. Il réunit une trentaine de musiciens qui
jouent sans chef, les options d'interprétations étant définies
collectivement. Pour chaque mouvement ou pièce, un instrumentiste est
désigné comme Leader. Le répertoire abordé est immense. En premier lieu,
l’ensemble excelle dans son approche de la musique baroque et
classique, que son effectif réduit permet d’interpréter avec une
transparence et une élégance peu communes. Mais ce groupe de musiciens
n’hésite pas à pénétrer le monde de la musique moderne pour petits
ensembles (Bartók, Prokofiev, Fauré, Ravel, Schoenberg, Copland, Stravinsky)
et même celui de quelques compositeurs romantiques (Mendelssohn,
Tchaïkovski).
Tous les musiciens occupent des places éminentes de professeurs dans les
conservatoires haut de gamme américains comme la Juilliard School ou
l’université de Yale. Ils accompagnent les artistes mondialement
célèbres dans des concertos. Certains sont également membres des grands
orchestres symphoniques US comme le philarmonique de New York.
Si on ajoute à ce panégyrique sincère une discographie de 70
enregistrements (mais, bordel, bien mal réédités), dont l’intégrale des
concertos pour instruments à vents de Mozart (qui aura sa chronique), on
aura compris que l’on n’a pas affaire à des marioles, comme ceux évoqués il
y a quelques semaines et qui se vautrent dans le « tube
classique », mais à des artistes authentiques qui cultivent une joie
musicale communicative.
Petits morceaux par petits morceaux : le disque…
Bon, on fait simple : un peu de Bio (-graphie) et place à la
musique.
Pachelbel (1653-1706) |
Le canon de Pachelbel
Johann Christoph Pachelbel naît et disparaît à Nuremberg
(1653-1706). Il est surtout connu pour son Canon et par les amateurs
d’orgue. Organiste et compositeur du sud de l’Allemagne, il rencontrera dans
ses nombreux postes occupés : Frescobaldi, Carissimi ou
encore Gabrieli. Il exercera une influence sur Bach en
établissant le lien germanique avec les compositeurs cités.
Il n’y a pas grand-chose à dire sur ce canon de forme parfaite et très
connu. (CF. l’article très complet sur Wikipédia pour les amoureux du
solfège et du contrepoint.) Le clavecin et la basse continue démarrent
avec une douce solennité le thème initial de 8 notes. Un violon s’invite à
cette marche élégante, puis plusieurs, puis d’autres cordes et ainsi de
suite, à travers un développement en canon ou ce thème sera répété 27
fois…. La solennité mentionnée laisse rapidement place à un amusement. La
signature de l’Orpheus Chamber Orchestra, c’est cela : un
équilibre entre chaque pupitre, une sonorité pure, un côté ludique, le
plaisir de jouer parfaitement ensemble et non au service d’un violon solo
omniprésent. C’est très très joli, tout simplement.
Albinoni (1671-1751) |
L’Adagio d’Albinoni qui n’est pas d’Albinoni
Tomaso Giovanni Albinoni (1671-1751) était violoniste et compositeur
à Venise. On ne le connait de nos jours que par ses concertos et
musique de chambre. Ses 80 opéras, peu joués, sont partis en fumée lors de
l’effroyable bombardement de Dresde en février 1945.
L'Adagio dit d'Albinoni, sujet d’un illustre sketch de Guy Bedos et
Sophie Daumier, fut composé en 1945 par
Remo Giazotto et édité en 1958. Une quasi création à partir de
fragment d’un manuscrit d'Albinoni trouvé dans la bibliothèque de Dresde en
ruine. Désolé pour la légende.
Orgue et pizzicati introduisent l’éternel sujet avec grâce, les phrases
des cordes se répondent furtivement avant de confier un
« Chorus » à l’orgue. La couleur est envoutante, tendre, d’une
élégance estivale. Le duo orgue violon solo jaillit à l’instar d’une
fontaine dans un jardin ombragée. Je pense qu’Albinoni aurait aimé ces
lumières franches et chaudes d’un jardin vénitien. Orpheus ou le
génie de faire de « la très grande musique » avec trois fois
rien, le dénie de la vulgarité.
Bach (1685-1750) |
Jésus que ma joie demeure de J.S. Bach
Je ne présente pas Jean-Sébastien Bach. A tout hasard, jetez un œil
à ma première chronique qui fut consacrée au maître. Rien de bien neuf
depuis…
Encore un Tube. Les cordes chaloupées nous entraînent vers un petit
choral à l’harmonie, mais joué tout en douceur, très priant Les
interventions aux vents se font spirituelles. J’ai parfois entendu
ailleurs des hurlements de trompettes comme si Jésus était sourd ou
portait un sonotone. Ce qui est fabuleux avec Orpheus, c’est
toujours cette maîtrise des développements où la musique se déploie sans
augmentation du volume sonore et accélération du tempo, leur secret pour
préserver l’intériorité sereine de cette prière.
Aria de la suite pour Orchestre N°3 de J.S. Bach
Tiens, l’aria qui fit débat dans la chronique André Rieu.
Orpheus choisit le coté dansant de cette sarabande plutôt que
l’éventuelle spiritualité que l’on peut y déceler. Un théorbe accompagne
un phrasé très nuancé des cordes. Le tempo, un soupçon vif, évite toute
tendance à l’étirement dans le temps qui conduit parfois à l’ennui. Les
ornementations sont joyeuses. On se laisse à la fois bercer tout en ayant
envie d’inviter une beauté de l’époque pour quelques pas lascifs… La
sarabande était-elle le slow du XVIIIème siècle ? Quelle respiration,
sublime !
Purcell (1659-1695) |
Chaconne de Henry Purcell
Henry Purcell est né et mort à Westminster, une vie courte
(1659-1695). Bien qu’influencée par les styles français et italiens, sa
musique semble toujours échapper à la fantaisie, adopter une sereine
solennité. Qui n’a pas entendu le célèbre « air du froid »
de son opéra « King Arthur » immortalisé par
Klaus Nomi en 1981, l’humour anglais en musique ! Il
composa beaucoup pour le théâtre. Bon ce n’était pas un génie, mais laissons
aux anglais la fierté de leur unique compositeur célèbre (Il y en a d’autres
qui le mériteraient, mais attendons d’autres chroniques)
La chaconne ici interprétée illustre bien cette légère raideur anglaise.
La mélodie progresse pas à pas avec élégance et nostalgie.
Orpheus joue sur les inflexions et le développement se structure
avec grandeur. La sonorité des violons évoluent vers la tendresse d’une
rencontre dans un bosquet de jardin anglais. À écouter plusieurs fois pour
savourer la douceur dans ce qui n’est pas le hit de cet enregistrement.
Corelli (1653-1713) |
Concerto de Noël de Arcangelo Corelli
Non ! Corelli n’est pas une marque de lessive ou une enseigne
de la grande distribution. Arcangelo Corelli (1653-1713) est issu
d’une riche famille de Ravenne. Excellent violoniste et compositeur,
on considère que sans lui, la musique classique et baroque n’aurait pas
connu un tel apogée. Après d’hypothétiques voyages en Europe où il rencontre
et influence les plus grands (Bach, Scarlatti, Haendel, Couperin), il
séjournera à Rome pour parfaire son art et ses inventions formelles. Il
invente la forme sonate et le concerto grosso, ancêtre des
symphonies. Ici nous est donné d’écouter le concerto « de noël »
en cinq mouvements.
Orpheus
lance toute les forces dans cette musique énergisante. On peut parler de
concerto pour orchestre tant le dialogue entre les divers instruments est
varié et diaboliquement prenant. Bien au-delà de la technique de
composition, il émane des notes une lumière poétique. Les thèmes sont
marqués et on adhère immédiatement à ce jeu instrumental. Le violon solo
virevolte mais jamais comme soliste isolé. Nous sommes très près de la
forme symphonique à venir. Imaginatif, joyeux, encore une démonstration de
l’aisance virtuose d’Orpheus.
Haendel (1685-1759) |
Sinfonia de Solomon et Largo de Xerxes de Georg Friedrich Haendel
Georg Friedrich Haendel, allemand de souche fera l’essentiel de sa
carrière en Angleterre. Haendel, c’est le Messie, Water Music,
des concertos et opéras nombreux. Point commun avec Bach, un ophtalmo
aussi intrépide qu’incompétent les rendra aveugles l’un et l’autre. Deux
courtes pièces illustrent cet album.
Sinfonia de Solomon : C’est joyeux, accentué, concertant (le hautbois), virevoltant
(les cordes), c’est Haendel. Orpheus s’en donne à cœur joie dans
cette pièce conçue pour ce type d’orchestre. «
L’arrivée de la Reine de Saba » ne passe pas inaperçue.
Largo de Xerxes :
C’est intériorisé, pastoral, messianique et serein, priant (le hautbois),
processionnaire (la respiration des cordes), c’est Haendel (celui du Messie)
et parfaitement régulier au niveau du tempo contrôlé par Orpheus pour
éviter toute emphase.Vivaldi (1678-1741) |
Le concerto pour 4 violons d’Antonio Vivaldi.
Parler de Vivaldi en deux lignes serait méprisant pour mes lecteurs.
En vrac : (1678-1741), vénitien mort à Vienne, l’auteur des
« quatre saisons », le concurrent italien de Bach qui a
pompé certaines de ces œuvres sans trop son accord (pas de SACEM à l’époque)
et enfin, ce qui ne surprend personne, sans doute le meilleur violoniste de
son temps. On y reviendra plus en détail un de ces jours.
Ahhhhh, je voulais vérifier que ce concerto n’était pas aussi celui pour 4
claviers de Bach après transcription. Je suis tombé sur des extraits
d’un vieux disque Charlin… My God, un quatuor d’étau-limeur, fatigué par la
rouille, joue du clavecin. Beurk, je prends un café et je reviens vers vous.
Oups ! Mais c’est quoi l’intérêt d’exhumer des antiquités
pareilles ?
Orpheus
chante la musique ensoleillée du prêtre Roux. Ce qui ressemble souvent à une
sympathique cacophonie s’organise, voltige, les violons se distinguent
relativement bien, se pourchassent, les aigus sont purs et guillerets. C’est
irrésistible. Le mini Largo (1’55) se fait facétieux, un quatuor de
diablotins surveillés de loin par le continuo et le clavecin. Quelle
allégresse pour terminer cet album !
Bon, j’ai fait le tour de la question. Si vous ne voulez qu’un seul CD de
musique baroque pour l’été ou au pied du sapin (ça marche aussi), essayez
celui-là, vous ne serez pas déçus. Il y en a plein d’autres bien évidement
mais rarement aussi homogènes.
Vidéos Orpheus Chamber Orchestra
J’ai déniché le morceau « Jésus que ma joie demeure » avec
en prime un diaporama sur les colibris !?!?
Et puis en bonus, un moment de folie avec « la danse des furies » de Orphée et Eurydice de Gluck » qui n’est pas dans le CD. Ah
ça déménage…. Y a plein de cuivres et de vents sataniques.
Tenez un petit concours gratuit d'onc' selmogue. quel groupe de rock reprend le canon de pachelbel sur un de ses disques?
RépondreSupprimerchristian s
Warren Haynes?
RépondreSupprimerAaahh... L'adagio d'Albinoni, le Canon de Pachelbel, les 4 saisons de Vivaldi, l'Aria de Jean-Sébastien. Certes des classiques des classiques, connus de tous (enfin j'espère). Mais là on touche au divin.
RépondreSupprimerC'est pas du rock, mais 2pac a marmoné dessus (un vrai massacre).
RépondreSupprimerSinon il y a la version du jeune et talentueux Matt Rach (http://www.youtube.com/watch?v=wam-oMub8EU). Il y a aussi celle de Malmsteen (moins bonne).
Quant aux "4 saisons", elles ont été maintes fois reprises par un bon nombre d'apprentis shredders dans les 80's et 90's ; les plus connues étant celle d'Uli Jon Roth et de Malmsteen.
Claude doit grincer des dents...
Curieux que Luc n'est pas cru bon d'ajouter "... mais Claude, il n'a plus de dents, donc pour grincer ah ah"
RépondreSupprimerN'empêche que j'ai lu la chronique de Bruno sur "Man in Motion", et même que ça me plait pas si mal... Je vais creuser...
(Commentaire hors sujet)
RépondreSupprimerEnfin je sais comment prononcer correctement Choska... NAN !!! ... Chostakovitch.
Merci, Maître !
Des besogneux indignes ont reçu la Légion d'Honneur pour moins que ça...
Et pour m'sieur Selmogue, c'est les Sales Gosses d'Aphrodite qui pompent le canon pour en faire des Larmes et de la Pluie.
RépondreSupprimerBANDE de POCHTRONS, va !!!
Merci Big Bad Pete, je n'avais pas fait le rapprochement... Encore un saut dans ma jeunesse lointaine (sniffsss.... grosses larmes)
RépondreSupprimerc'est Savatage sur "dead winter dead"
RépondreSupprimerchristian s
Quel titre sur "Dead Winter Dead" ?
RépondreSupprimerD'abord j'ai cru que c'était "Memory", l'intro de "Dead Winter Dead". Mais non, car il s'agit de Beethoven, "L'Hymne à la Joie", que reprenait avec maestria Blackmore à l'époque de Rainbow.