Real Soul-Blues Latino
Javier Vargas est un musicien espagnol, né à Madrid en 1958. Il émigra en Amérique-du-Sud à l'âge de neuf ans (d'abord en Argentine, et ensuite au Venezuela). Après avoir reçu des mains de son père sa première guitare (espagnole !), il acquit à douze ans une électrique (sans jamais abandonner la guitare traditionnelle). Mordu par le virus de la musique, il émigra aux USA, d'abord pour étudier (à Nashville), puis pour entamer une carrière professionnelle, qui le mena à Los Angeles et New-York, accumulant les prestations dans les clubs et les contrats intermittents pour diverses sessions de studio. Au cours de ces années-là, il joua et tapa le bœuf avec de nombreux musiciens américains et anglais. C'est ainsi qu'il aurait rencontré Alvin Lee, Roy Buchanan et Canned Heat. Dans les années 80, il retourna en Espagne où il joua dans diverses formations, tout en gardant la profession de sessionman qui le mena en Angleterre et à nouveau aux Etats-Unis.
Enfin, en 1991, Vargas vola de ses propres ailes en créant le Vargas Blues Band. Javier Vargas se fit ainsi connaître en tant que Bluesman, dans une approche Rock qui le plaça (un peu rapidement) dans la catégorie des continuateurs de Stevie Ray Vaughan (surtout à ses débuts). Toutefois sa culture latine, d'Amérique-du-Sud et d'Espagne, transparait dans ses mélodies, ce qui confère ainsi à sa musique des tonalités colorées, épicées, chatoyantes et ensoleillées ; ce qui n'est pas sans rappeler évidemment Carlos Santana. Ce dernier d'ailleurs, lui emprunta « Blues Latino » en 94, que l'on retrouve sur l'album « Santana Brothers », et croisa à plusieurs reprises le fer avec lui sur scène (bel honneur !). C'est justement à partir de 1994, avec l'album du même nom, « Blues Latino », que Vargas commença à acquérir une certaine notoriété, auprès du public mais aussi de ses pairs. Ce qu'il confirma l'année suivante avec « Texas Tango », produit par Jim Gaines, et sur lequel participe « Double Trouble » (la rythmique de S.R.V) et Larry Thurston (des Blues Brothers), dont le succès relativement conséquent s'étendit au-delà des frontières ibériques.
A l'écoute de ses disques, il est évident que la culture musicale de Vargas est étendue. Ne serait-ce que ses périples, ses voyages, ses travaux en studio, ont dû forcément lui apporter énormément, tant musicalement qu'humainement. Il aurait même été un temps confronté au Reggae.
A cet effet, il serait plus juste de décrire sa musique comme une espèce de « World-blues-rock », car Javier ne se soucie guère des frontières et des carcans. Il n'éprouve aucune réticence à faire cohabiter un puissant shuffle d'obédience Texanne à une composition rendant hommage au Flamenco, ou un brûlot du Heavy-rock 60's-70's à un classique de la Soul.
A ce jour, la plus belle réussite de Javier Vargas semble être « Feedback », un album présenté sous son seul patronyme, et co-produit par Ian Taylor. Cet album est celui qui conjugue au mieux la fusion du Blues, de la Soul, du Funk, du Rock et de la musique latine. Et il s'agit bien d'une fusion et aucunement de pièces rapportées, d'un patchwork. Certainement aussi le plus travaillé, et un des plus "calmes". Vargas est à son apogée. Sa musique a muri, et son jeu de guitare protéiforme, que l'on pourrait décrire comme un subtile mélange entre Stevie Ray Vaughan (bien moins marqué sur ce disque), Gary Moore (période bleue) et Santana, habille de fort belle manière les douze pièces du CD, en évitant soigneusement tout pathos ou démonstration bravache. Car Vargas, bien qu'étant leader et guitariste, a la sagesse de savoir se restreindre en solo, et ce dans un souci de concision des titres interprétés. Aucun titre n'est un faire-valoir ou un prétexte à flatter son ego. Vargas évite les descentes de manches effrénées, préférant se focaliser sur la mélodie, la note juste qui se fond dans l'orchestration. Souvent, sur cet opus, il alterne entre l'électrique (exclusivement Fender, Strato et ampli, pour cet opus) et la traditionnelle guitare espagnole.
De plus, il y a cette paire de chanteurs (Javier ne chante pas) qui injecte une couleur Soul-blues chaleureuse. Avec Bobby Alexander, au timbre chaud et profond, à peine rocailleux, une voix puissante (quelque part entre Larry McCray et Mighty McClain), c'est le Soul-bluesman ; quant à David Montès, le Cubain, il participe au caractère Latin. Il prête sa voix à tous les textes écrits en espagnol. Il n'est en conséquence présent que sur cinq titres, les autres chansons étant intégralement chantées en anglais. Déjà présents sur le précédent disque, mais devant alors partager le rôle avec David Allen, Montès et surtout Alexander (qui devint désormais le chanteur attitré du Vargas Blues Band) se sont ici pleinement intégrés. Ils ont apporté force, sensibilité et concision. Certaines chansons sont interprétées en Anglais, d'autres en Espagnol, et d'autres encores alternent entre les deux langues.
« Feedback » nous invite à un voyage dominé par des compositions Soul-blues, à la tessiture rock , qui font la jonction entre le Soleil et les étendues d'Espagne, les plages de la province d'Almeria, le Spanish Harlem, Cuba, et les clubs enfumés de Chicago.
Tantôt c'est léger, comme avec « Back to the City », belle pièce légère Soul-pop évoquant Chris Réa, aux accents bluesy. Et tantôt c'est plus franchement enraciné dans la terre hispanique (« Sangre Española »), avec une guitare et des chants espagnols. On dérive même vers une Salsa-Romàntica aux senteurs bluesy (« Para Guarachar »). Ou encore l'instrumental « Spanish Fly » qui fait le pont entre un « Gary Moore - période bleue » et les terres d'Andalousie.
Vargas s'octroie même le luxe de reprendre un classique des classiques, le fameux « Whole Lotta Love », pour le transformer en l'assaisonnant de rythmes cubains, avec des « trompettes bouchées » et du piano latino, et en occultant le break psychédélique. Loin d'avoir massacré ce monolithe, Vargas lui apporte une couleur qui lui sied parfaitement.
Sans renier un blues-rock plus franc (« Make Sweet Love 2 U »).
Une belle réussite de latino Soul-blues chiadé, dotée de compositions aux mélodies et aux refrains mémorisables. Un disque à part, nanti d'une authentique personnalité.
"Feedback" est dédicacé à Carlos Castaneda, Carlos Santana et Stevie Ray Vaughan.
Tout au long de sa carrière, Javier Vargas a joué, sur scène et/ou en studio, avec de nombreux artistes. Soit, pour les plus illustres, avec Carlos Santana, Lonnie Brooks, Chris Duarte, Little Jimy King, Larry Graham, Devon Allman, Chris Rea, Prince, Sugar Blue, Double Trouble (aka Chris Layton et Tommy Shannon), Louisiana Red, Carey Bell, Junior Wells, Frank Marino.
Tout récemment, Vargas est reparti aux States pour une collaboration avec l'ancienne section rythmique de Vanilla Fudge, Cactus et B.B.A. Soit Carmine Appice et Tim Bogert. Paul Shortino (Rought Cutt, Quiet Riot, The Cutt) assure le chant.
- Changes - 3:52
- Back to the City - 4:28
- Sangre Española - 4:15
- Para Guarachar - 4:33
- Whole Lotta Love - 3:52 (Plant, Page, Paul Jones, Bonham)
- ¿ Que Quiere Mi China ? - 4:51
- Amor Verdadero - 4:34
- Spanish Fly - 3:19
- I'm Amazed - 3:36
- Make Sweet Love 2 U - 3:59
- Everybody's Looking for Love - 3:30
- NYC Blues - 4:15
Le clip,
mais avant tout c'est en concert qu'un musicien doit faire ses preuves.
Merci de parler de cet excellent guitariste trop peu reconnu dans nos contrées et pourtant quel feeling ! effectivement Feedback est son fer de lance, c'est d'ailleurs avec cet album que j'ai commencé à m'intéresser à lui pour ensuite me régaler avec "Madrid-Memphis" Texas tango" "Gipsy boogie" ou "blues latino" par exemple.
RépondreSupprimerC'est également par cet album que je l'ai vraiment découvert. J'avais auparavant écouté "Texas Tango" chez un disquaire, mais j'étais plutôt fauché...
RépondreSupprimer"Bluestrology" réalisé peu de temps après "Feedback" vaut également largement le détour, avec cette fois-ci une orientation nettement plus centrée sur le Blues-rock, et toujours l'excellent Bobby Alexander.
Par contre, je n'ai qu'un très vague souvenir de "Madrid-Memphis" qui me semble moins original, non ?
Sorti en 1992, Madrid-Memphis est un bon album mais un ton en dessous des autres, agréable à écouter car assez varié dans l'ensemble même s'il manque un peu de pêche.
RépondreSupprimerje tombe par hasard sur ton article au sujet de Javier Vargas, guitariste un peu ignoré par ici! Il est vrai qu'en matière de blues-rock on a plutôt tendance à lorgner outre-atlantique que du côté de l'Espagne! Et pourtant, cet hidalgo est bougrement intéressant! Je l'ai découvert grace à l'inoxidable Gégé, et depuis je l'écoute très souvent (pas Gégé, Javier!).
RépondreSupprimerBelle discographie, mais assez difficile à trouver à des prix raisonnable, parce que mal distribuée. Mes préférés: "Flamenco Blues Experience" "Madrid-Chicago" et "Last Night", en revanche très réservé sur sa collaboration avec Appice et Bogert! C'est vraiment pas ce qu'il a fait de mieux!
Pasz encore écouté le dernier, "Vargas Blues Band and Company"
Salut JPG.
SupprimerJ'adore Javier Vargas, et possède en conséquence une bonne partie de sa discographie. Hélas, tout n'est pas du même tonneau, et les derniers CD sont loin d'êtres les meilleurs.
"Vargas Blues Band and Company" n'est pas vraiment une nouveauté. C'est un recueil des diverses collaborations de Vargas. Pêle-mêle on retrouve celles avec Chris Réa, Marino, Devon Allman, McCray, Glenn Hughes, Larry Graham, Jack Bruce, Appice & Bogert, Junior Wells, Je ne crois pas qu'il y ait un seul inédit ; seulement trois titres remixés. Plus une belle carte de visite qu'autre chose (j'avais même oublié que je l'avais... pourtant c'est pas mal).
Je ne connais pas ce "Flamenco Blues Experience", et j'attends toujours que le "Last Night" soit à un prix raisonnable.
Pour ma part, je recommande vivement "Feedback", "Bluestrology" et "Gypsie Boogie". "Texas -Tango" est pas mal non plus.