Les plus jeunes connaissent monsieur Antoine de Caunes pour ses prestations d'acteur, mais aussi en tant que réalisateur. D'autres, un peu moins jeunes, pour ses cultissimes et brillantissimes sketchs à Nulle Part Ailleurs. Mais peu savent qu'il a commencé sa carrière en qualité d'adepte et de fervent défenseur de la cause "Wock'n'Woll".
Rappelons donc qu'il s'était battu, bec et ongle, contre vents et marées, contre la bien-pensante « Programmation des chaînes télévisées », pour non seulement instaurer une émission hebdomadaire consacrée au Rock sous toutes ses formes, mais de plus, (manque pas d'air le gus !), pour en faire une émission « Live ». Soit réfutant toute forme de play-back, à l'ère où les Guy Lux et Drucker régnaient en maîtres sur la Terre du Milieu, il organisait avec sa communauté des concerts à la salle de l'Empire (partagée alors avec « l'école des fans » de Jacques Martin) pour les retransmettre tels quels à la télévision. Ainsi les pains, les voix cassées, les interprétations approximatives étaient tout autant diffusés que les moments magiques inhérents à la scène. Un véritable challenge que De Caunes gagna haut-la-main, malgré le peu de moyens que lui donnait Antenne 2, qui était par contre prodigue de « bâtons dans les roues ». L'émission, évidemment, s'appelait Chorus. Et ce bien avant les radios libres, qui ne le restèrent pas bien longtemps d'ailleurs, Chorus avait l'avantage de diffuser (en 1978 donc), sur un pied d'égalité, des musiciens alors peu ou prou connus en France (The Cure, Pretenders, Stray Cats, Joe Jackson, The Beat, DeVille, Rose Tattoo), aussi bien que des stars internationales (James Brown, Nugent, ZZ-Top). Il fut le tout premier à présenter Bruce Springsteen à la télévision française, à l'époque de l'album « The River » (il a contribué notablement à sa reconnaissance dans l'hexagone).
Plus tard, on lui devra la meilleure période des « Enfants du Rock », avec un Houba-Houba élaboré, fourni, pertinent, avec documentaires, interviews, clips et concerts. Son retrait marque la genèse de la rapide décadence de l'émission, avec pour point culminant un spécial Julien Clerc (sic !).
Pas totalement découragé, il réitéra l'aventure Rock télévisé avec Rapido. Néanmoins, comme son nom l'indiquait, l'émission était fort courte, Antoine faisant tout son possible pour communiquer un maximum d'informations en un minimum de temps, vingt minutes, grâce à un débit de paroles absolument ahurissant.
Il intégra la radio pour une émission dans laquelle il faisait découvrir, à travers un périple de différentes villes américaines, les différentes musiques qui y étaient jouées. L'émission fut primée.
Enfin, Antoine change de registre et s'attaque au burlesque, en intégrant Canal + avec l'émission « Nulle part Ailleurs ». Là, son talent explose, aidé des textes de Laurent Chalumeau et d'Albert Algoud. Sa collaboration avec un jeune inconnu, José Garcia, sera le zénith de cette émission, et un classique du divertissement, toujours inégalé, de la chaîne.
Il enchaîna une carrière d'acteur. Là encore, (mais jusqu'où ira-t-il ?), il fait plus qu'une bonne impression, gagnant le respect du public et de ses pairs. « L'homme est une femme comme les autres » (excellent) lui vaudra une nomination, amplement méritée, aux Césars.
Aujourd'hui, Antoine de Caunes a revêtu la panoplie de l'écrivain. Chose point nouvelle puisqu'il a déjà écrit deux romans policiers, et un ouvrage sur Magma (en 78). Dans ce « Dictionnaire Amoureux du Rock », on (re)découvre une personne foncièrement cultivée. Des références diverses fusent de toutes parts, et on se demande s'il y a une chose que de Caunes ignore. Sauf peut-être en physique quantique ou en fusion par confinement inertiel, mais, effectivement, le sujet ne s'y prête guère. De toute évidence, c'est un passionné des mots, de la langue française. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l'on manie avec tant de dextérité et de malice la langue de Molière ?
Avec cet ouvrage, Antoine nous livre une série d'anecdotes tirées de son expérience personnelle avec divers musiciens qui lui a été donné de croiser, généralement pour ses différentes émissions, ou encore quelques souvenirs de jeunesse liés à son amour de la musique. Mais aussi des « coup-de-cœur », des passions, pour des artistes qu'il aime et respecte. Ainsi, via un concert, mémorable ou pas, un disque, une carrière, il nous fait part de son admiration. Ou de sa déception. A cet effet, il n'hésite pas parfois à égratigner l'homme, si le relationnel de ce dernier est exécrable, ou si leurs rapports ont été plutôt houleux, sans pour autant dénigrer sa musique.
L'ouvrage, 719 pages numérotées, dont 677 de lectures (en omettant la table des matières), 13x20x3,5, 802 grammes, présente cent neuf chapitres. Tous, évidemment, liés au Rock, au sens large, très large ; ni barrières, ni frontières et encore moins de sectarisme, mais toutefois une certaine subjectivité, en toute logique humaine. 109 chapitres classés par ordre alphabétique, consacrés à des artistes ou des groupes aussi divers que Bashung, Angus Young, Bowie, JJ Cale, Nina Hagen,Dr Feelgood, John Hiatt, Isaak, Kinks, Liitle Richard, Iggy, Prince, Ramones, Stones, Who, SRV, Zappa, Johnny Winter, Stranglers, Pogues, McCartney, Manassas, Mayer, Clash, Midnight Oil, etc.
Pour cela, évitant soigneusement l'ampoulé ou le redondant, Antoine joue avec les mots, insufflant un rythme, une fluidité, le tout assez souvent avec un humour frais, jamais grossier, qui procure au lecteur un réel plaisir. Ainsi, cette lecture devrait autant satisfaire le nostalgique des années Canal que l'amateur lambda de Rock, voire même le simple curieux, amateur de bons mots et de phrases bien tournées. Parfois truculents, très rarement caustiques, ces chapitres satisfont autant qu'instruisent. A tel point que l'on revient même sur des sujets que l'on avait dans un premier temps occultés, parce que le thème ne nous semblait guère passionnant. Un régal. D'ailleurs, ce n'est point un secret de Polichinelle de dire que De Caunes captiverait un auditoire avec des sujets aussi soporifiques que la reproduction des coccinelles ou « à quoi rêve l'écureuil nain de l'Azerbaïdjan ».
Un réel plaisir de lecture, que l'on prendra la peine de dévorer sans musique, en prenant soin de s'isoler, afin d'en profiter pleinement.
Un dictionnaire ? Aucunement. Juste un prétexte pour communiquer, partager une passion (amoureuse) de cette musique riche et polymorphe qu'est le Rock. On espère un deuxième volume.
Et puis, tiens, laissons Antoine s'exprimer lui-même :
Commentaire hagiographique. De Caunes ne mérite pas, à mon avis (que je partage)ce concert de louanges. S'agissant de la programmation rock à la télé, on oublie assez vite que vers 1972-1974, il y en avait le samedi après-midi, parfois pendant deux heures (Pop 2, émission dans laquelle je me souviens avoir vu Captain Beefheart. Alors, pour le culot dans la programmation, on peut repasser). Il ne faudrait pas oublier non plus Freddy Hauser. De plus, étant un fils de (M. et Mme, de surcroît)il a dû, je pense, avoir ses entrées assez facilement et pouvoir réaliser son petit caprice (passer du rock à la télé)sans trop payer de sa personne. S'agissant de ses pitreries à Canal +, et quitte à passer pour un pisse-vinaigre, elles ne m'ont jamais fait rire (les grosses conneries pipi/caca avec Garcia déguisé en radasse...bof). L'"humour" à la De Caunes n'est pas plus subversif que celui des Guignols, qui ne change rien à rien et qui n'a qu'une vertu pour ceux qui en redemandent, c'est de servir d'exutoire. Quant à sa culture rock, de la part d'un type qui n'a pas fait grand chose dans la vie, qui est né du bon côté et qui a pu grenouiller tout petit dans ce milieu, quoi de plus normal. Il y a des gens sur ce blog qui sont largement aussi qualifiés que lui. Enfin, sa dilection pour la culture classique me paraît trop tardive pour être honnête, mais bien symptomatique du retour d'âge. Par charité je n'épiloguerai pas sur ses productions de tâcheron du cinéma, comme rélisateur et comme acteur. En clair, et pour résumer, le personnage est foncièrement antipathique. Une autre preuve? Tirée de la physiognomonie, bien décriée aujourd'hui: il a le menton fuyant (actuellement masqué par une barbe).
RépondreSupprimerMais où est passé Led Zeppelin ? Hein hein hein ???
RépondreSupprimer... tiens, les commentaires OPENID marchent à nouveau...
RépondreSupprimerJOIE !!!
j'y vais aussi de mon petit commentaire : j'ai été assez déçu par ce livre et je m'y suis ennuyé par intermittence. je m'explique : De Caunes est assez verbeux, ça le fait moins dans un livre qu'à l'écran. bien sûr il a du talent et de l'humour, mais le plus intéressant, c'est pas tellement ce qu'il raconte, c'est plutôt la retranscription des interviews... lisez le chapitre "vieux con", où il tente d'expliquer le contraire de ce qu'il démontre en écrivant. je me comprends ! et puis il se permet de donner des avis définitifs sur des artistes et groupes auxquels il ne comprend rien, et il y en a un certain nombre. donc, plein de bonnes choses, mais aussi plein d'autres hum hum... c'est mon avis bien entendu, je vois avec plaisir que je ne suis pas le seul à ne pas m'extasier devant ce livre. en revanche (on digresse mais tant pis) j'ai été enthousiasmé par EN STUDIO AVEC LES BEATLES de Geoff Emerick. un livre avec un regard technique, certes, mais voilà qui est original, qui va au fond des choses, et qui explique (au delà des Beatles) clairement pourquoi c'est aussi ce qui permet de la faire oublier (la technique !) et de valoriser la musique. un must ! Chic Chris
RépondreSupprimerShuffle ! Shuffle ! Shuffle ! Il est bon, il est bon, il est bon, et ne craint de dire tout haut ce que certains pensent tout bas.
RépondreSupprimerNon, SM, je ne pense pas avoir embellit la trajectoire de de Caunes. Déjà, je l'ai simplifiée au maximum.
Question émission musicale je me souviens également de Point Chaud, et de Midi-Première... Mais il convient de rappeler que pendant bien 2 ans, ce fut un réel désert. Le rock a été banni des ondes françaises ; à l'exception de Topaloff avec "Ali be good", et "Ma ch'mise grise". Alors maintenant que le gars fut pistonné ou non, je m'en tape. L'important c'est que Chorus et Houba-Houba furent 2 excellentes émissions musicales. Pour ça je le remercie mille fois.
De Caunes a dit que contrairement à ce que les gens croient, son père n'a pas usé de son influence (en avait-il vraiment une ?). Peut-être que son nom a suffit pour ouvrir des portes ? D'après ses dires, il dût se battre pour avoir une plage horaire et des locaux. Des locaux qui furent rapidement supprimés, car il est clair que le rock faisait chier quelques pontes des programmes d'Antenne 2 qui faisaient tout pour faire capoter l'émission. Pas découragé, Antoine présenta son émission dans la rue.
Sa culture classique plus récente ? Peut-être, dans ce cas cela prouverai qu'il cherche à évoluer.
RépondreSupprimerMaintenant, je me répète peut être, mais il s'est battu pour des groupes alors inconnus. Actuellement, et même depuis 30 ans, on ne présente que du lourd, du sûr, aucune prise de risque.
Certes, Antoine a parfois des opinions qui peuvent faire grincer des dents (Fogerty, Uriah-Heep, Yes, etc...), mais c'est un être humain. A chacun sa perception. Et être "Rock", contrairement à se que peuvent écrire certains, n'a jamais correspondu à un moule, un carcan, ou "dieu" sait quoi. Etre Rock ce n'est pas un uniforme que l'on enfile le samedi soir pour aller voir un concert...
RépondreSupprimerPersonnellement, je suis bien loin d'adhérer intégralement à ses goûts musicaux, ce qui ne m'empêche pas d'apprécier son livre. Au moins il n'hésite pas à égratiner des "grands noms". C'est tellement facile aujourd'hui de couvrir de louanges Led Zep, Aerosmith, Grand Funk, AC/DC, Queen, Bolan, Southside Johnny, Lynyrd, (etc...) alors que ces derniers étaient généralement vilipendés par "notre" presse.
Si, si, il mentionne Led Zep, lorsqu'il énumère les disques soigneusement sélectionnés pour passer sous le manteau.
RépondreSupprimerDe Caunes, verbeux, c'est tout à fait ça. Bon, soyons honnêtes; dans Chorus, il ya eu des trucs très bien: je me souviens d'un des premiers passages de Dire Straits, et des retransmissions du Rockpalast d'Essen, dont une avec le J Geils Band et Johhny Winter. Et à l'époque, il parlait beaucoup moins.
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