mercredi 23 mars 2011

LOUIS BERTIGNAC - "Grizzly" (2011) par Bruno


Bertignac sort ses griffes


Enfin ! Enfin, voilà le Louis Bertignac comme je l'attends depuis des lustres. Avec "Grizzly", Louis sort les griffes. C'est pratiquement Louis Bertignac tel qu'il est sur scène. Pas de chichis, pas d'arrangements. C'est direct, organique, vivant, viscéral, honnête. Une approche que l'on pourrait qualifier de naïve en comparaison des grosses productions actuelles très (trop) travaillées.

A l'image de la pochette, Louis se met à nu, sans pudeur ou timidité. Il s'est débarrassé de ses manteaux d'arrangements multi-pistes et Pop. Dans ces conditions, on se retrouve en toute logique face à un rock gras, poisseux, "dirty", qui a plus de liens avec les 70's qu'avec les trente dernières années. Un "Revival" ?

Et ceci en toute logique car voilà des années que le lascar délivre des concerts chauds/bouillants (c'est plus flagrants sur les quinze années précédentes) qui plongent leurs racines dans la musique Rock des 60's et des 70's, et que l'on avait peine à retrouver en studio. Des concerts qui font souvent référence à un large horizon rock s'étendant des Stones aux Who, en passant par Paul Rodgers (il reprenait d'ailleurs admirablement "Muddy Waters Blues", seul, juste accompagné de sa guitare folk), Otis Redding, Hendrix, Beatles, Led Zep. On y voit toujours un Berti-Gnac généreux, volubile, libéré, humble, aimant autant jouer que communiquer avec le public. Et surtout, on y voit un authentique rocker, fan de guitare brute, "boisée", et de vieux amplis aux lampes rougies. Hélas, ce Bertignac-là, tel Jekyll et Hyde, n'était plus présent en studio d'enregistrement. En partie dû à une production certes bonne mais ne reflétant pas assez sa personnalité "roots", et peut-être aussi le fruit d'une certaine timidité, la crainte de se lâcher totalement dans un lieu qui ne s'y prête pas forcément. May be bad advice too...

"Grizzly" marque donc un tournant. Un tournant qui rappelle celui effectué par Paul Personne avec son disque "Comme A La Maison".


L'album fait la part belle aux titres "rentre-dedans", à un Rock sentant la poussière des lampes d'amplis vintage autant que le parfum du bois de ces vieilles guitares au vernis élimé, marquées de multiples coups et à la touche du manche façonnée par des centaines d'heures d'utilisation et rongé par l'acidité des doigts. Des guitares hésitant entre un son crunchy et un son crémeux, gommant tout clinquant, riche en medium. Derrière une batterie boisée, sèche, naturelle, animée (Cyril Atef), et une basse ronde et sourde - trop sourde car, à mon goût, un peu plus de présence n'aurait été que plus bénéfique - (Hilaire Penda).


Afin de mettre les points sur les "i", de ne pas tromper l'auditeur, Louis débute avec du coriace avec "22m²". Un tempo relativement rapide, une rythmique soudée, un harmonica qui fait le lien entre les couplets, un solo de slide avec un bottleneck qui accroche les cordes, une Gibson vintage chaude et saturée. Huuum... cela fait du bien, nous sommes à la maison. Cela enchaîne avec "Pro" qui évoque Ganafoul (sans le son Fender).

Et ainsi l'ensemble œuvre dans un Rock vintage sans faux-col, à l'exception de "Tes Bonnes Choses", une jolie ballade pop semi-acoustique qui pourrait faire une bonne carrière radiophonique (si les programmateurs n'étaient plus des lobomotiseurs), "Les Filles Comme Toi", autre ballade aux accents Téléphone, "Mouettes & Rhinos" qui traverse la propriété de Paul Personne époque "Instantanés" avec un petit quelque chose des Doors en filigrane (pas la voix évidemment, mais ces petites touches de claviers en fond sonore sur certains mouvements).

"Bloody Mary Tabasco" se positionne entre les deux avec sa tournure slow-blues qui prend des airs de "Purple Rain" (sans le refrain) et le solo y fait également référence.

Hormis "22m²" et "Pro" qui ouvrent l'album de fort belle manière, d'autres brûlots se démarquent. "Simulations" dont la rythmique louche vers le "Black Night" de Deep Purple (à 2 minutes c'est carrément le riff). "Fais Pas Mes Malles", riff Hard-Blues sautillant (d'inspiration "I Ain't Got You" ?), basse lourde et batterie . Et "Frayer" qui clôture avec du lourd, du pesant, du menaçant, frôlant le Hard-Blues du début des 70's.

Sans omettre "Chaud" du Bertignac-Stoner ! Voix-off, et solo bardé de bend et de double-bend en arrière plan.

Au final, on pourra regretter quelques chansons, toutes signées Boris Bergman, aux paroles un peu trop simplistes. On a connu Bobo sous de meilleurs jours. Quoique il y en a tout de même quelques unes qui méritent que l'on s'y attarde, sans pour autant être des références. Mais bon, le Rock n'a jamais été spécialement le terreau propre à enfanter des poèmes. Et puis, il faut que cela sonne, que cela se marie avec la musique, ici plutôt crue.


C'est certain, Grizzly ne fera pas l'unanimité. Tout n'est pas parfait (et alors ?), et surtout, c'est un album qui est en opposition totale avec le rock (?) français actuel, plutôt faisandé. Alors que le Rock de Bertignac est bel et bien vivant, et surtout n'a aucune ambition ou plan de carrière. Il est tout simplement là, authentique et spontané.

Non sans raison, "Grizzly" est sous-titré "ça c'est vraiment moi". Profession de foi.

Bertignac s'est fait plaisir, et nous fait plaisir. Merci Louis, tu peux faire péter le suivant avant la fin de l'année.



Le Pedalboard de Louis : le "minimum syndical", et même un peu plus. Un accordeur Boss, un Flanger Boss, un booster Push-p Gamin-3, une disto T.Electronic et une Wah Probe de Zvex. Cette dernière a la particularité de ne pas avoir de potentiomètre. Elle réagit grâce à un détecteur qui capte la position du pied (ou autre) et qui module la fréquence en fonction. En plus d'une wah-wah, elle est couplée à un système de pré-amplification, pourvu d'un drive réglable, qui booste le signal.

Et un lien pour les guitares de Louis : http://sd-16866.dedibox.fr/matos/guitares.html. Sa préférée est la première à gauche. Une vénérable SG (plus exactement une LesPaul Junior de 61) modifiée par Jacobacci (manche 27 cases !) , réparée à de multiples reprises et doté d'un seul micro, un P90 d'origine. Une véritable relique, qui a le son, et une âme.
  1. 22m² (3.03)
  2. Pro (3.11)
  3. Costards (3.17)
  4. Tes Bonnes Choses (3.58)
  5. Le Grand Ordinateur (3.37)
  6. Tziganes et Grizzly (2.59)
  7. Mouettes et Rhinos (4.23)
  8. Chaud (2.58)
  9. Bloody Mary Tabasco (4.27)
  10. Simulations (3.31)
  11. Les Filles Comme Toi (5.13)
  12. Fais Pas Mes Malles (3.45)
  13. Frayer... (3.47)
  14. Vol à Vue (3.56) - uniquement en Opendisc.

Par contre, pourquoi avoir placé "Vol à Vue", cette ballade, sans batterie, sans basse, reposant uniquement sur des arpèges électriques aux parfums Hendrixiens. Un mauvais coup d'Universal, ou pour lutter contre le téléchargement ?

A noter : La présence de Richard Kolinka aux fûts sur "Tziganes & Grizzly", et George Marino au Mastering (nom qui a longtemps été associé à un gage de qualité d'écoute).






La parole à Louis, ainsi qu'à ceux qui ont contribué à cet album :

7 commentaires:

  1. Vi vi vi !
    Ca fait plaisir d'entendre le zouave se lâcher.
    Mais ça fait un moment qu'il ne fait plus de solos (ridicules ?) à la Téléphone (ouf !)

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  2. Shuffle master23/3/11 13:46

    Bien vu pour le rock faisandé.

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  3. Les textes: A priori le gros point faible de cet album, d'après ce que j'ai pu en lire ici ou là.
    Vu en concert il y a quelques années en club: Super souvenir !!!
    Revu l'an passé en plein air pour un concert gratuit: Super déçu !!! Trop de reprises et des solos Bluuuues interminables.
    En vérité, jamais été plus fan que ça, ni même du téléfon. Ça c'est vraiment moi !

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  4. Il est vrai que les textes sont, dans l'ensemble, le point faible de Grizzly. Il y a beaucoup de 2sd degré, parfois un peu (trop) facile. question paroles de rock français, on a connu bien mieux, y compris de la part de Bergman qui paraît ici avoir parfois bâclé ses textes (écris dans l'urgence ?).
    Toutefois, bon nombre de classiques anglo-saxons font preuve de très peu d'imagination en matière de textes ; notamment lorsque ceux-ci se limitent à une demi-douzaine de phrases.

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  5. Jamais été non plus spécialement fan de téléphone, même si j'ai chanté à tue-tête "La Bombe Humaine".
    Des qualités évidentes, mais à mon avis, un groupe surestimé. D'autant plus, que, malgré une certaine réputation à ce niveau, certains de leurs concerts étaient pas terrible ; certains membres avaient parfois l'air de n'en avoir rien à foutre (les chevilles qui enflent ?). Des débats houleux à l'époque avec les "pro-Téléphone" qui vouaient un véritable culte, mais qui, en grande majorité, n'avait pas vraiment de culture musicale.
    A mon avis, le phénoménale succès (dans nos frontières) de Téléphone est dû au film qui leur avait été consacré au tout début de leur carrière. Question pub, il n'y a pas mieux (voire "Woodstock", "Rattle'n Hum", "Purple Rain", "Saturday Night Fever"). Dans une moindre mesure, il y a aussi leur très bonne prestation à Chorus.
    Par contre, il convient de rappeler que Téléphone s'était fait huer, et même canardé de divers projectiles (parfois douteux) au festival de Reading. On avait mis cette débâcle au crédit d'un chauvinisme exacerbé, et d'un "anti-français" primaire, alors que Little Bob jouait au Royaume-Uni depuis plusieurs années (avec commentaires élogieux de la presse), ainsi que Trust. Qui lui, fut bien accueilli au même Festival de Reading.

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  6. Bruno, tu as raison sur toute la ligne pour Telephone, et moi aussi j'ai du hurler tous leurs tubes quand j'étais au lycée...Cependant il faut leur reconnaitre un grand mérite: avoir "initié" au rock toute une génération et par leur rock "grand public" avoir porté le rock en tete d'affiche en France, et pour cela je leur voue une reconnaisance éternelle..on est loin de cette époque Trust-Telephone.. Leur succés, ils ne le doivent qu'à eux meme car ils ont su trouver le compromis entre rock "abordable", variété et chanson en francais, plus des riffs et refrains facilement identifiables sans etre putassier. J'ajoute que je réecoute régulierement "crache ton venin" ou "anna" et que 30 ans aprés ca tient toujours la route; mais bon ce sont toutes mes années lycées qui remontent là, je ne suis pas trés objectif..

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  7. De cet état de fait, je pourrais tout aussi bien l'appliquer à Aubert. Le chanteur m'avait mis une grosse claque il y a quelques années (à Nancy), le jour même ou on nous annonçait le décès de Marie Trintignant (Richard Kolinka aillant été son conjoint et le père de certains de ses enfants). Grosse émotions... Grosse patate aussi, qui me fût confirmée par le témoignage en DVD de cette même tournée.
    Bon ben... Il ne manque plus que Corinne que n'ai pas encore vu. En revanche j'avais lu son livre "mise au point/coup de poing" intitulé "le fil du temps". Le mythe en prenait un sacré coup.

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