samedi 5 février 2011

VALERIE SAUBADE "Marche arrière" (2009) par Elodie



Si les auteurs Américains excellent dans la critique de la société, les Français sont plus souvent tournés vers l’analyse des relations familiales. Et Valérie Saubade, née en 1966, prof de français à l’Alliance Française de Bordeaux, a réussi un modèle du genre avec MARCHE ARRIERE, son troisième roman (son 4ème livre, MISS SWEETIE, vient tout juste de paraître). Elle y porte au pilori la famille bourgeoise, recomposée ou non, les relations parents/enfants, frères/sœurs, (ex-)mari/(ex-)femme. Du classique donc, sauf que le tout est traité avec un humour grinçant et un cynisme qui confère une touche bien particulière à l’histoire.
Pas besoin d’attendre bien longtemps pour savoir à quoi s’attendre : la première phrase est un modèle du genre, de celle que l’on reconnaît aussitôt pour son originalité et qui place immédiatement le lecteur au cœur de l’action et du ton du roman :" Il y a deux heures, j'ai écrasé mon ex-femme en reculant avec mon 4 x 4. J'ai toujours été d'un naturel assez maladroit. "

La maladresse n’est d’ailleurs pas le seul défaut de cet antihéros qu’est Vincent Verdun : faible, lâche, complexé par sa petite taille, il est surtout un homme parmi d’autres, qui a trouvé sa place dans la société avec sa réussite professionnelle, son mariage raté et son divorce réussi. Directeur d’un institut de langues, père de deux enfants quasiment adultes avec lesquels il a du mal à communiquer, il prend tous les dimanches soirs l’apéritif chez son ex-femme. Sa vie sans histoire est bouleversée le jour où, à l’issue d’un de ces traditionnels dimanches soirs, il renverse son ex-femme et son nouveau compagnon avec son 4x4 rutilant. Placé en garde à vue il clame son innocence et plaide l’accident alors que certains témoignages l’accusent.

Les chapitres enchaînent plongée dans le passé qui de tours en détours l’ont mené jusqu’à cette soirée fatidique et implications de l’affaire sur son existence actuelle, entre ses enfants qui le lâchent, sa belle famille qui le renie, son affaire qui sombre et la presse locale qui le harcèle. Lui qui a bien plus subi que choisi sa vie, aujourd’hui soutenu par ses seuls amis d’enfance, va-t-il parvenir à convaincre la justice de son innocence ?

Mais c’est vraiment le ton caustique choisi par l’auteur qui mène la danse. Avec une telle trame, ou pourrait aussi bien imaginer un roman dénonçant l’emprise de la justice capable de briser Monsieur tout le monde. Ou une sorte de BÛCHER DES VANITES à la française dénonçant la vacuité de nos ambitions sociales. On se retrouve en réalité face à l’analyse ironique des liens familiaux et des chemins empruntés pour trouver sa place au soleil. Vincent Verdun n’est pas franchement sympathique ni intéressant et encore moins exceptionnel. Il est juste humain, et à ce titre un peu pitoyable, mais somme toute lucide sur ses limites et ses compétences. La façade de l’homme qui a réussi dissimule ses faiblesses tout comme les maisons bourgeoises et bien tenues cachent leur lot de noirceur et de conflits.


Le style de Valérie Saubade ne s’embarrasse pas de fioritures. Ecrit à la première personne, ce roman est constitué de phrases assez courtes, qui vont droit à l’essentiel et aiguisent le mordant de l’histoire. Jusqu’à atteindre la fin avec une ultime pirouette, cerise acide sur le gâteau.




MARCHE ARRIERE (2009), Editions Anne Carrière (+ édition de poche), 256 pages

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