Après donc un premier album encourageant, très prometteur, Uriah-Heep remet rapidement le couvert. Dès le début de l'année suivante, en 1971, un nouvel album débarque (enregistré en octobre et novembre 1970), et fait déjà preuve d'une belle maturité. Alors, que précédemment, il semblait hésiter entre plusieurs genres, avec Salisbury il s'affirme avec un disque plus concret, donnant presque l'impression d'un concept album. Rappelons que, pour le précédent, certains titres avaient été initialement composés pour un quatuor. Ils avaient donc dû être adapté pour la recrue de dernière minute ; en l'occurrence Ken Hensley, claviériste, guitariste et chanteur. Ce dernier s'est dorénavant totalement intégré au groupe, et sa contribution est déjà prépondérante. Il commence même à s'imposer comme le pilier du groupe, à la place de Mick Box (le guitariste). Ainsi, excepté le titre d'ouverture, Hensley, participe à la composition de deux autres titres, et a écrit seul les trois autres pièces ; plus une réservée initialement au pressage Nord-Américain, et qui par la suite fut utilisée pour une face B d'un 45 tours.
Ken Hensley (ci-dessus) semble s'être si bien intégré, que le Heep donne foncièrement une impression d'équilibre, de maîtrise, oscillant harmonieusement entre Heavy-rock, ballades folk et Progressif, dans une sorte de progression logique, qui finit en apothéose avec « Salisbury ».
C'est que Uriah Heep n'a pas quitté la route, et des liens se sont soudés. La cohésion entre les musiciens est totale. Entre temps, c'est Keith Baker qui pris la place de batteur (il jouait auparavant avec Bakerloo, bon groupe de British-blues où officiait Clem Clempson)
Avec Salisbury, Uriah-Heep est sur la corde raide ; il prend des risques en étant parfois proche de tomber dans le grandiloquent avec des chœurs prégnants, le pompeux avec l'orchestration symphonique sur la chanson-titre, la ballade folk stéréotypée « baba-cool », mais à chaque fois, certainement grâce une sincère conviction, l'amour du travail bien fait, d'un certain perfectionnisme, Uriah-Heep s'en sort haut-la-main, avec les honneurs, magistralement.
L'album débute sur « Bird of Prey » qui a dû en surprendre plus d'un par sa rythmique soutenue tendance plus Metal (pour 71) que Hard-blues ou Heavy-rock,qui est coupée au bout de 20 secondes par des chœurs qui ont certainement marqués à jamais un certain Farrokh Bulsara. Le chant est un funambule évoluant entre un chant Gillanien moins virile et un chanteur Pop 60's maniéré. Avec un nombre innombrable d'autres chanteurs, cela aurait été un massacre, toutefois, David Byron, tel un magicien, s'en tire avec les honneurs. On peut dire, qu'il fallait oser. Les claviers sont en fond sonore, à peine perceptibles, c'est la guitare vorace de Mick Box qui accapare l'attention. La dernière mesure change de mouvement en ralentissant le tempo pour baigner dans un Hard-blues plus en phase avec son époque, faisant retomber l'agressivité.
de G à D : M. Box, K. Hensley, D. Byron, P. Newton et K. Baker |
Peut-être une stratégie pour mieux amener la pièce suivante : « The Park » (premier titre d'Hensley). Douce ballade folk épurée, feutrée, recueillement d'orgue Hammond d'église, arpège de guitare acoustique, et chant aérien de Byron qui démontre là, encore une fois, qu'il ne peut être cantonné dans la catégorie "gueulard de Rock lourd". Intermède jazzy avec fond sonore d'un parc d'enfant, orgue et guitare chorusant à l'unisson, sur une pseudo-improvisation.
« Time to Live » revient à la charge en remontant le son. Retour à l'électricité. Pour le coup, Box sort la Wah-wah entre ses riffs « coup-de-butoirs » en power-chords. L'orgue sature, la rythmique réussit, malgré sa simplicité évidente, à être efficace, tendue, et pourvue d'un certain lyrisme. La pression redescend à nouveau, brusquement, avec « Lady in Black ». Une ballade folk aux paroles poétiques et à l'air facilement mémorisable, chantée par Hensley, qui deviendra un classique du groupe, encore interprétée aujourd'hui sur scène (la chanson retrouva même une seconde jeunesse en ressortant en 45 t en 77, et bénéficiant d'un beau succès en Allemagne, où elle fut même utilisée en classe pour apprendre l'anglais). La première face s'achève sur ces notes « Summer of Love ».
La galette retournée, on retourne pratiquement à la case de départ avec le tonitruant « High Prietess » qui évolue dans une sphère identique à « Bird of Prey », si ce n'est que là les guitares sont prédominantes ; Hensley juxtapose riff rock'n'rollien, chorus à l'unisson, slide baveuse, à la Wah-wah nerveuse de Box. Sur cette furia de six-cordes, Byron surnage avec son chant théâtralo-progressivo-pop-rock (!).
Puis, la pièce maîtresse, « Salisbury », qui œuvre dans un Heavy-progressif assumé. Entrée grandiloquent au possible, incursion d'un orchestre symphonique (syndrome du Concerto for Orchestra de Jon Lord , ou/et le fameux "April" du Deep-Purple Mark I ?), montée en puissance de l'orgue. La pièce principalement instrumentale, se développe en plusieurs mouvements. Longue introduction de 3 minutes, Heavy-jazz-rock, B.O de films d'actions US, orchestre symphonique tantôt mâtiné de Wah-wah, tantôt agressé, chœurs lyriques, chant plaintif. Malgré une vague impression de tourner un peu en rond, cette longue pièce s'écoute néanmoins sans mal et clôture magistralement l'album.
On ne peut omettre l'importance de la production de Gerry Bron, (futur fondateur du label Bronze qui accueilli Manfrend Mann's Earth Band, Motörhead, Juicy Lucy, Colosseum, The Damned, Osibida, Paladin, Girlschool, Bronz, Hawkwind) qui confère à l'ensemble un bel équilibre en respectant tous les instruments, et donne à la fois un son Heavy tout et feutré.
L'édition remasterisée offre le faiblard « Simon the Bullet freak », qui étonnamment avait remplacé "Bird of Prey" sur le pressage US, et « Here I am », chanson nettement d'obédience progressive, assez soporifique jusqu'au break électrique des deux guitares qui ont ici puisé leur inspiration dans « Dazed & Confused » (de Led Zep). Les bonus suivants sont des enregistrements alternatifs des chansons de l'opus. Ce qui, en fait de compte n'apporte pas grand chose, sinon de nous empêcher de se replonger illico dans le monde du Salisbury originel.
- Bird of Prey - 4:14
- The Park - 5:44
- Time to Live - 4:03
- Lady in Black - 4:42
- High Prietess - 3:41
- Salisbury - 16:17
- Simon the Bullet Freak - 3:27
- Here I Am - 7:50
- Lady in Black - 3:33 (prise alternative non retenue)
- High Prietess - 3:38 (version 45 t.)
- Salisbury - 4:21 (théoriquement, une version 45 t. réservée aux USA mais jamais exploitée - ce que l'on comprend aisément car tronquée des 3/4 , elle n'est plus qu'un reflet flou de l'original)
- The Park - 5:18
- Time to Live - 4:18 (version remixée pour le marché US - 45 t.)
P.S.: Salisbury est le nom d'une plaine, située près de Stonehenge, qui servait de terrain d'entraînement à l'armée.
P.S. : C'est un char Chieftain qui est présenté au recto de la pochette, alors qu'initialement ce devait être un Gatefold, l'énorme char anglais de la 1ère guerre mondiale. Cette image, jugée trop sombre, (trop subversive), a été reléguée pour la pochette intérieure (la pochette du 33 t s'ouvrait en deux - ci-contre -). Pour le pressage US, en pleine mélasse du conflit du Viêt-Nam, on avait jugé bon d'éviter les engins de guerre. En remplacement, on a affublé "Salisbury" d'une pochette affligeante (une vague ébauche d'un croquis d'un dos de démon, ou quelque chose d'approchant).
super groupe. "salisbury" est un de mes péférés avec "return to fantasy". je les ai vu l'an dernier à l'olympia ou ils partageaient l'affiche avec "blue oyster cult". grande ambiance.
RépondreSupprimerchristian s
Je m'arrête au premier. Après, ça devient un peu grandiloquent.
RépondreSupprimerIl est certain que certaines compositions du Heep fassent preuve de grandiloquence. A ce titre, le titre "Salisbury" est un exemple approprié (ce qui ne signifie pas que cela soit mauvais pour autant...). Certainement due à l'influence d'Hensley. Comme bon nombre de ses confrères organistes, il peut pas s'empêcher de se fendre de quelques pièces que l'on pourrait peut être juger de prétentieuses. C'est le côte Progressif du groupe, qui est plus ou moins fort suivant les albums. Le suivant par exemple, "Look at Yourself", est nettement plus Hard. En fait, le Heep alterne entre le chaud et le froid au gré de ses humeurs, passant d'une simple structure "Rock'n'Roll" à quelque chose de plus (ou trop) complexe. Leur live par exemple, se clôture par un sauvage medley de classiques du Rock des 50's, histoire de rappeler d'où ils viennent.
RépondreSupprimerCe qui est intéressant avec ce groupe, c'est que chaque album à une couleur particulière, sans pour autant se démarquer totalement d'un certain "cachet Uriah-Heep" ; ce qui donne des avis (très) partagés quant à leurs meilleures réalisations.
du même avis que shuffle le premier est bon le reste un peu prise de tête
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