dimanche 26 décembre 2010

STEVE COLEMMAN & THE FIVE ELEMENTS "Harvesting Semblances and Affinities" par Freddiejazz








Steve Coleman, né en 1956 à Chicago.

Dans le jazz contemporain, Steve Coleman possède une voix vraiment singulière. Il est même devenu un musicien incontournable, autant par sa musique métissée que par sa personnalité et son histoire. Le saxophoniste a en outre un mérite: sa musique se situe toujours hors des sentiers battus, sans jamais être inaccessible. Après avoir fait ses classes aux côtés de Bunky Green et donné quelques prestations mémorables au sein du Thad Jones-Mel Lewis Orchestra, ce natif de Chicago s'est taillé en outre une réputation en devenant l'instigateur du mouvement M'Base... Il fera aussi un passage éclair au sein du quartette de Dave Holland, ce qui lui vaudra une plus grande reconnaissance auprès du public (cf. Extensions, paru chez ECM à la fin des années 80). Assez éloigné des musiciens de l'A.A.C.M., le jazz de Coleman ne se veut ni free, ni avant-gardiste. Son travail est toujours le fruit d'une recherche spirituelle, bien souvent conceptuelle mais toujours intuitive. Doté d'une technique impressionnante (au saxophone alto s'entend), notre artiste n'a cessé de s'orienter vers une musique puissamment marquée en termes rythmiques (claves, contre-temps, ruptures harmoniques, et une pulse inouïe), résolument tournée vers l'esprit tribal si cher aux Griots (sa façon d'insérer, lors de ses concerts, danse et textes poétique, voire sacrés, n'est pas un hasard). Dans ce disque paru chez Pi recordings (2010) - une première pour le saxophoniste -, et après un hiatus de trois ans, il retrouve les Five Elements, son groupe mythique. Si ses comparses sont des musiciens au dessus de tout soupçon (Jonathan Finlayson à la trompette, Tim Albright au trombone, Thomas Morgan à la contrebasse (le contrebassiste régulier de David Binney), Tyshawn Sorey et Marcus Gilmore à la batterie (le batteur du trio de Vijay Iyer), puis Ramon Garcia Perez aux percussions sur une plage), c'est néanmoins le choix de la chanteuse Jen Shyu qui pose problème ici... Le niveau instrumental est tellement élevé (écoutez "Attila 04"...) que l'on regrette presque la présence de celle-ci tant elle semble ne faire que de l’ornementation...


Jen Shyu.

Ainsi, à la première écoute de "Harvesting", j'avoue avoir été très agacé par la voix de cette chanteuse... Faut dire que c'est une constante chez Coleman, d'intégrer dans son groupe une ou plusieurs voix. Que l'on songe à Malik Mezzadri dans 64 Paths (Label Bleu, 2003). Ici, la voix de contralto et de soprano de Jen, même si elle ne donne pas dans le maniérisme, enlève malheureusement tout relief à l'ensemble, ce qui n'arrange rien... Enfin, cela n’est que mon point de vue. Bref, l'on pourrait s'interroger sur ce choix dans un contexte aussi passionnant… Mais au fil des écoutes, force est de constater que l'essentiel n'est pas là et que l'on finit par s'habituer à ces onomatopées... On pourra trouver aussi une explication dans les notes de pochette. En effet, Coleman se dit inspiré par l'oeuvre du philosophe mystique Ramon Llull (1235-1315).


Les Five Elements, qui sur la photo ne sont que trois... Avec Jen Shyu et Steve Coleman en partant de la gauche.

On l'aura compris, "Harvesting Semblances and Affinities" est avant tout une oeuvre conceptuelle. Elle est surtout hallucinatoire en termes de trouvailles polyrythmiques. Le tandem composé de Thomas Morgan et de Tyshawn Sorey est d'une puissance sans équivalent (Beba, Attila 04). Marcus Gilmore, le neveu de Roy Haynes s'en donne lui aussi à coeur joie et sans faux semblant sur le seul titre où il intervient (Flos Ut Rosa Floruit). Bref, si l'on oublie la chanteuse, il s'agit d'un quintette composé de gros bras : outre Steve Coleman au sax alto, toujours inspiré, Finlayson à la trompette brillant comme d'habitude, Albright au trombone (ce dernier étant pour moi la révélation de cet enregistrement, écoutez son solo sur Clouds), et enfin, cette rythmique superlative, voire monstrueuse, l'ensemble est finalement très orchestral et possède une cohérence que l’on ne saurait nier... Le quintette deviendra sextette sur Flos, et même septette si l'on considère la présence de Jen Shyu. Pour le reste, que dire ? Que nous sommes au coeur d'une musique bien vivante, qui gagne en maturité au fil des écoutes... Dans la discographie de Steve Coleman, "Harvesting, Semblances and Affinities" est peut-être son disque le plus difficile, et paradoxalement le plus superficiel (si l'on s'en tient à une seule écoute...). Au final, un album que l'on aurait tort de bouder…



Steve Coleman and Five Elements « Harvesting Semblances and Affinities » chez Pi Recordings
1. Attila 02 8:33
2. Beba 5:43
3. Clouds 7:26
4. Middle of Water 14:05
5. Flos Ut Rosa Floruit 6:49
6. Attila 04 3:33
7. Vernal Equinox 6:42

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