Sur le papier, ce film ne serait qu’une aimable comédie romantique de plus, s’il n’y avait cette petite touche de folie. Et un ton. Un ton bien particulier, assez rare dans le cinéma français. Cette manière très légère et parler de choses graves, et oser le terrain politique, social, comme savent le faire les Anglais.
Au premier plan, Jacques Boudet et Zinedine Souamem, aux prises avec une cafetière récalcitrante.
LE NOM DE GENS commence par tracer l’itinéraire des parents des deux protagonistes. Premières séquences extrêmement drôles, avec un principe narratif original et astucieux : chaque génération d’un même personnage peut se croiser au sein d’une même scène. Ainsi Arthur adolescent reviendra régulièrement commenter les choix de vie d’Arthur adulte ! Il y a d’abord Arthur Martin, donc, joué par Jacques Gamblin, qui nous raconte d’où il vient, sa mère née Coen, rebaptisée Martin par sa famille d’accueil, et évitant ainsi la déportation. Il y a la rencontre de la mère et du futur papa, dont Arthur nous dit : « je n’ai jamais pu imaginer mon père jeune ». C’est ainsi que le rôle du père, à tous les âges, sera joué par le même comédien, l’excellent Jacques Boudet, qui a 70 balais ! La famille Martin se passionne pour toutes les nouveautés technologiques (premier magnétoscope Bétamax, première yaourtière, première zapette de télé…) rejetant dans les discussions tout ce qui se rapporte au passé, la guerre, leurs origines juives. Il y a aussi Bahia Benhmamoud, interprétée par Sara Forestier, la seule à porter ce nom en France, dont le père algérien émigré en France, rencontre une gauchiste tiers-mondiste féministe anti-nucléaire. Bahia est très impliquée dans la vie politique, couchant avec tous les hommes de droite pour en faire des hommes de gauche ! Dans sa famille aussi il y a quelques non-dits, des secrets, des sujets qui fâchent. Arthur et Bahia vont se rencontrer, lui sera d’abord séduit par cette tornade pleine de vie qu’est Bahia, elle, séduit par le concept d’une relation entre une arabe et un juif !
Parmi les dadas de Bahia : sauver les animaux. Mais pour trente euros, faut-il acheter (et remettre en liberté) dix crabes ou deux homards ???
Parmi les dadas de Bahia : sauver les animaux. Mais pour trente euros, faut-il acheter (et remettre en liberté) dix crabes ou deux homards ???
Il y a dans ce film tous les ingrédients d’une bonne comédie. Un rythme est constant, soutenu, tant dans les dialogues (les réparties font mouche à chaque fois) le jeu des comédiens, que dans la réalisation et le montage. Si la mise en scène est généralement classique (mais enlevée et tonique) Michel Leclerc s’autorise aussi des moments de folies-douces, des moments de poésie, comme ce travelling latéral qui passe d’un banc à un autre, Arthur et Bahia adultes étant assis sur le premier, Arthur et Bahia enfants, étant assis sur le second. Le film est très ancré dans une réalité sociale (rythmée par l’actualité politique du moment) mais sans jamais céder à la caricature. L’action se déroule à Bagnolet. Le scénario s’attache d’abord aux deux personnages principaux, puis à leur entourage, avant de voir comment tout ce joli monde peut vivre ensemble (la scène du repas réunissant les Martin et Bahia, puis les parents Benhmamoud est jubilatoire !). Et à travers cette série de portraits (chaque personnage est attachant, profond, mention au père de Bahia, joué par Zinedine Soualem) commence à poindre des thèmes plus profonds. Nos origines, notre culture, la diversité de la France, la notion de république, l’engagement, les tabous… les idées-recues. La question centrale du film pourrait être : voit-on les gens tel qu'ils sont, ou tel qu'on aimerait qu'ils soient ? Chaque personnage possède sa part de secret (le père de Bahia, peintre en bâtiment et artiste peintre), et renvoie une image qui n'est pas forcément la bonne. Pourquoi ce film n’est-il pas sorti un an plus tôt en plein débat sur l’identité nationale ?! De quoi clouer le bec de cet imbécile d’Eric Besson et de sa clique.
Le mariage blanc, spécialité de la famille Benhmamoud. Trois par an, minimum. C'est faire acte citoyen ! Vive l'intégration !
Le mariage blanc, spécialité de la famille Benhmamoud. Trois par an, minimum. C'est faire acte citoyen ! Vive l'intégration !
Comme toute bonne comédie qui se respecte, l’élément moteur, c’est le personnage féminin, et l'actrice chargée de l’interpréter. Sara Forestier est tout bonnement incroyable. Comme lui reproche Arthur dans une scène : « tu me fais du vent, trop de vent, j’n’en peux plus ! » (qui rappelle le fameux « j’ai besoin de changer d’atmosphère, et mon atmosphère, c’est toi » de Jouvet à Arletty !). Son entrain à convertir les hommes en gauchistes baba-cool est jubilatoire. Une nuit suffit pour un UMP ou un MEDEF, mais pour un FN, il en faut trois de plus ! Rien ne l’arrête dans sa quête de liberté absolue. Il y a cette scène hallucinante, dans un supermarché, où Bahia oublie ses courses (et Arthur à la caisse) pour repartir chez elle, prendre une douche, recevoir un coup de fil qui lui donne rendez-vous, partir à ce rendez-vous… en oubliant de s’habiller ! Et la voilà nue dans les rues de Paris et dans le métro, assise face un couple dont la femme est voilée jusqu’aux sourcils ! Sara Forestier fait feu de toutes parts, rappelle Catherine Deneuve dans LE SAUVAGE, ou Adjani dans TOUT FEU TOUT FLAMME. Beau potentiel comique. Jacques Gamblin est aussi impeccable (comme toujours), moins éruptif, plus posé, spécialiste de la grippe aviaire, et incarnant un des derniers jospinistes (!) ce qui nous vaut une apparition de l’ex premier ministre dans le film… A vrai dire, toute la distribution est juste, Michelle Moretti très touchante sur la fin, Jacques Boudet (vu chez Robert Guédiguian). Certains diront que ces deux familles sont, chacune dans leur genre, légèrement caricaturale, je répondrais que cette opposition, certes appuyée, n'est que le terreau sur lequel nait le rire. C'est le principe même de la comédie. Grossir un peu les traits, pour mieux faire voir les failles.
Michel Leclerc, dont LE NOM DES GENS n'est que le second long métrage, a réalisé un film léger, spirituel, vraiment drôle, loin des mimiques réchauffées de Kad Merad ou de ces comédies dites « d’action » qui totalisent trois malheureux gags entre deux festivals pyrotechniques. Une bouffée d’air frais, remarquablement écrite, riche en pistes de réflexion autant qu’en gags et reparties diverses, que je ne saurais trop vous conseiller.
Michel Leclerc, dont LE NOM DES GENS n'est que le second long métrage, a réalisé un film léger, spirituel, vraiment drôle, loin des mimiques réchauffées de Kad Merad ou de ces comédies dites « d’action » qui totalisent trois malheureux gags entre deux festivals pyrotechniques. Une bouffée d’air frais, remarquablement écrite, riche en pistes de réflexion autant qu’en gags et reparties diverses, que je ne saurais trop vous conseiller.
Je prend !
RépondreSupprimermoi aussi!! mais il est pas passé dans mon bled et là il n'y a à l'affiche que Harry Potter 18, Narmia 32, les chimpanzés de l'espace et l'apprenti père Noel..j'hésite..
RépondreSupprimerTiens, puisqu'on en parle... Pour ceux que ça intéresse, vu LES CHIMPANZES n°2. Autant le premier se laissait voir, autant le second est une calamité, qui n'a pas arraché trois sourires aux mômes... A fuir. A croire qu'ils ont fait un bout à bout avec les restes du premier épisode.
RépondreSupprimerJe vois qu'avec Rockin, on doit avoir le même distributeur.
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