samedi 18 décembre 2010

CHARLES LLOYD "MIRROR" (2010), par Freddie Jazz


L'ELEGANCE FEMININE DE CHARLES LLOYD




Charles Lloyd, au sax ténor.




Qu'est-ce qui fait que les disques de Charles Lloyd se vendent si bien, et que je me précipite à chaque fois, comme beaucoup d'autres mélomanes, je suppose, sur une nouvelle parution du saxophoniste? Peut-être bien parce que son jazz est très accessible, débordant le cercle des initiés et des amateurs avertis (?). En effet, il n'est pas besoin d'être fin connaisseur pour apprécier ce géant du saxophone ténor. Sa musique, à la fois sensuelle et lyrique est si proche du chant, si proche de la poésie, que de passer à côté serait une grossière erreur. Elle est l'élégance féminine même, cette musique-là, il suffit de regarder attentivement la pochette pour y découvrir non pas un photographe, mais une photographe. Et cette musique-là, elle se fout pas mal de la technique. D'ailleurs, Charles Lloyd n'a jamais été un très grand technicien. Et alors, me direz-vous? Oui, peu importe. Parce que la musique de Lloyd, c'est avant tout un style. Un peu à la manière de Stan Getz ou de Lester Young, à qui l'on songe parfois. Et puis ne représente-t-il pas aussi l'héritage coltranien par excellence (entendez par là, le John Coltrane de l'admirable et insurpassable CRESCENT ?



Reuben Rogers à la contrebasse.


MIRROR est donc le dernier disque de Lloyd paru chez ECM (2010), un disque sublime qui puise sans retenue dans les standards « I Fall In Love Too Easily », « Monk's Mood », « Ruby My Dear », le blues « Being and Becoming », et le folklore « Go Down Moses ». A mon avis, il s'agit d'un de ses disques les plus aboutis. Mais lequel ne l'est pas? Il faut avoir beaucoup d'assurance et d'humilité pour continuer à sortir des disques pareils, parce que, ici, la configuration archi rebattue du quartette tout acoustique présente plusieurs inconvénients, voire plusieurs risques: l'ennui et la redite. Or, rien de tel ici.



Eric Harland aux baguettes.


Avec Jason Moran au piano, Reuben Rogers à la contrebasse et Eric Harland à la batterie, le père Lloyd (soixante-douze ans cette année) s'est trouvé de vrais complices, à la mesure de son talent. Les quatre gaillards tournent ensemble depuis bientôt quatre ans. Et avant MIRROR, ils avaient sorti en disque un concert, RABO DE NUBE. D’ailleurs, l'interaction dans MIRROR me paraît plus profonde, semble plus couler de source, beaucoup plus que dans leur précédent opus…


Jason Moran au piano


Et croyez-moi, aujourd'hui, très peu de musiciens arrivent à un tel niveau de connivence combiné à autant de charme et à un niveau aussi élevé en terme de musicalité, sans que cela soit pour autant de la soupe et sans intérêt... Et si cette année nous devions décerner une palme aux meilleures productions en "quartette acoustique", elle irait sans aucun doute à ce MIRROR... Mais pas seulement, peut-être. Il serait même recommandé, si l'on a quelques affinités pour cette formule, de prêter une oreille au dernier disque d'Alexandra Grimal, ou encore à celui de Dániel Szabo (avec Chris Potter).

Charles Lloyd, au sax alto.

Certes, ces disques-là présentent une autre approche, un autre style (modal et très shortérien pour le premier, bop et contemporain pour le second), mais en aucun cas ne sont dénués d’intérêt. Pour revenir à MIRROR, l'on est donc charmé par tant de finesse, tant de poésie (le dernier thème, Tagi, est une vraie caresse), et même si quelques compositions, comme The Water Is Wide, peuvent agacer par ce côté "facile" et un peu "bavard", l'on ne manquera pas de réécouter avec toujours autant de plaisir ce disque qui est une petite perle. A ne pas manquer, vraiment.










1. I Fall In Love Too Easily 5:01
2. Go Down Moses 5:59
3. Desolation Sound 7:03
4. La Llorona 5:34
5. Caroline, No 4:02
6. Monk's Mood 5:01
7. Mirror 6:42
8. Ruby, My Dear 5:25
9. The Water Is Wide 7:20
10. Lift Every Voice And Sing 4:28
11. Being And Becoming, Road To Dakshineshwar With Sangeeta 7:02
12. Tagi 9:17

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