samedi 20 novembre 2010

ELIZABETH GEORGE " Sans l'ombre d'un témoin" (2005), par Elodie






Le duo d’enquêteurs est depuis toujours une valeur sûre. Sherlock Holmes et Watson, Mickael Blomkvist et Lisbeth Salander, Hercule Poirot et Hastings, Columbo et sa femme… Oui, bon pour celui-là c’est un peu tiré par les cheveux, mais justement, la femme invisible de l’inspecteur à l’imper froissé rajoute un peu de piquant et sert bien souvent de prétexte aux trouvailles de Columbo. Si le principe des duos fonctionne aussi bien c’est parce qu’il permet de rajouter facilement à l’intrigue un élément comique, ou au moins original, en affublant un héros intelligent et raisonnable d’un coéquipier qui ne fait pas franchement dans la finesse.
Toute la force des polars d’Elizabeth George repose justement sur le choix de son duo : le beau, riche, raffiné et very british inspecteur Linley, travaillant avec la moche, râleuse, impulsive mais néanmoins sympathique, Barbara Havers.


La romancière Elizabeth George.



Très téléphoné tout ça, surtout que le lord frôle la perfection, tandis que son adjointe issue du peuple conjugue physique ingrat et sale caractère. Pourtant l’équipe de choc de l’auteur américaine fonctionne sans accroc. A noter toutefois que la BBC a tiré une série des romans d’Elizabeth George, "Meurtres à l’anglaise", et que si j’en crois les photos des acteurs principaux (jamais visionné la série) le casting a largement (un peu trop : il est passé où le bel inspecteur ????) gommé les différences abyssales entre les deux héros.


Le succès des romans vient sans doute aussi de ce que l’auteur ne s’est pas contenté de son binôme de flics. Cette Américaine née en 1959 s’est fait connaître avec Enquête dans le brouillard, qui mettait déjà en scène ses deux héros anglais, et qui lui a valu plusieurs prix prestigieux. La plupart de ses autres livres se déroulent également en Angleterre. Elle mélange donc sans complexe les ficelles du polar américain - meurtres en série, ambiance sombre tirant parfois carrément sur le glauque, rythme rapide et rupture dans la continuité du récit pour mieux tenir le lecteur en haleine - avec l’ambiance toute britannique des intrigues, des lieux et des personnages. Comme dans les classiques anglais du genre, elle excelle également dans les études psychologiques.


Il ne faut sans doute pas les lire tous à la suite, pour éviter la lassitude. Et c’est sans doute la raison pour laquelle je n’en avais plus ouvert depuis plusieurs années, depuis la sortie en poche de "Un nid de mensonges", l’épisode précédent celui-ci. Mais une fois l’envie retrouvée on se replonge dans cet univers avec facilité et un réel plaisir.


Dans cet opus, c’est la piste d’un tueur en série qui s’attaque à des jeunes délinquants que les deux flics vont devoir suivre. Elizabeth George nous plonge ainsi dans un univers très réaliste, une peinture sociale autour d’associations de réinsertion. La plupart des jeunes victimes étant noires ou métisses, New Scotland Yard doit aussi faire face à l’accusation de racisme institutionnel. Les supérieurs hiérarchiques de notre duo se retrouvent donc sur les dents et leur mettent une pression toute politique. L’enquête elle-même est pimentée par la présence agaçante d’un profiler et l’intrusion exaspérante d’un journaliste de la presse à scandale. Bien sûr, ouvrir un livre d’Elizabeth George, c’est aussi retrouver des familiers, les deux héros mais aussi leur entourage : les voisins pakistanais de Havers, la femme de Linley, et ses proches amis, Simon et Deborah Saint-James.

Nathaniel Parker et Sharon Small, acteurs de la série britannique "Meurtres à l'anglaise" tirée des romans d'Elizabeth George, créée en 2002.


Au final, cet épisode des enquêtes de Linley et Havers est très réussi, et les 900 et quelques pages que compte l’édition de poche s’avalent sans une seconde d’ennui. L’intrigue va de rebondissements en rebondissements, l’aspect sociologique de la prise en charge des jeunes délinquants apporte un intérêt complémentaire et comme il se doit, les dernières pages se dévorent dans un climat de très haute tension. Petit bonus, une surprise finale est réservée aux fans du duo Linley-Havers qui ne vont pas pouvoir s’empêcher d’ouvrir le roman qui fait suite à celui-ci. Ma pile de livres à lire va encore prendre quelques centimètres….






SANS L’OMBRE D’UN TEMOIN (2005), aux Presses de la cité, 597 pages (+ édition de poche)

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