samedi 6 novembre 2010

JONATHAN COE - "Bienvenue au club" (2001), par Elodie



Il y a des livres qu’on envie d’offrir à tous les gens qu’on connaît, quitte à prêter son précieux exemplaire et ne jamais le voir revenir. Il y en a qu’on referme avec un mélange de jubilation et de tristesse à l’idée que ce soit déjà fini. Il y en a aussi qui donnent envie de se plonger dans une époque, de revoir des films cultes et de se repasser certains albums en boucle. BIENVENUE AU CLUB est un peu tout ça à la fois.

Et le pire, c’est que cela n’est même pas surprenant, pour quiconque s’est déjà frotté à Jonathan Coe (photo ci-contre). Né en 1961, il s’est fait connaître en France avec l’excellent TESTAMENT A L’ANGLAISE, satire mordante de la société anglaise des années thatchériennes. Il a aussi écrit LA MAISON DU SOMMEIL, pour lequel il a reçu le prix Médicis étranger et plus récemment, dans un style cette fois plus nostalgique qu’acide, le très beau LA PLUIE AVANT QU’ELLE TOMBE.


L’histoire de BIENVENUE AU CLUB, est d’abord celle de Benjamin et de ses copains, élèves au lycée de Birmingham, dans le milieu des années 70. C’est une plongée directe au cœur des tourments de l’adolescence et de son cortège d’amours débutantes, d’ambitions plus ou moins réalistes, d’amitiés chaotiques. C’est l’âge où l’on peut à la fois monter un journal, tomber amoureux sans savoir aborder les filles, vivre des moments de honte suprême et de joies intenses, créer un groupe de rock, et rêver d’intégrer le club du lycée.


Et puis BIENVENUE AU CLUB s’attache également à l’histoire des parents de nos jeunes héros, entre crise de la quarantaine, couacs professionnels et angoisses face à un monde qui ne tourne plus rond. C’est une foule de personnages qui se croisent dans le roman, tous liés les uns aux autres par des fils plus ou moins ténus. Mais tous évoluent dans un monde en changement et traversent les événements sociaux et politiques avec plus ou moins de réussite.


Les faubourgs de Birmingham



C’est justement cette période charnière, celle de l’Angleterre des années 70 dans laquelle Jonathan Coe nous emporte avec brio. Une époque encore toute proche mais presque oubliée, juste avant l’arrivée au pouvoir de Thatcher, entre conflits sociaux (oui, oui, en Angleterre aussi, les grèves ont eu leur heure de gloire !), attentats de l’IRA et montée de l’extrême droite, alors que la musique était elle aussi en train de passer du rock psychédélique au punk. L’une des forces de Jonathan Coe est d’ailleurs de nous faire entendre son roman, un peu comme s’il avait pu lui coller une BO. Il connaît son sujet sur le bout des doigts (et des oreilles !), et on vit avec lui ces années 70 là, celles post « Flower power », entre désillusion type « No future » et balbutiements de l’ultralibéralisme.


Côté théorique, c’est donc un livre passionnant : une plongée dans une époque un peu effacée de la mémoire collective, la retranscription d’un moment de l’Histoire, et des personnages qui expriment chacun une facette de cette société. Côté réalité c’est encore mieux parce que tous ces personnages sont souvent très attachants et toujours très bien vus et que des rebondissements fréquents gardent intacte notre attention. Le tout est parfaitement servi par le style de Jonathan Coe, sa capacité à nous tenir sans jamais perdre le rythme, sa maîtrise de techniques d’écritures variées (articles de journaux, narration, lettres) et puis cet humour parfois très noir, souvent décalé, en résumé so british, ce talent incomparable pour décrire le ridicule d’une situation et pointer le grotesque qui réside en chacun de nous.
Ce roman comporte une suite, LE CERCLE FERME.

PS : Jonathan Coe, qui s’intéresse aussi au cinéma, est l’auteur d’une remarquable bio : « James Stewart, une biographie de l’Amérique ». Il a aussi écrit sur Humphrey Bogart.



BIENVENUE AU CLUB (2003 pour la traduction française, 2001 pour la parution en Grande-Bretagne), chez Gallimard, 259 pages.

3 commentaires:

  1. Shuffle Master6/11/10 19:52

    Shuffle master donne quitus à ce commentaire. Comme le site est fréquenté par des fondus de musique, je confirme l'analyse BO. Premières pages du roman; on mentionne Barclay James Harvest (groupe honni, s'il en est)dans une discussion.

    RépondreSupprimer
  2. Ce quitus pas nous rend plus fort...
    (Johnny Hallyday, philosophe suisse)..

    RépondreSupprimer
  3. Shuffle Master9/11/10 10:58

    Quel siècle? Quelle école?

    RépondreSupprimer