A en juger par le sourire ravi des jeunes groupies qui l’accompagnent sur les photos de pochette, Jerry Lee, 75 ans, a toujours de "grosses boules de feu" (1)… Et l’écoute du disque vient confirmer cette impression, le vétéran est bien vert , à croire que le rock’n’roll – quand il ne vous tue pas à 27 ans – ça conserve (2). On retrouve en effet l’attaque caractéristique de Jerry Lee au piano, et quand je dis attaque c’est le mot qui convient, quant à la voix, certes moins puissante que par le passé, mais patinée et burinée par les ans, elle en impose et impose le respect, d’ailleurs je lui trouve un air de ressemblance avec celle d’un autre géant, Johnny Cash, vers la fin de sa vie.
(NDLR 1 –Rockin' fait ici une allusion subtile à "Greats Balls Of Fire", au titre ambigu, meme si Jerry Lee a toujours prétendu qu’il parlait de boules de coton dans l’incendie d’une plantation, mon œil oui, allez entre nous Jerry Lee, avoue...) 2 -27 ans , l’âge final pour Joplin , Morrison, Hendrix et quelques autres rock stars)
Je ne m'étendrai pas trop sur la vie et l’œuvre de Jerry Lee Lewis, l’un des derniers pionniers du rock encore en vie, avec Chuck Berry (84 ans) et Little Richard (78 ans), mes plus jeunes lecteurs trouveront aisément sur le net tout sur le pianiste fou , véritable « piano-heroe » du rock, capable de jouer debout sur son piano ou d’y mettre le feu ; de ses débuts chez Sun avec les Elvis, Cash , Orbison , Perkins ,à ses déboires trés "rock'n' roll life" (mœurs, drogue, alcool...), sa mise au banc, puis son retour en grâce dans les années 70, avec des disques plutôt country jusqu’à son dernier come back rock'n' roll revival avec "Last Man Standing" (2006) .
Mais revenons en à cet " Mean Old Man ", suite de "Last Man Standing " justement , où Jerry Lee continue de passer en revue les héros des planètes rock et country , à raison d’un invité de prestige par titre. Reprises de standards, rock’n’roll endiablés ou ballades mi tempos, rien à jeter dans ces 18 titres (version deluxe, 11 sur la version simple).
L’ensemble aurait pu manquer d’unité vu le defilé de stars, mais il n’en est rien, sans doute grâce au socle que fonde le groupe (Rick Rosas bass et Jim Keltner drums, et son vieux complice Ken Lovelace à la guitare) et au charisme de Jerry Lee qui prend le chant et le piano of course sur tous les titres, partageant parfois les vocaux avec ses invités.
Allez, c’est parti pour les 18 titres !
1-Mean old man" – signé Kris Kristofferson, entre blues et folk, un titre puissant qui sonne très Johnny Cash, un des meilleurs du disque, Ron Wood à la guitare. Jerry qui la joue homme ordinaire: “ I look like a mean old man , that’s what I am (..) If I look like a good old friend that’s what I am (..) if I look like your uncle Bob that’s what I am.”
2-"Rocking my life away" – Enregistré en 1979 par JLL sur son premier album pour Elektra. Un petit air du "7 nights to rock" de Moon Mullican ou du Bill Haley de "Rock around the clock" , un délice de Rock’n’roll old school et un des titres fétiches de JLL. Sur cette nouvelle version Jerry Lee brille au chant tout en s’enervant sur son piano, Slash se fend d’un bon solo de guitare et Kid Rock chante un couplet.
3-"Dead flowers" – formidable version de ce titre des Stones (sur Sticky fingers) avec Jagger lui même au chant, pas vraiment le genre de trucs chantés d’ordinaire par JLL mais il montre là qu’il peut chanter sur tous styles de musique ; pas loin du " Evening gown " reprit sur "Last man standing" (Jagger, album " Wandering spirit "). Jerry Lee qui reprend les Stones qui ont reprit les pionniers du rock et du blues, la boucle est bouclée…
4-"Middle age crazy" –un hit country de JLL (album " Country memories "1977) , Ron Wood à la guitare, et Tim McGraw qui partage le chant avec Jerry Lee, belle ballade.
5-"You can have her" – Clapton lui même à la guitare et qui partage le chant sur cette pièce du répertoire de Roy Hamilton, un rock'n'roll bluesy enlevé et solo efficace de "Dieu".
6-"You are my sunshine" – Une bonne surprise et un des titres phares de l’album, Jerry en avait fait une version country à l’epoque Sun, une version blues en live et là il délivre une version country/pop joyeuse ; Sherryl Crow au chant et un harmonica discret.Ce titre est un standard signé C Mitchell & Jimmy Davies , enregistré d’innombrables fois depuis 1939, entre autres par Gene Autry, Bill Haley, Cash, Dylan, Aretha, Ray..
7-"I'll hold you in my heart" – un vieux titre de Eddy Arnold encore entre blues et country, style ou JLL apparait trés à l’aise ; une version différente de l’originale ou de la reprise de Presley, fin jeu de piano et pedal steel.
8-"Swinging doors" – Un titre de Merle Haggard, légende country, que Merle et Jerry Lee chantent ensemble, titre déjà gravé par JLL dans les 70’s. Joli toucher de piano de Jerry Lee dans cette superbe ballade et un Merle qui en sifflote de plaisir.
9-"Roll over Beethoven" – Je ne vous ferai pas l’injure de vous dire de qui est ce titre, si vous lisez le Deblocnot vous devez le savoir, sinon cours de rattrapage obligatoire avec le professeur Luc B (60 euros de l'heure, gratuit pour les filles si tdp de plus de 95c). Avec Ringo Starr aux drums et John Mayer à la gratte. Ringo qui l’a déjà bien sur reprit avec son groupe (même remarque que pour l’auteur du titre..) et Jerry aussi ,en 1965 (in the "The return of rock") . Demonstration de piano boogie woogie, du pur JLL.
10-"Sweet Virginia" – Re les Stones, sur "Exile on main street" cette fois; et aprés Mick, voici sa moitié Keith Richards, chant et guitare. Très beau titre, dans l’esprit du "Dead Flowers" vu plus haut
11-"Railway to heaven" – meme si cette chanson, standard du bluegrass et du gospel a souvent été interprétée par JLL sur scene, ce doit etre la premiere fois qu’il la grave ; partageant le chant avec le regretté Solomon Burke .
12-"Bad moon rising" – Un des succés de Creedence Clearwater Revival bien sur, que JLL a déja enregistré en 1973, album “London Sessions” (1973). Belle version avec Fogerty lui-même, chant et guitare. Un titre peut etre inspiré à Fogerty par le " Blue moon of Kentucky" de Bill Monroe..
13-"Release me" – un standard country d’Eddie Miller maintes fois reprit et déjà gravé par JLL dans les 50’s avant qu’elle ne soit un hit. Jerry avait perçu le potentiel de ce titre, mais il fut popularisé par d’autres, Dolly Parton notamment
14-"Whiskey river" – grand titre fun et enlevé, un de mes préférés, avec Willie Nelson et JLL qui s’y entendent comme larrons en foire, soutenus par l’harmonica de Mickey Raphael, excellent, comme à toutes ses interventions sur cet album.
15-"I really don't want to know" – Un titre rendu celebre par Eddy Arnold dans les 50’s, mid tempo entre blues et country, le titre le plus calme de l'album.
16-"Sunday morning coming down" – titre immortalisé par Kris Kristofferson son auteur et Johnny Cash; belle version aussi, chantée par JLL à la manière du Johnny Cash d’"American Recordings". Emouvant ; sans doute un hommage à l’homme en noir.
17-"Will the circle be unbroken" – Un standard gospel et bluegrass signé de la Carter Family, JLL en fit une grande version pour Sun dans ses jeunes années. Chantée ici de façon très bluesy, gospel meme avec l’intervention de la grande Mavis Staples, qu'on voit un peu partout en ce moment (elle vient de sortir son album "You are not alone" ; et un titre sur l'album de Charlie Musselwhite dont je vous parlais il y a peu)
18-"Miss the Mississippi and you" – un titre de Bill Haley que Jimmie Rodgers enregistra aussi, de meme que JLL ; ici Jerry Lee la chante et joue seul avec son piano, le seul titre en solo de l’album pour le clôturer.
Conclusion, un bel album, qu’on prend plaisir à écouter, aux climats variés entre rocks et ballades country, un Jerry Lee en forme et des invités heureux d’être là, ressortent pour moi "Mean old man ", les 2 titres de Stones, "You are my sunshine "et "Whiskey river". Ceux qui s’attendent à un festival de boogies endiablés seront peut etre déçus ; les autres apprécieront de pouvoir écouter cette légende vivante tout en gardant à l’esprit qu’elle a 75 ans quand même et que beaucoup à cet age là font des Lotos et non plus des disques de rock' n' roll…
"Swinging doors" de et avec Merle Haggard
Une belle nature ce JLL; il doit lui manquer on ne sait plus combien d'organes, en tout ou partie, et toujours debout. Quand on fait le tri des proto-rockers, c'est lui qui passe le mieux l'épreuve des ans. P..., il est cher le professeur Luc.
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