mercredi 22 décembre 2010

The BLIND BOYS Of ALABAMA "Go tell it on the mountain" (2003) par Bruno


Gospel for Xmas

On peut dire qu'aux USA, faire un disque réservé aux chants de Noël, c'est une tradition. Et ainsi, toutes une flopée d'artistes divers ont succombé. Succombé à quoi ? La pression du management, du label d'édition, de l'attente du public (?), la facilité, ou un réel désir ? Bah, finalement, le résultat est généralement le même : cela sonne faux, suranné, ampoulé. Un avis peut-être pas totalement objectif, ou plutôt faisant certainement suite à un exemple français quelque peu traumatisant. Dans le genre, dans l'hexagone, seul Les Compagnons de la Chanson, malgré une orchestration souvent sirupeuse à souhait, faisaient bonne figure (même la grande Céline à repris une de leur chanson, "Noël Blanc"). Sinon, il y avait Nana Mouskouri (une vraie chanteuse) qui chantait « Noël Grec » et « L'enfant au tambour », mais déjà là, cette dernière était tirée d'une chanson traditionnelle américaine, « Little Drummer Boy ». Plutôt maigre, le reste s'adressant aux enfants en bas âge (ou aux lobomotisés).

Chez les anglo-saxons, c'est tout de même un peu plus réjouissant. Certes, aux USA, l'influence du Gospel, musique religieuse par excellence, et déjà fort d'un répertoire large, conséquent, et, de qualité, facilite la chose. Mais, également, chez les anglo-saxons, il y a longtemps que le Rock, la Soul, le Blues, et leurs satellites, sont totalement reconnus par les médias, et c'est sans complexe que divers groupes, ou artistes, ont, un jour, fait leur disque de chansons de Noël. Ces derniers comportant généralement des chansons traditionnelles, des reprises, comme quelques unes personnelles (pas toujours). Et c'est ainsi, que l'on retrouve « Christmas in the Heart » de Dylan, « Christmas comes alive » du Brian Setzer Orchestra, « Christmas times again » de Lynyrd Skynyrd, « Santa Mental » de Lukather, « Merry Xmas II » (sic !) de Mariah Carey (aïe !), « And Winter came » d'Enya (ouïlle !), « A new thought for » de Melissa Etheridge, « Winter Carols » de Blackmore Night's, « The Jethro Tull Christmas Album », un Canned Heat également (!), « Reign in Blood » de Slayer, Presley, « A twisted Xmas » des Twisted Sister, "Santa Claus is coming to town" d'un certain Truce Sprinfield (je crois), et encore tout récemment un « A Christmas Cornucopia » d'Annie Lennox. Sans compter la profusion d'innombrables versions enregistrées à l'occasion, à droite et à gauche.


Là-dedans, il y a « Go tell on the Mountain » des Blind Boys of Alabama. Un album consacré aux chansons de Noël, ou à connotation. Pas leur meilleur disque, rien d'extraordinaire ni de sensationnel, ni d'innovant. Juste un disque sympathique de Gospel à la sauce Soul-blues, offrant le plaisir d'écouter les voix chaleureuses de Clarence Fountain, Jimmy Carter, et George Scott. Le plaisir également de retrouver en invités, Solomon Burke, Chrissie Hynde (chanteuse des Pretenders), Mavis Stapple, Aaron Neville, Robert Randolph, et d'autres. Avec Duke Robillard à la guitare (qui n'a jamais été aussi discret) et Danny Thompson à la basse.

Les Blind Boys of Alabama sont un groupe de Gospel, dont les débuts remontent à 1939. C'était dans une institut d'Alabama, où des aveugles s'étaient réunis pour chanter le Gospel. Rien de professionnel, jusqu'à ce qu'ils finissent par enregistrer un disque, "I can see everybody's mother but mine", en 1948. Ils ont enregistré des dizaines de disques, fait des centaines de petits concerts sans jamais vraiment connaître le succès. Certaines années furent très dures. La signature sur le label de Peter Gabriel, Real World, changeant la donne. Leur 1er disque sur ce label, "Spirit of Century", remporta un Grammy Awards. Par la suite, ils en gagneront 5 autres (notamment pour "Go Tell it on the Mountain"). La dynamique du label Real World, la qualité des enregistrements, leur fraîcheur éternelle, leur énergie communicative, permirent aux Blind Boys d'enfin connaître une très large reconnaissance. Leur Gospel, initialement très pur, s'est progressivement enrichi de Soul, de Jazz, de Rythm'n'Blues, de Blues, et plus récemment de Rock (pas trop quand même). Allant jusqu'à reprendre, à leur manière, des classiques de la musique populaire (même du Rolling Stones - "Just wanna see his face"). Ben Harper, d'abord invité sur "Higher Ground", enregistra un disque avec eux, l'excellent "There will be a light" de 2004. Puis les entraîna avec lui pour une tournée américaine. Bel engouement des foules, concrétisé par le "live at the Apollo". La notoriété établie de Ben Harper permit aux Blind Boys de toucher (enfin) un vaste public. Bel revanche pour ces galériens au très long cours.

George Scott (1er à gauche), Clarence Fountain (portant le trophé), et Jimmy Carter (2ème en partant de la droite. Le noyau dur, les rescapés des fondateurs.


"Got Tell It On The Mountain" est donc leur album ciblé "Little Big Red Santa Claus". Certainement, leur réalisation la moins personnelle sur Real World, la moins forte. La présence de certains invités n'étant pas toujours un avantage... Néanmoins, malgré, hélas, quelques loupés, comme la déception occasionnée par ce "Little Drummer Boy" apathique, ainsi que le pénible "Oh come all ye faithful", cet album contient de bons moments.

Les temps forts ? Le titre d'ouverture, "Last Month of the Year", un pur Gospel débutant a capella, vite rattrapé par une batterie swingante, un Hammond et une contrebasse. On se croirait revenu au temps des messes mythiques de Harlem. Forcément, "I pray on Xmas", Gospel remuant, car enrichi de la présence de Solomon Burke. Une version torride de « Born in Bethlehem » avec une Mavis Staple en pleine possession de ses moyens. Aaah... Mavis, quelle voix magnifique. Une voix capable d'illuminer n'importe quel titre, pour un peu que l'on ne la bride pas. Le Gospel bastringue aux senteurs moites de la Nouvelle-Orléans avec un Tom Waits plus guttural que jamais, sur la chanson éponyme. Un « In the Bleak mindwinter » intimiste, qui incite au recueillement, avec la voix mielleuse et charmeuse de Chrissie Hynde. "Away in a Manger" en Gospel-blues, avec un George Clinton désinvolte, et la pedal-steel démente et terriblement expressive, nourrie de wah-wah gourmande, de Robert Randolph (lui et sa family, avaient fait des merveilles sur "Higher Ground"). Voir le Gospel jazzy, soft, un peu court, avec Shelby Lynne (chanteuse de country mainstream).

  1. Last month of the year
  2. I pray on Christmas - feat. Solomon Burke
  3. Go tell it on the mountain - feat. Tom Waits
  4. Little Drummer Boy - feat. Michael Franti
  5. In the bleak Medwinter - feat. Chrissie Hynde avec Richard Thompson
  6. Joy to the World - feat. Aaron Neville
  7. Born to the Bethlehem - feat. Mavis Staples
  8. The Christmas Song - feat. Shelby Lynne
  9. Away in a Manger - feat. George Clinton avec Robert Randolph
  10. Oh come all ye Faithful - feat. Me'Shell NdegéOcello
  11. White Christmas - feat. Les McCann
  12. Silent Night

A ce jour, des fondateurs, il n'y a plus que Jimmy Carter. Clarence Fountain, pour des raisons de santé, a dû, en 2006, arrêter les tournées. George Scott est décédé le 9 mars 2005.








"last month of the year"

5 commentaires:

  1. SoulSister22/12/10 13:02

    Superbe papier (même si c'est virtuel). Je voudrais juste apporter deux petites rectifications : la notoriété des Blind Boys est bien plus ancienne que vous ne le dites: il y a presque vingt ans que je les suis, et les personnes qui comme moi s'intéressent au Gospel les suivent depuis bien longtemps.
    D'autre part "Noël blanc", dont vous attribuez la paternité aux Compagnons de la chanson, est en réalité un traditionnel américain appelé bien sûr White Christmas, qui daterait du 18ème siècle. Il a été repris par beaucoup de chanteurs à travers le monde, avec des textes plus ou moins éloignés de celui d'origine.
    Quant à Mavis Staples, je vous rejoins à 100% : c'est la plus grande des dernières reines vivantes du Gospel.

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  2. Soul Sister... comme Soul Sister de là où on sait ??? Bienvenue par chez nous !

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  3. On parle soul et gospel, Soul Sister est donc dans les parages! Bon Noël à toi et au plaisir de te lire dans ces pages.
    ? peut on faire le parallele entre ces Blind Boys et le Golden Gate Quartet? au niveau de la longevité dèjà?

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  4. Ha ! SoulSister ! Heureux de vous lire, et Joyeux Noël.
    Effectivement, "Noël Blanc" n'est pas des Compagnons d'la Chanson (mea culpa), cependant je ne suis pas sûr que son origine soit vraiment américaine (je mène l'enquête).
    Oui, la notoriété des BBOA remonte à plus de 10 ans (heureusement pour eux), seulement, il me semble, que c'est bien grâce au label Real World, qu'ils ont enfin pu atteindre un niveau de renommé amplement mérité, notamment par une diffusion plus étendue (européenne).

    J'avoue, pour ma part, ne les connaître que depuis... une dizaine d'année, et un conseil sur un, ou plusieurs, disques antérieurs serait bienvenu.

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  5. Le Golden Gate Quartet me semble, du moins d'après ce que je connais (soit les opus des 60's), plus "grand public". C'est relatif évidemment. Alors que les Blind Boys Of Alabama sont plus aventureux en incorporant avec justesse, du Blues, du Rythm'n'Blues et du Rock dans le Gospel. De plus, il y a de nombreux musiciens qui viennent participer à leurs interprétations. Hélas, pas nécessairement avec bonheur, comme ici avec Michael Franti.

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