jeudi 23 décembre 2010

LE MAGICIEN D'OZ (1939) de Victor Fleming, par Luc B.





- Allez les mômes, on va au cinoche !
- Voir quoi ?
- Le Magicien d’Oz
- … (silence médusé, mais néanmoins respectueux)
- C’est heu… un vieux film, enfin non ! (surtout pas dire que c’est vieux sinon ils n’iront pas !)
- Mais c’est en couleur ? Parce qu’avec toi, vieux, on sait ce que c’est…
- Oui, c’est en couleur, avec de vrais acteurs, qui parlent, une sorte d’Alice aux Pays des Merveilles
- Mouais…
- Y’a des chansons, des danses, des fées…
- Et c’est bien ?
- J’sais pas, j’l’ai pas vu, mais c’est très célèbre.
- Mouais…



LE MAGICIEN D’OZ est réalisé par Victor Fleming, et sort en 1939. Succès planétaire. Cette même année, les mêmes studios, sous la direction du même Victor Fleming (entre autres) sortaient AUTANT EN EMPORTE LE VENT.

Le film ne sortira en France qu’en 1946, à la Libération. C’est un des premiers films en couleur (technicolor) après le ROBIN DES BOIS de Michael Curtiz. En tout cas, un des premiers vrais succès pour un film en couleur, après que Walt Disney ait sorti BLANCHE NEIGE. Le film est produit par Mervyn LeRoy (Irvin Thalberg, producteur historique de la MGM est décédé en 1937) et il orchestre la valse des scénaristes et réalisateurs. Richard Thorpe et George Cukor ont travaillé aussi sur le projet, avant que Victor Fleming n’en prenne définitivement les rênes. Toutefois, des scènes supplémentaires furent tournées ensuite, sans Victor Fleming, parti sur le plateau voisin, s'occuper de la jeune Scarlett O'Hara. Shirley Temple, l’enfant star de l’époque, est d’abord pressentie pour le rôle, mais elle est sous contrat avec un autre studio, qui refusera de la céder. Judy Garland hérite du rôle, malgré son âge avancé (17 ans).



Toto : celui sans qui cette histoire n'aurait jamais existé (sale cleps !)


L’histoire commence au Kansas. Dorothy vit dans la ferme de son oncle. Elle a pour seul compagnon, son chien Toto. Chien, qu’une vieille voisine acariâtre souhaite zigouiller sous prétexte qu'il souille ses plate-bandes. Dorothy et Toto s’enfuient, rencontrent un magicien ambulant, qui convainc la jeune fille de rentrer chez elle. Las ! Le vent se lève, une tornade se forme et dévaste tout. Dorothy parvient à se mettre à l’abri dans sa maison, mais celle-ci s’envole sous la force du vent, pour atterrir dans le mystérieux pays de Munchkindland…


LE MAGICIEN D’OZ tient à la fois de la comédie musicale, du conte, et du film fantastique. Le début est filmé en noir et blanc, exposition des personnages, de la vie à la ferme, et de suite on se dit que Judy Garland en petites socquettes blanches n’est pas très à son aise, elle qui ressemble déjà à une femme, alors qu’elle interprète une enfant. Le mode est très naturaliste, l'interprétation est caricaturale, et la VF n'arrange rien à l'affaire. C’est entre deux charrettes de foin que Judy Garland entonne « Over the rainbow » la première et célébrissime chanson de ce film. Puis l’étrange fait son apparition avec le personnage du magicien ambulant et sa boule de cristal, qui recueille la jeune fugitive. Un type pas très net... L’épisode de la tornade est évidemment un des clous du film, qui vu 70 ans plus tard, garde pourtant une certaine intensité, malgré des effets spéciaux totalement désuets aujourd’hui. Lorsque la maison s’envole, Dorothy voit par sa fenêtre passer les gens qu’elle connaît, des animaux, dont une vache ! Ce qui n’est pas nous rappeler la scène du film TWISTER, sur les chasseurs d’ouragan, avec la vache qui vole entre deux moissonneuses batteuses ! C’est lorsque Dorothy se réveille et ouvre la porte de sa maison, que l’on passe en mode onirique, et donc, à la couleur. Problème : comment faire la transition intérieur/extérieur puisque que le début du plan est en N&B ? Après plusieurs essais, Fleming choisira de charger de la pellicule couleur dans sa caméra, mais peindra le décor intérieur de la maison en gris. Une doublure de Judy Garland, elle aussi vêtue de gris, s’avance, filmée de dos, ouvre la porte. Dans son mouvement, elle se recule, et sort du champ de la caméra, aussitôt remplacée par Judy Garland, habillée en couleur, devant un décor extérieur en couleur. Ingénieux, non ?


Il faudrait voir à soigner ce foie, ma p'tite dame...


Le film bascule alors dans la féérie, la loufoquerie, une débauche de couleurs pures, avec des Munchkinds partout, interprétés par des nains. On reconnaitra d’ailleurs Harry Earles, le comédien qui jouait dans FREAKS de Tod Browning. Ce qui posera quelques soucis d'intendance au studio, puisque les acteurs "difformes" n'étaient pas admis dans les mêmes cantines que les autres, et ne bénéficiaient pas des mêmes statuts. L’histoire tient alors en une ligne : Dorothy, pour retourner chez elle, et sur les conseils d'une bonne fée, doit en référer au MAGICIEN D'OZ, qui trône dans un palais lointain. En chemin elle rencontrera des personnages qui l’accompagneront dans sa mission : l’épouvantail, l’homme-lion, et l’homme-fer. Pour trouver le magicien, il suffit de suivre la route jaune, qui part du centre du village des Munchkind. La route de briques jaunes, autrement dit, the yellow brick road… oui oui, comme l’album d’Elton John ! A chaque rencontre son moment de comédie, de chansons, la scène des arbres vivants étant la plus remarquable et traumatisante pour des gamins ! On retrouvait cette idée dans un Walt Disney, me semble-t-il… Le parcours et péripéties sur la fameuse route jaune semblent tout de même un peu cheap, ça sent le carton-pâte à plein nez... alors que les premières scènes à Munchkindland, filmées à la grue sont plus grandioses. Le palais du magicien est entièrement fait d’émeraudes, et celui-ci nous apparaît, monstrueux, avec une tête énorme projetée sur un écran bordé de gerbes de feu, ce qui n’est pas sans rappeler les METROPOLIS et autre MABUSE de Fritz Lang. Mais le parcours initiatique de la jeune Dorothy ne serait pas complet sans l’affrontement avec la méchante sorcière, particulièrement abjecte, lorsqu’elle dit à la gamine : « je te tuerai en dernier pour que tu puisses voir tes amis mourir d’abord… ». En réalité, ce rêve éveillé est un véritable cauchemar. Lorsque la sorcière meurt, elle diminue de taille, ne laissant que ces vêtements au sol, en hurlant : « je fonds ! je fonds ! ». Ca vous rappelle quelque chose ? Le méchant juge « toon » dans ROGER RABBIT qui lui aussi hurle cette phrase en fondant dans la trempette !

Dorothy et ses nouveaux amis ont vaincu leurs démons, elle peut rentrer chez elle, et retrouver sa famille. Morale de cette histoire, sortie dans un contexte politique tendu, alors que l’Europe entre en guerre, et que les USA restent pour le moment hors du conflit : on est mieux chez soi, en famille ! Penchés à son chevet, on retrouve les personnages du début, qui avaient tous une « doublure » dans le monde de Munchkindland, jusqu'à la sorcière qui est le personnage de la voisine acariâtre. Autrement dit, Dorothy a tout simplement transposer son monde dans un imaginaire, un ailleurs, chacun y devenant tour à tour plus veule, plus lâche, plus laids, plus violent. Un cauchemar, je vous dis…


LE MAGICIEN D’OZ passe à la télé aux Etats-Unis tous les ans (c’est leur GRANDE VADROUILLE à eux !) et à chaque fois remporte un vive succès. Ce film est cité de multiple fois dans le cinéma contemporain, comme si chaque metteur en scène l’ayant vu enfant, en avait gardé un souvenir indélébile. Outre les clins d’œil déjà cités, on peut parler aussi des escarpins rouges de Dorothty, que l’on reverra dans SAILOR ET LULA de David Lynch. J’imagine que des livres entiers sont consacrés aux références tirés de ce film. LE MAGICIEN D’OZ est un pan de la culture américaine, un des plus gros succès de l'histoire du cinéma. Vu depuis la France, on ne peut s’empêcher parfois de sourire de tant de naïveté, voire de niaiserie, et de cette morale conservatrice, de repli sur soi. Autres temps, autres mœurs…

Sachez en tout cas que mes gamins, d'abord dubitatifs, ont finalement été conquis par Dorothy et ses trois potes, seules les chansons en anglais les ont ennuyées, car ils ne comprenaient pas ce qu’il s’y disait. Face aux dessins animés Pixar, face aux séries télé speedé, face à la révolution 3D et autres vampires aux dents longues, voilà un film ancien, très typé, au négatif aussi fripé que la vieille Bettencourt, qui visiblement tient encore le coup ! Les adultes ne seront sans doute pas fascinés par ce conte initiatique aux ficelles dramatiques grosses comme des câbles d'amarage, mais force est de reconnaître que les thèmes traités, l'entrain général, l'imagination des scénaristes, et les relents psychanalytiques sous-jacents, font encore mouche sur le très jeune public !




Mais qu'est-ce que ?... Un second clip ? C'est Byzance ?

Non, c'est Noël ! Et au DEBLOCNOT' on distribue à tours de bras ! Que serait une fin d'année sans une prestation d'Eric Clapton ? Et en plus, il joue "Over the rainbow" ! Si ce n'est pas de l'à propos, j'me prive de bûche !





Appréciation qui fait la synthèse de mon avis et de celui des plus jeunes spectateurs...


LE MAGICIEN D'OZ (1939)
réalisé par Victor Fleming, avec Judy Garland.
chansons de Yip Harburg et Harold Arlen
Noir et blanc et couleur - 1h38 - 1:1,37

4 commentaires:

  1. - ya pas d'hélice, hélas...
    - c'est là qu'est l'os !

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  2. Malgré le poids du temps, Le Magicien d'Oz restera pour moi un souvenir d'enfance immortel (mon côté fleur bleue). Par ailleurs, pour ceux (adultes et enfants) que le côté naïf agace, je leur recommande la sequel présentée dans cet article écrit par... votre serviteur qui depuis évolue sous une nouvelle identité de cinéphage déviant. Joyeux Noël à tous!

    http://www.captainspauldings.com/article.php?article=UID_4cf688c809fd4

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  3. j ai vue le magicien d oz hier avec l ecole maintenant je dois l'etudier ... ( shema narratif , shema actanciel ... ) ce site ma beaucoup aidez ... merci a la personne l ayant créé

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  4. Le Magicien d'Oz est très certainement LE classique musical hollywoodien par excellence et c'est ce pourquoi, notamment par sa dimension poétique, il est tant cher aux américains tant il parle d'eux, de leur culture. Ce film n'est ni vieux ni désuet, son impact est véritablement décisif dans l'histoire du cinéma (plans, décors et profondeur, musique, montage..). Il ne s'agit pas que d'une simple comédie musicale que l'on tente de remettre au goût du jour : c'est une vraie adaptation plus qu'intéressante à étudier à laquelle on ne cesse de faire référence. Le film met en scène la jeune, fabuleuse et talentueuse Judy Garland, inimitable dans sa mythique robe vichy bleue, [portant également les mythiques souliers de rubis faisant même oublier presque totalement ceux d'argent], qui touchera les plus sensibles et deviendra une star dès l'année 39 ; il est l'un des précurseurs des effets spéciaux faits main et, même si sous estimé en France, se révèle toujours et se révélera encore être un chef d'oeuvre ingénieux de la MGM et une immense source de richesses cinématographiques. Car en effet, projet plus qu'ambitieux pour l'époque, Fleming a réussi son pari et le Magicien d'Oz, dans son ensemble, s'inscrit dans la légende depuis déjà 75 ans.

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