Un film sulfureux, à l'image du marquis de Sade
" Quills, la plume et le sang " est un film de Philip Kaufman, réalisateur américain à qui l’on doit aussi des films tels que " l’invasion des profanateurs", "L’insoutenable légèreté de l’être" , "L’etoffe des héros" ou encore " Les Seigneurs ".
Passé inaperçu en France lors de sa sortie en 2001, ce film sulfureux et intelligent mérite d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.
Il nous livre un épisode de la vie du Marquis de Sade, enfermé à l’Asile de Charenton par Napoléon, que les écrits obscènes et immoraux ont scandalisé. Considéré comme un esprit perfide et vicieux, l’auteur de " Justine " est censé soigner ses pulsions sous l’œil bienveillant de l’Abbé de Coulmier, qui pense pouvoir le libérer de ses noirs instincts, et lui laisse, en dépit de son enfermement, une certaine liberté.
Le Marquis de Sade utilise en cachette la jeune Madeleine, afin de transmettre au grand public ses écrits toujours plus provocants et érotiques. Malheureusement, les frasques du Marquis vont attirer l’attention des plus puissants, qui vont placer l’Asile sous la surveillance de l’austère médecin Royer-Collard. Humilié lors d’une représentation théâtrale par le Marquis et les autres pensionnaires, Royer-Collard lui retire sa plume et son papier, le privant ainsi de son seul moyen d’expression, mais surtout de sa liberté. Un esprit anarchiste et libertin tel que celui du Marquis peut-il vraiment être muselé ?
Ce film renversant et magnifiquement interprété ne peut laisser indifférent. Qu’on aime ou qu’on déteste, on ne ressort pas indemne d’une telle immersion dans la perversion humaine.
Le casting est assez impressionnant : Geoffrey Rush (Frida) magistral dans le rôle du Marquis, ce qui lui vaudra une nomination aux Oscars ; Michael Caine (Un pont trop loin) dans le rôle du médecin Royer-Collard ; mais surtout 2 jeunes acteurs prodigieux de la génération montante hollywoodienne : la britannique Kate Winslet ("Les noces rebelles") dans le rôle de Madeleine, et le gigantesque Joaquin Phoénix (le Johnny Cash de "Walk the line") dans le rôle tourmenté de l’Abbé de Coulmier.
"Quills" ( plume d'oie) est construit de telle façon que le spectateur n’a que très peu de répit. Le Marquis exerce sur nous une sorte de fascination et on se demande quelle sera la destinée des personnes qui gravitent autour de lui. Ici il n’est pas question de juger mais plutôt de se demander quelle influence un esprit pervers peut avoir sur les autres. Bien sûr les écrits de Sade ne sont pas anodins et l’emprise qu’ils exercent sur les lecteurs peut-être dévastatrice. L’Abbé Coulmier va être torturé par cette idée qu’il n’est, lui aussi, qu’un homme susceptible de succomber aux tentations de ce monde…
Le film regorge de scènes un brin sulfureuses, ou violentes et désespérées (le Marquis écrivant sur les murs de sa cellule avec son sang puis ses excréments). Les costumes et les décors sont également superbement reconstitués. Il est toutefois à noter que certains historiens estiment que le film prend des libertés avec la vérité, mais n'est ce pas le propre du cinéma... On devine le destin tragique des personnages qui se profile sous nos yeux, et la fin, dérangeante et inattendue, nous laisse en état de choc.
A propos de son film, Kaufman a dit : "J’ai toujours été fasciné par la littérature de l’extrême parce qu’elle nous ouvre une vision plus large de l’humanité. Aucun écrivain n’a révélé mieux que Sade l’hypocrisie des sois-disant moralistes. C’est un film provocant, mais le Marquis ne nous pardonnerait pas d’être timorés."
Tout est dit : Kaufman a fait un film historique à la hauteur du personnage et le résultat est absolument fascinant . Quills est un film dérangeant et percutant , les esprits frileux passeront leurs chemins, mais les plus curieux et audacieux devraient s’y retrouver...
A noter que le Marquis à souvent été représenté au cinéma notamment par Klaus Kinski , dans "Le marquis de Sade: Justine" un nanar espagnol de 1968 signé Jesus Franco , par Daniel Auteuil dans "Sade" (Benoit Jacquot, 2001) , par Keir Dullea (vu dans "2001, l'Odyssée de l'espace") dans "le divin Marquis de Sade" de Cyril Endfield (1971), par Bruno Cremer (dans un telefilm de 1983) et que Tobe Hooper ("Massacre à la tronconneuse") mis en scène un soit-disant descendant du Marquis dans "Nights Terrors" (1993) dans une serie B parfaitement dispensable..
Pour finir, voici quelques citations du Marquis de Sade que je vous laisse méditer :
Il est très doux de scandaliser : il existe là un petit triomphe pour l’orgueil qui n’est nullement à dédaigner.
Il n'y a d'autre enfer pour l'homme que la bêtise ou la méchanceté de ses semblables.
L'idée de Dieu est, je l'avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l'homme.
Les passions de l’homme ne sont que des moyens que la nature emploie pour parvenir à ses desseins.
Ne te contiens donc point, nargue tes lois, tes conventions sociales et tes Dieux.
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