mardi 27 juillet 2010
ALAIN KAN - Coffret 3 albums 1975-1979 réédition cd 2007 , par Rockin-jl
LE DISPARU DE LA STATION CHATELET
Qui ici se souvient encore d’Alain Kan , absent de pratiquement tous les ouvrages consacrés au rock en France (ne levez pas tous la main en même temps svp), heureusement le Deblocnot’ et Rockin’ sont là. Il n’y a pas très longtemps que j’ai découvert l’œuvre d’Alain et le moins que je puisse dire c’est que j’ai pris une sacrée claque dans la gueule..
Destin incroyable que celui d’Alain qui commencera chanteur de charme et finira par être un des premiers punk français , en passant par une aventure avec David Bowie , pour finir par disparaître mystérieusement le 14 Avril 1990 à la station de métro Chatelet, c’est en effet le dernier endroit où on le vit avant qu’il ne se volatilise littéralement , suicide, assassinat, disparition programmée, le mystère reste entier. J’ai lu sur un blog que quelqu’un prétendait l’avoir croisé l’an passé en Inde …avec Elvis et Jim Morrison sans doute …
Cette disparition ajoutée à son parcours fait de lui le parfait chanteur maudit et cultissime , un gars à ranger dans la catégorie d’autres déjantés dont je vous parlerai un de ces 4 , les Patrick Abrial, Emmanuel Booz, Dashiel Hedayat ou pour parler de plus connus Jacques Higelin ou Gérard Manset , que des gens aux antipodes des mollusques de la variété stéréotypée à la française .
Pour revenir brièvement sur le parcours mouvementé d’ Alain , il naît en 1944 à Paris et sa carrière musicale commence en 1963 dans un registre de variété sans intérêt , entre chanson de charme et twist , jusque là rien ne laisse supposer ce qu’il va devenir. C’est à la fin des années 60 que son talent atypique éclate. Alain : " Si Polnareff est né dans un ice cream, et Johnny Hallyday dans la rue, moi je suis né à l’Alcazar ". C’est en effet dans le célèbre cabaret qu’il va devenir auteur compositeur et prendre goût au monde de la nuit. Il y rencontre Gainsbourg et Barbara, collabore avec Jean Claude Vannier et fréquente un temps un jeune dandy anglais encore inconnu en France… un certain David Bowie, Bowie dont il adaptera 3 titres en français (life on Mars, sufragette city et it ain’t easy) et adoptera le jeu de scène et le coté androgyne. Il se prend aussi de passion pour le rock underground de Lou Reed et son Velvet ou pour le glam rock d’Outre Manche de Marc Bolan (T Rex).
C’est en 75 qu’il sort son premier LP mysterieusement intitulé " Et Gary Cooper s’éloigna dans le désert " , le scandale sera au rendez vous...notamment par la chanson " Nadine Jimmy et moi " qui parle ouvertement de bisexualité et de triolisme et choquera la France giscardienne , l’album sera interdit d’antenne et de promotion. Mais le morceau de choix est " Une espèce de Lolita toute verte " , cauchemar halluciné qui montre un vrai talent de plume et une imagination débridée (en clip ci-dessous) ; " Hollywood suicide " ressort aussi du lot, une ballade dans un mauvais trip glam rock qui n’aurait pas déparé sur un album de Mott the Hoople ou T Rex. Le son est définitivement rock, avec des incursions funky (" Blacky ") ou un hommage au cabaret avec la reprise de " Falling in love again " (Marlene Dietrich dans "L’Ange Bleu ").
Le second album sort en 1976, et son titre est déjà tout un programme " Heureusement en France on ne se drogue pas ", plus abouti musicalement…et il fera encore plus scandale au point d’être retiré de la vente à cause de la chanson titre, titre à prendre au second degrés bien sur,mais aussi de " Speed my speed " , chanson composée uniquement de mots désignant des drogues. Dommage car cet album contenait des perles comme " ma solitude " rock écorché où Kan se met à nu ; " GM blues " , long blues violent et sensible ou apparaît encore l’homosexualité ; " Les blouses blanches " sur la folie (reprise,chanté par Edith Piaf en 1960 ) ou "Dracula " qui a chaque fois que je l’écoute m’évoque le " Champagne " qu' Higelin chantera 3 ans plus tard (1979).
Ces 2 LP furent enregistrés aux mythiques studios du château d’Herouville avec Laurent Thibault (Magma) aux manettes et la qualité musicale est souvent surprenante , pour le premier il recevra également l’aide de Gérard Manset, pas étonnant que ces 2 là se soient rencontrés d’ailleurs.
Après une parenthèse punk avec le groupe Gazoline qui en fait un des premiers punk français, où il cotoie des Daniel Darc ou Fred Chichin, Alain sort en 79 le LP " What ever happened to Alain Kan " qui lui finira ni plus ni moins au pilon, interdit de vente, la faute à "Philo dodo " où il se tape un étudiant et surtout à "Devine qui vient dîner " où il met en scène le personnage de …Adolph Hitler, un Adolph alcolo et tourné en dérision ; mais bon les radios n’étaient peut être pas prêtes a diffuser une chanson avec un extrait de discours du Führer au milieu..
C'est sur cet album que l’on trouve la reprise de Bowie " hey man " adaptation de " sufragette city " et " le charter ", encore un morceau indescriptible et apocalyptique à la folie contagieuse qui se termine par un hurlement Morrisonien : " The End !"
Son dernier LP paraîtra en 1986, " Parfums de nuit " , sombre et aux musiques plus violentes, à mon sens beaucoup moins intéressant.
Jusqu’alors l’œuvre d’Alain Kan n’était pas disponible en cd, saluons donc ce coffret sorti en 2007 chez Dreyfus records (disquesdreyfus.com) qui reprend les 3 LP " Et gary Cooper.. " " Heureusement en France.. " et " What ever.. " , avec en prime un beau livret avec les témoignages de Christian et Patrick Eudeline et de Véronique Kan sa sœur (et épouse du chanteur Christophe, pour lequel Kan écrivit l’album " Pas vu pas pris " en 1980) . Patrick Eudeline dont le livre " Rue des martyrs " s’inspire d’ailleurs de la vie et la disparition d’Alain Kan auquel il est dédicacé.
Dommage que la France n'ait pas su reconnaître ce talent inclassable, trop androgyne et décadent pour les purs rockeurs et bien trop barré et sulfureux pour les amateurs de chanson française. Authentique artiste, admirateur de Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire , Kan se définissait ainsi : "J’existe pour chanter ou écrire ".
Alain , où que tu sois, tu n’es pas complètement oublié, la preuve…..
une espece de Lolita...toute verte
Labels:
Chanson Française,
Rockin-jl
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Moi, moi, je connais, mais que de nom... un article, élogieux, sur Xroads, de mémoire.
RépondreSupprimerC'est vrai que cela évoque pas mal Higelin.
A signaler pour l'anecdote qu'en 1972 (époque rock n'roll revival: Au bonheur des dames - Albert et sa fanfare poliorcétique, Dick Rivers, Marc Charlan ...), il sortit un single "55-60, dès que vient le samedi soir" bien dans l'air du temps.
RépondreSupprimerJe possède ce SP et ça déménageait pas mal.
Adanson
Bah Rockin, là, tu m’as scié. A force de t’entendre parler du blues (ou du vrai rythm’ n’ blues) je ne m’attendais pas à trouver une chronique sur Alain Kan signée de toi. Merci de contribuer à sa mémoire (quoiqu’il faudrait être sûr qu’il soit bien mort, qui sait, même si c’est probable). Je suis moi aussi l’heureux possesseur de ce précieux coffret, et nous faisons donc partie des rares (et classieux) admirateurs de ces chansons extrêmement talentueuses et singulières. Bien vu ton choix de « Une espèce de Lolita toute verte » (mais j’aime beaucoup aussi « Nadine Jimmy et moi » ou encore « Devine qui vient diner ? »).
RépondreSupprimerLa vidéo qui tue de « Nadine Jimmy et moi » à voir via ce lien :
http://www.youtube.com/watch?v=bjK8SihqCFs
et aussi ce document étonnant d’un Alain Kan pas encore new-wave/punk mais plutôt « chanteur à minette » avec "55-60 Dès que vient le samedi soir" via ce lien :
http://www.youtube.com/watch?v=i373zu5ON1k
Au fait, la passionnante aventure du « record du monde » continue sur ma page (119 posts à ce jour). Ha j’aime la vie. Si.
RépondreSupprimerMerci!
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