- Je consulte l'index Claude. Tu nous as déjà présenté 11 concertos de Wolfgang depuis tes débuts dans le blog. Certains dans deux interprétations différentes. Il y en a 27 ! tu crois parcourir l'intégrale ?
- Je me suis surtout intéressé et les lecteurs aussi j'espère aux concertos de l'époque viennoise Sonia (N° 11 à 27), ceux qui donnent au genre leurs lettres de noblesse pour les temps futurs, y compris de nos jours.
- Le numéro 9 est donc une œuvre de jeunesse ? Et comme le pianiste Andreas Staier a complété son album avec le 17, les viennois comme tu les appelles seront bientôt tous disponibles… la dernière chronique remonte à 2022…
- Oui, il a tellement de belle musique à découvrir, notamment celles de compositeurs oubliés, que le temps passe vite. La période des fêtes me semble propice à des musiques relaxantes haut de gamme…
- Andreas Staier joue sur un piano forte, enfin… il me semble…
- En effet et c'est ce qui a guidé mon choix, en dehors et de la verve et de la virtuosité déliée de ce pianiste… Et c'est en cela que ce disque se distingue d'une légion d'excellents enregistrements sur piano moderne, et entre dans mon jardin de disque de légende.
Partie 1 : Le concerto d'un grand adolescent vs celui d'un homme de caractère
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| Mozart en 1777 |
Seulement 7 ans séparent l'écriture des deux concertos écoutés ce jour. Andreas Staier ne pouvait pas mieux sélectionner ces deux œuvres pour un programme contrasté. Critiques et musicologues considèrent le Concerto N°9 comme le premier vrai concerto classique de l'histoire. Ils appuient cette affirmation sur sa durée d'exécution : 30 à 35 minutes, les précédants se limitent à 20 minutes environ. Le concerto présente par ailleurs des nouveautés structurelles et virtuoses plus ardues.
Le concerto N°9 dit "Jeunehomme" date de 1777. Mozart a 21 ans et réside encore à Salzbourg. L'œuvre vivifiante destinée à une jeune virtuose française justifie l'usage d'un piano forte au son plus incandescent que celui d'un piano moderne qui permet des legato injustifiés dans le style mozartien. Mozart sort de l'adolescence. Le Concerto N°17 sera celui d'un homme libre et adulte…
Le Concerto N°17 date de 1784. C'est le 7ème concerto composé après le départ pour Vienne. Les tracas affectifs d'un Mozart en rupture avec son père et son employeur ont conduit le grand Mozart à assumer seul l'entrée dans la maturité et à abandonner la désinvolture indisciplinée de jeune virtuose insouciant. Il nous confiera pendant les sept ans qui lui restent à vivre, à travers une inventivité compositionnelle très aboutie et très avant-gardiste, d'un côté ses affres, mais surtout le meilleur de son art : l'affirmation que l'âge classique s'éloigne définitivement du baroque tardif.
Ajoutons que jouer les concertos 1 à 4 (simples adaptations de sonates) et les 5 à 8 sur un clavecin ne pose aucun problème technique (les enregistrements sont rarissimes). Précision : à partir du N°12 de 1782, Mozart ne composait plus de concertos jouables sur un clavecin. N'oublions pas que le clavecin est encore très utilisé par les claviériste du XVIIIème siècle mais ne permet pas de jouer des notes longues…
Andreas Staier n'a pas gravé d'intégrale des concertos de Mozart, préférant peaufiner quatre partitions pour deux CD Teldec (9,17,18,19). Plutôt qu'un orchestre moderne, il préfère se fait accompagner par un ensemble familier des sonorités des instrumentations des XVIIe et XVIIIe siècles, en l'occurrence le concerto Köln.
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Partie 2 : 40 chroniques sans biographie même concise depuis 15 ans… M'Enfin !
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| Mozart en 1782 |
Avec plus de quarante chroniques consacrées à Mozart, inutile d'aligner de nouveau des éléments biographiques trop développés. Certes, pour chaque œuvre, les circonstances historiques ou affectives de sa vie, ont influencé la création et sont donc explicitées dans chaque chronique. Mon inspiration non chronologique dans mes publications ont conduit à un éparpillement des péripéties d'une existence singulière, et le mot est faible. Pour ceux qui s'intéresseraient à une vision d'ensemble, je ne peux que conseiller la lecture de sites dédiés, des récits courts ou expansifs (en allemand, mais le traducteur chrome s'avère performant, pour les non germanophones)😊. Revenons succinctement sur les cinq grands épisodes de la vie de Wolfgang, pour la plupart sans doute déjà connus des mélomanes débutants ou confirmés.
1 – 1756-1773 : Naissance à Salzbourg en janvier de Wolfgang Mozart qui aime changer de nom. Amadeus est un ajout ultérieur. Enfant prodige et précoce (Asperger ?), il apprend avec son père le piano et le violon dès ses cinq ans et commence à composer. Ses dons stupéfiants : une oreille absolue innée, une mémoire eidétique, une virtuosité instrumentale acquise avant la maîtrise accomplie de la lecture et de l'écriture. Né en Autriche, Wolfgang se revendiquera toujours comme allemand 😊.
Son père l'exhibe comme gamin savant dans toutes les cours d'Europe : Munich, puis Vienne, puis une tournée européenne éreintante : de nouveau Munich, Augsbourg, Mannheim, Francfort, Bruxelles, Paris, Versailles, Londres, La Haye, Amsterdam, Dijon, Lyon, Genève et Lausanne. La croissance physique de l'enfant épuisé en sera altérée, ce qui explique sa mauvaise santé future. Il rencontre Johann Christian Bach avec qui il découvre : le piano forte, la symphonie et l'opéra italien… À dix ans il a déjà composé onze symphonies et d'autres pièces ! Entre 1770 à 1773, il voyage en Italie : Vérone, Florence, Rome, Naples, Lorette, Bologne, Venise et surtout Milan.
À 14 ans, Wolfgang entend le Miserere d'Allegri de 1638 : une polyphonie sacrée à cinq voix réservée aux offices de la semaine sainte dans la Chapelle Sixtine. Le Vatican interdit toute adaptation (sous peine d’excommunication… Euh… une légende digne de Dan Brown). Dès le lendemain, Wolfgang aurait transcrit de mémoire cette pièce redoutablement complexe… Mais sans le manuscrit original, n'est-ce donc pas qu'une légende due à l'imagination de ses admirateurs…
2 – 1773-1777 : Premier séjour à Salzbourg où le prince-archevêque Colloredo, homme de culture et passionné de musique prend les choses en mains et met fin aux pérégrinations de Leopold Mozart et de son fils qu'il trouve arrogants de par leurs célébrités ! Bonne idée, car la carrière de compositeur de Wolfgang s'élance vraiment dans tous les genres : concertos et symphonies montrent déjà une dimension psychologique dépassant les limites du style galant et du divertissement. Il se lie d'amitié avec Haydn. Les tensions avec le prince-archevêque s'envenime… Il démissionne, une révolte insupportable digne d'une hérésie à l'époque 😊.
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| Constance Weber-Mozart vers 1782 |
3 – 1777 – 1779 : Un tel comportement nuit à sa carrière. Il cherche un job stable en vain à Munich, Augsbourg, Mannheim et Paris… Il tombe amoureux de la cantatrice Aloysia Weber (sœur de Constance, la future Mme Mozart) à la grande fureur de son père. Il s'initié à la Franc-Maçonnerie. Sa mère meurt. Wolfgang prend conscience d'une impasse dans sa vie de musicien et d'homme adulte que ces épreuves ont forgé.
4 - 1779-1781 : Retour à Salzbourg où le Prince Colloredo, accepte de nouveau ses services grâce à une négociation avec son père. Wolfgang déteste Salzbourg, compose peu mais quelques chefs-d'œuvre : la messe du Couronnement, trois symphonies, la sérénade Cor de Postillon et la symphonie concertante pour violon et alto. Colloredo doit partir pour Vienne et entraîne avec lui un compositeur qu'il traite comme un laquais. Avril 1781, Wolfgang refuse de retourner à Salzbourg. La guerre totale entre les deux hommes éclate ; le prince-archevêque traite en public "Mozart de débauché, de gueux et de crétin" et le congédie. Wolfgang écrit à son père "Je ne veux plus rien savoir de Salzbourg, je hais l'archevêque jusqu'à la frénésie." La rupture est plus que consommée, Wolfgang s'installe à Vienne qu'il ne quittera plus.
5 - 1781-1791 : Mozart est libre de la tutelle paternelle qui sera longue à s'apaiser et d'un commanditaire autocratique. (Il faut dire que comme souvent avec les génies conscients de l'être, Wolfgang est ingérable.) cette période de dix ans sera la plus riche comme compositeur. Il rencontre Da Ponte, librettiste de génie. Vienne apprécie ses concerts et sa musique innovante, succès encore plus marqué à Prague… Il compose des opéras en langue allemande, un crime dans cet empire rétrograde. Voici le temps de Les Noces de Figaro censuré, de Don Giovanni boudé à Vienne, encensé à Prague, les dernières et modernistes symphonies… et le Requiem inachevé. Etc.
Il a épousé Constance Weber le 4 août 1782 sans l'aval de son père. Ils auront six enfants, seuls deux fils survivront. Financièrement, la situation restera plus ou moins critique jusqu'à la mort de Mozart en 1791. Même si l'histoire du petit chien suivant le corbillard est une allégorie de l'abandon de Mozart par les Viennois, l'enterrement de Mozart dans une fosse commune, sans croix (!) semble bien réel.
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Partie 3 : Clavicorde, clavecin, piano "forte" ou piano tout court…
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Jeune fille au clavicorde (1529) Jan Sanders van Hemessen |
Clavecin, clavicorde, papa du piano forte (pourquoi "forte" d'ailleurs ?) et piano tout court, même pour un Steinway de concert D-274 (2,74m). Les facteurs d'instruments sont inventifs et ont offert des perspectives de plus en plus larges et virtuoses aux compositeurs pour le clavier… J'enfonce quelques portes ouvertes, veuillez me pardonner pour ces rappels…
Le clavecin fut très en vogue du XVIème au XVIIIème siècle et encore de nos jours (Poulenc, de Falla…). Le roi des instruments à cordes pincées, pincées sèchement, en l'occurrence par le plectre ou bec constitué de l'extrémité d'une plume de corbeau ou de bernache du Canada (haut de gamme). Les plus beaux instruments possèdent deux voire trois claviers de 56 notes pour varier les timbres. Hélas, un touché délicat de damoiselle ou brutal d'un lutteur de foire produira toujours le même son en terme de puissance. Inutile de chercher les signes de nuance p, mf ou f dans les partitions de Scarlatti. Il n'y en pas… Idem chez Bach ou les pièces de jeunesse de Mozart. (Fandango du Padre Soler par Staier).
Ah le clavicorde est un piano aux cordes disposés de manière latérale et frappées par un marteau associé à la touche. Inventé en même temps que le clavecin, la longueur des cordes limitée à la largeur de la caisse restreint la tessiture à 4 octaves, encore un jouet pour petites marquises 😊. Par contre, en frappant énergiquement, on nuance la force du son, on peut jouer forte mf ou f …
D'où, l'idée de ne plus plumer les corbeaux (à la demande des écolos) et de remplacer le système complexe du clavecin par un marteau en feutre mû par un mécanisme guère plus complexe qui renvoie ledit marteau à sa place dès la frappe. Un étouffoir éteint la vibration lors du relâchement de la touche… Sur le piano moderne, le marteau ne fait que s'écarter de la corde pour permettre de jouer les trilles à une vitesse folle.
Et là, vous avez compris, on effleure la touche ou on la frappe jusqu'à la casser (Liszt) et ainsi jouer des nuances sonores autorisant le jaillissement ou la sérénade de mélodies beaucoup plus éclatantes ou poétiques ! D'où l'appellation de Piano forte. Ainsi encore timidement Mozart note pp, p , fp et f dans son concerto Jeunehomme ; et Liszt plus furieusement des nuances de pp à fff dans sa sonate. Liszt qui apportait plusieurs pianos lors des concerts en cas de touches brisées 😊.
Partie 4 : Andreas Staier, le grand maître du clavecin et du piano forte
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| Andreas Staier (2025) |
Andreas Staier serait-il fier de mon exposé ? l'artiste maitrise tous ces instruments et a voué sa carrière à construire un répertoire pour le piano forte historiquement informé (pour utiliser le langage ad 'hoc) : principalement celui de l'époque classique, de Mozart, ou Haydn, joués de nos jours quasi systématiquement sur des pianos de concert survitaminés, avec talent faut-il le préciser.
Göttingen, 13 septembre 1955, Andreas Staier voir le jour… Ses biographies sur le web sont riquiquis ! 300 mots ; 9300 pour Julio Iglesias 😊.
- C'est qui ce Julio Claude ? Encore un baroqueux à venir…
- Heu non Sonia, un crooner espagnol "souriez Gibbs" des années 70, ex footballeur, un peu oublié mais… une jolie voix, 40 albums en 14 langues… tu n'étais pas née…
Blague à part, il étude ardemment le piano et le clavecin à Hochschule für Musik de Hanovre et au Conservatoire d'Amsterdam. Ses professeurs : Lajos Rovatkay, Gustav Leonhardt et Ton Koopman. Il quitte surdiplômé ce parcours en 1982.
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| Anton Walter (1752-1826) |
Entre 1983 et 1986, il assure la partie de clavier de Musica Antiqua Köln. L'un des orchestres baroques européens les plus en vue, réputé pour sa vivacité (Chronique Bach – Vidéo 3 : le clavecin est bien présent, pas uniquement une décoration musicale) avec le Freiburger Barockorchester auquel il apporte sa contribution…
À partir de 1986, il commence sa carrière solo tant au clavecin qu'au piano forte. De 1987 à 1996, il enseigne le clavecin à la Schola Cantorum de Bâle. Bien entendu il enregistre, notamment sur une copie de piano-forte d'Anton Walter, instrument qui avait la faveur de Mozart et Beethoven (voir photo plus loin). Il travaille avec des facteurs d'instruments de ce type.
Le compositeur français Brice Pauset a enrichi en collaboration avec Andreas Staier le répertoire… (Clic)
Il a enregistré les Variations Goldberg et le clavier bien tempéré de Bach, les Variations Diabelli de Beethoven ou les dernières œuvres pour piano de Brahms et bien d'autres y compris comme accompagnateur de Christoph Prégardien dans des lieder de Schubert. Le disque Mozart de ce jour est un must, Andreas Staier dirige lui-même le Concerto Köln depuis le clavier.
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Partie 5 : Concerto N°9 "Jeunehomme" K 271 (1777)
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| Jean-Georges Noverre |
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Bien que la chose soit d'intérêt modeste, on épiloguait depuis plus deux siècles sur la personnalité de Mlle Jeunehomme, la dédicataire de ce très beau concerto, le premier de Mozart à préfigurer ceux écrits à Vienne et qui influenceront Beethoven jusqu'à son 3ème composé en 1800, juste avant le virage vers le romantisme.
Jean et Brigitte Massin dans leur "bible" des années 70 ne s'attardaient pas sur le sujet, notant que Mozart, chaud-lapin (les Massin utilise une formule plus élégante 😊) aurait pu fréquenter de manière éphémère une jeune pianiste portant ce nom énigmatique… depuis 2005, le mystère est résolu. Et nous voilà confronté à une simple facétie orthographique caractéristique des noms propres qui se métamorphosent de missives en missives. Merci au musicologue Michael Lorenz d'avoir levé le voile. Wolfgang écrit à son père Leopold en janvier 1777 qu'il vient d'achever un concerto destinée à une pianiste nommée "Lenomy". Leopold lit, comprend mal et écrit "Madame genomai". Dénaturation du nom de Mlle Louise Victoire Jenamy, fille de Jean-Georges Noverre, ami de Mozart et célèbre danseur des Lumières. (1727-1810 - maître de ballet et créateur du ballet moderne.)
L'orchestration est légère : 2 hautbois, 2 cors et les cordes. Trois mouvements :
1 - Allegro, en mi bémol majeur : À l'époque classique, les plans des ouvrages sont normés. Ainsi on introduit le mouvement initial par un exposé instrumental des thèmes, un peu à la manière des ouvertures des opéras. Mozart innove et à cette règle préfère une joute entre l'orchestre et le soliste ! Beethoven reprendra à son compte cette incartade formelle dans son concerto N°4. Donc : un motif décidé, sur un temps, (une blanche et un arpège de 4 croches, main gauche au piano, orchestre à l'unisson), affronte en duel un second motif rythmé et facétieux sur deux temps énoncé au piano seul ! Le piano poursuit son jeu (main gauche seule, notes piquées discrètes) accompagné par les cordes ; un principe compositionnel exploité pendant la quasi-totalité de l'allegro. Ce dialogue constitue le premier bloc thématique.
[0:46] Le second thème contraste avec la scansion de l'introduction par son esprit plus mélodique et tendre. [1:56] Reprise I. Le développement se distingue par son allégresse et sa fantaisie [5:54] Reprise II. [8:48] la cadence, d'une difficulté et d'une vélocité redoutables dans les premières mesures évolue vers un passage plus rêveur. [10:15] la courte coda déborde d'énergie. On pensera à une écriture trépidante héritée de la technique du clavecin… L'absence de répétition marquée, voire académique, explique l'opinion répandue que ce "Jeunehomme" inaugure la série des concertos géniaux de la maturité de Mozart tant dans l'inventivité que dans le foisonnement de la thématique. Le thème A resurgit uniquement pour relancer le discours à la manière de variations qui cachent leur nom…
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| Piano Forte Walter de Mozart (copie) |
2 - Andantino, en do mineur + cadence : Le musicologue Alfred Einstein parlait de "l'héroïque de Mozart" à propos du concerto "Jeunehomme". Le point commun entre la symphonie de Beethoven et le concerto de Wolfgang étant un virage significatif dans la carrière des deux compositeurs. Il argumentait en mettant en exergue l'ampleur révolutionnaire des partitions tant par leurs durées que leurs pouvoirs émotionnels. Certes le critique musical, affichait là un enthousiasme presque excessif dû à son admiration pour Mozart dont il révisa le catalogue Köchel. (mais Tout est relatif aurait pensé son cousin Albert 😊.) Le virage pour Mozart est individuel et manifeste qu'il veut tourner le dos à la musique de pur divertissement pour un style plus sentimental. L'ambition de Beethoven se révèle universelle, la décision sans retour d'imposer le style romantique, à savoir l'expression de la douleur, de l'amour, du tragique, du combat… Le classicisme encore souvent signe d'académisme est ainsi mort en 1808 lors de la création de la symphonie "héroïque" épique et funèbre !
Et en effet, l'andantino se développe sur plus d'une dizaine de minutes alors que ceux des 22 autres concertos, sauf le 17, quel hasard, (on ne compte pas les quatre premiers) limitent ce passage voué à la méditation à une moyenne de six minutes ! De plus, le choix de la tonalité do mineur impliquant un climat morose fait apparaître un besoin de nous confier, musicalement parlant, sa réflexion intérieure, ses joies, ses angoisses, plutôt que d'insérer un moment de détente entre les mouvements extrêmes plus allants…
L'andantino débute par une procession martiale aux cordes, violons I et II en sourdine, on ne peut nier une certaine gravité à cette introduction. [0:26] Cors et hautbois noté f à l'unisson accentuent le sentiment de solennité. [1:09] le piano s'invite suivant la même thématique martiale à l'allure de déambulation onirique. [1:36] Reprise A, le piano se trouvant de plus en plus isolé. [2:10] Introduit par les hautbois voici un second bloc thématique qui retrouvera doucement le lyrisme et la scansion initiales. Nous écoutons un Mozart méditatif dans le sens charmeur et… osons le dire, romantique. [4:10] Le développement envoûte malgré deux timides accès de révolte. Il nous hypnotise en maintenant ce délicat cantabile dans un dialogue complice entre clavier et orchestre… Un duo fusionnel, sans rupture de ton marquée, prend la place dans l'andantino de l'habituelle joute conflictuelle prisée dans les concertos baroques et destinée à mettre en valeur la virtuosité hédoniste du soliste. [8:26] La cadence ne rompt pas le discours élégiaque malgré quelques tentatives d'égayer un ciel gris, accelerando et trilles [10:04]. Dieu que Mozart s'ennuie à Salzbourg…
Mozart a écrit deux cadences sur la partition, au choix…
3 - Rondo (Presto), en mi bémol majeur : Mozart devait connaître le talent brillant de Mlle Louise Victoire Jenamy devenue Jeunehomme lors des contacts amicaux avec son père. On reconnaîtra la vélocité inhérente au jeu du clavecin encore très utilisé en l'an 1777. Mozart nous a bouleversé dans l'andantino. Le rondo évoque une chevauchée. Cavalcade que le piano élance seul suivi d'une réponse de l'orchestre. [2:19] Reprise en complicité avec l'orchestre de l'introduction virevoltante qui semblait, humour oblige, s'assoupir. [3:36] Mozart abandonne la précipitation un peu folle pour insérer un menuet noté menuetteo cantabile qui semble écrit pour un enfant. Le piano se voit confronté à des pizzicati et même à une intervention effrontée des cors. Le piano se métamorphose dans toute cette partie à l'écriture fantasque en un personnage instrumental d'opéra bouffe. Que de surprises dans ce K 271 ! [7:18] La thématique initiale fait son retour en conclusion suivant un mystérieux passage adagio achevant le menuet…
Il est plaisant d'écouter le Concerto N°8 de 1776 qui malgré une chatoyante poésie côtoie l'univers de la sérénade. Le final semble bien banal en comparaison de la facétie débridée du rondo du concerto "Jeunehomme" avec menuet intégré. Le Concerto N°10 de 1779, composé à Vienne, pour deux pianos et un orchestre rutilant confirmera le désir de considérer le concerto pour piano comme un genre privilégié par Mozart.
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| Maison de Mozart à Vienne |
Partie 6 : Concerto N°17 K 453 (1784)
Mozart vit à Vienne en famille depuis 1781, libéré de l'autocratie paternelle et choisissant aussi la liberté créatrice en ne dépendant plus des subsides de son protecteur (Cf. partie 2). Depuis la composition du concerto N°10 pour deux pianos qui clôt son séjour à Salzbourg, il compose sans relâche dans ce que je désignais comme son genre privilégié, le concerto dont six écrits en 1784. Depuis le "jeunehomme" choisi volontairement par Andreas Staier, Mozart apportera définitivement ses lettres de noblesse au concerto pour piano forte, au même titre qu'à la symphonie et à l'opéra.
On pourrait parler de stakhanovisme, mot bien péjoratif car synonyme de production en masse peu qualitative. Le 13ème datait de mars 1783. Un an plus tard, Mozart en compose quatre en 2-3 mois (chaque partition comporte une soixantaine de pages). On croit rêver, trouver l'idée mélodique, la coucher à la plume d'oie, décliner l'orchestration sur dix portées ! Il ne dormait jamais Mozart ? Ne disait-il pas lui-même "Ils vous mettent en nage"… en parlant des N°14 à N°16. La liste suivante laisse sans voix. Les connaissant bien, tous exigent une grande virtuosité.
- no 14 en mi bémol majeur, KV. 449 (9 février 1784 dédié à Barbara Ployer)
- no 15 en si bémol majeur, KV. 450 (15 mars 1784)
- no 16 en ré majeur, KV. 451 (22 mars 1784)
- no 17 en sol majeur, KV. 453 (12 avril 1784 dédié à Barbara Ployer)
- no 18 en si bémol majeur, KV. 456 (30 septembre 1784)
- no 19 en fa majeur, KV. 459 (11 décembre 1784)
- no 20 en ré mineur, KV. 466 (10 février 1785)
- no 21 en do majeur, KV. 467 (9 mars 1785)
Dès les années 1780, il existe désormais une génération de jeunes virtuoses du piano forte, instrument capable d'un jeu dynamique, à l'inverse de la sonorité colorée et allègre mais sans nuances du clavecin. C'est le cas de Barbara Ployer (1765-1811), jeune fille de bonne famille et élève de Mozart à laquelle il dédicace deux œuvres ; l'enseignement en privé est devenu l'un de ses rares gagne-pains.
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| étourneau sansonnet |
Cette chronique s'allonge mais je ne peux me résoudre à zapper sur une charmante anecdote. Mai 1784, Mozart acquiert un étourneau sansonnet comme animal de compagnie chez un oiseleur (Papageno de la flûte enchantée ?). 🐦⬛Cette espèce peut imiter une voix ou une mélodie. Mozart décide de lui enseigner le thème joyeux du 3ème mouvement 🐦⬛ de son concerto N°17 achevé le 12 avril et sans doute en cours de répétition. Il y aurait réussi, ce qui donnait ceci :
Comparez avec le thème 🐦⬛joué par Andreas Steir, la similitude, hormis un point d'orgue improvisé par le volatile, est bluffante… Réelle ou pas, l'histoire est attachante. 🐦⬛L'oiseau vivra trois ans, Mozart organisera ses obsèques et lui écrira une épitaphe (Clic).
Orchestration : 1 flûte, 2 hautbois, 2 bassons, 2 cors et les cordes. Trois mouvements (Partition) :
1 - Allegro, en sol majeur, à 4/4 : ne cherchons pas la moindre intention sentimentale dans l'ouverture disons… virile. La jeune Babette est dédicataire et non source de désir fantasmé. Mozart écrit depuis plusieurs années en privilégiant son introspection au badinage dans les concertos. Il réserve son attrait pour le marivaudage aux opéras. L'introduction sublime la forme symphonique. Le discours se déploie fermement, épique, avec des vents très présents destinés à vitaliser cette longue ouverture. [1:10] Une second motif plus léger, legato, s'immisce pour adoucir le dialogue. Une conclusion moins virulente en termes de nuances précède l'entrée du piano.
[2:19] Au faste orchestral succède une péroraison moins austère du piano mêlant la double thématique initiale. [3:21] troisième thème introduit par le piano solo. Stylistiquement, nous écoutons là une esquisse du style romantique avec des contrastes mélodiques oscillant entre joie et tourment. Mozart a franchi le pas d'un classicisme plus émotionnel qu'il suivra jusqu'au concerto 27.
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| Demoiselle au clavier (non, pas Babette) |
La richesse de l'allegro d'une douzaine de minutes m'impose une interruption. Après un passage centrale à la fois poétique, secret et tendre, des reprises énergiques et concertantes nous conduiront à la cadence [9:44]. Mozart improvise une énigme sous forme de motifs diversifiés isolés par des pauses interrogatives. [11:12] Coda. Vertigineux !
2 - Andante, en do majeur, à ¾ : Quelques mesures cadencées aux cordes invitent les bois à un colloque. De nouveau une longue entrée en matière orchestrale fait écho au futur dialogue poétique beethovénien, celui de la symphonie "pastorale". [1:20] L'orchestre sort de sa rêverie. [1:52] Le piano expose un thème âpre et solitaire en sol mineur, une tonalité affligée. Tout le mouvement se développera dans un climat crépusculaire teinté de sérénité néanmoins. Les virevoltants divertimentos sont désormais des souvenirs de l'enfance, Mozart pratique l'auto-psychanalyse musicale. [7:42] Mozart insère une cadence, absente à l'avenir. Il recourt à toute la tessiture du clavier, des notes les plus graves aux trilles dans l'extrême aigu. [9:33] Coda avec de nouveau une participation conséquente des bois.
3 - Allegretto, en sol majeur, à 4/4 : Mozart, le compositeur de toutes les surprises, de tous les contrastes. Si l'andante psalmodiait une cantilène méditative, l'allegretto énonce au piano une phrase primesautière dominée par la flûte soutenue aux cordes. Quelques motifs guillerets des bois s'insinuent de-ci de-là. Ce bloc introductif est repris in extenso. [0:46] Le piano s'élance dans un solo lyrique cantabile construit sur la thématique initiale. Il est rapidement rejoint par les cordes qui se veulent éthérées. Les bois ont pris congé. Mozart s'amuse à enchaîner les variations. [1:34] Flute, hautbois, cor et basson jouent à l'unisson aux soldats de plombs (p), une marche drolatique pendant, qu'indifférent le clavier monte et descend des arpèges 😲. Le génie mozartien s'exprime tout à fait dans cette espièglerie. Je vous laisse découvrir les autres variations. On appréciera la prise de son du basson spatialisé avec précision, à [3:30] par exemple. [3:58] À mi-parcours du final, l'orchestre et en vedette, les cors, s'élancent en rugissant pour introduire une grande coda au lyrisme opératique. Utilisant un virulent thème complémentaire, l'orchestre et le piano s'unissent pour enflammer la conclusion du concerto avec… d'étonnantes trilles des cors.
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Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |














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