lundi 29 décembre 2025

CRUSELL, DU PUY, BERWALD, BRENDLER – 4 concertos pour basson – J. LUOMA et J.NISONEN (2025) – par Claude Toon


- C'est rare Claude que tu nous fasses écouter un récital instrumental. Aujourd'hui des concertos pour basson, un instrument moins bien servi dans ce répertoire que le piano ou le violon…

- Pas faux Sonia… La plupart du temps, il s'agit de curiosités divertissantes que des compositeurs écrivent pour un ami virtuose du grand-père basson de petit Pierre dans le conte musical de Prokofiev Pierre et Loup…

- Et par ailleurs, nous allons rencontrer quatre compositeurs encore absents de l'index… A priori, ce sont les artistes et les producteurs du disque qui ont fait ce choix…

- En effet, Franz Berwald le suédois est assez connu, contemporain de Beethoven, mais je n'ai jamais commenté l'une de ses symphonies pourtant réputées…

- C'est rigolo, tant le bassoniste que le chef sont des balaises fort dégarnis, on dirait des frangins et des gaillards à ne pas trop taquiner…


Bernhard Henrik Crusell

Édouard Du Puy

Franz Berwald

Eduard Brendler




Clarinette de
Heinrich Genser

Cet album original nous vient de Finlande. Ondine est un label imaginatif. Nous avons déjà écouté la symphonie N°2 de John Corigliano gravée par ce label, une œuvre contemporaine du compositeur Yankee qui n'a qu'un seul disque concurrent chez… Chandos.

Le programme réunit deux concertos de forme classique en 3 mouvements signés Bernhard Henrik Crusell et Édouard Du Puy mais également un Konzertstück de Franz Berwald et pour terminer un Divertissement de Eduard Brendler.

J'avoue que je ne connais que de nom Franz Berwald sans en être fan  et… pas du tout les trois compères qui l'entourent ! Quelques lignes pour chacun dans l'ordre d'apparition sur le disque :

Carré de compositeurs du Nord

Jaakko Luoma
Basson vers 1800

Bernhard Henrik Crusell : né en Finlande en 1775 et mort à Stockholm en 1838 doit sa célébrité à sa virtuosité comme clarinettiste, instrument nouveau à l'âge classique des Lumières. Il construit son début de carrière en interprétant brillamment les concertos de Mozart, puis de Weber, Krommer, Beethoven et d'autres moins connus. Il bénéficia des progrès considérables apportés à la clarinette en jouant avec des instruments du facteur Heinrich Genser de Dresde dont celle illustrant cette page : 11 clés en laiton, une caisse en buis et des anneaux en ivoire. Crusell composera peu : quelques opéras, et des pièces de chambre ou des concertos principalement pour les vents. La discographie n'est pas indigente, loin de là. Il existe plusieurs albums comportant des concertos pour clarinette, logique.

Édouard Du Puy : né en Suisse en 1770 (comme Beethoven) il acquiert plusieurs cordes à son arc, ou plutôt à son violon, l'un des instruments qu'il maitrisait tout comme le piano et la voix (basse chantante). Il est également maestro et compositeur ! Pendant la période troublée des guerres napoléoniennes, il soutient l'Empereur, ce qui lui vaudra d'être banni de la Suède par le roi Gustave IV Adolphe et de partir pour Copenhague. Son interprétation de Don Giovanni le rend célèbre. Mais Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark et les embrouilles politiques conduisent Du Puy à un nouveau bannissement et après un passage à Paris, il est de retour en 1810 à Stockholm (Gustave IV Adolphe ayant été déposé par un coup d'État, Édouard est amnistié) jusqu'à sa disparition en 1822. On lui doit onze opéras-ballets, opéras-comiques, etc. dont fort peu ont traversé les âges et des œuvres chambristes ou orchestrales dont neuf concertos pour divers instruments. La discographie propose quelques disques dédiés à ce répertoire instrumental. 

Franz Berwald : (1796-1868). Il est né à Stockholm. La musique de ce jour trouve des racines nordiques indéniablement. Côté cancans, son grand-père aurait eu 25 enfants, ce qui fait de Bach un petit joueur 😊, avec vingt naissances (bien peu ont atteint l'âge adulte 😟). Dans la nombreuse descendance, on rencontre moult de musiciens dont le père de Franz, Christian Friedrich Berwald est violoniste et donne les premières leçons à son fils à l'évidence surdoué. Franz occupe de 1812 à 1828 un poste de violoniste et d'altiste dans l'orchestre de l'opéra royal. Il compose déjà. En 1829, il part tenter sa chance comme compositeur à Berlin. Dans un Berlin musicalement hyperactif, le suédois ne trouvera pas sa place et devient orthopédiste. Il crée un institut d'orthopédie. Il invente des appareillage efficaces et en 1835 la société a pignon sur rue. Il faut bien se nourrir… 


Janne Nisonene

Toujours obnubilé par sa vocation de compositeur, Franz déménage pour Vienne en 1841, capitale européenne de la musique haut de gamme. Marié depuis peu, il doit faire bouillir la marmite et il tente de concilier composition et orthopédie. À Vienne, ses premières œuvres sont remarquées et même jouées. Malgré tout, un an plus tard, en 1842 il retourne à Stockholm pour une période de quatre ans qu'il met à profit pour composer ses quatre symphonies qui de nos jours constituent le cycle le plus apprécié de son catalogue. 1846, départ pour Paris, tout en bourlinguant entre les grandes villes européennes. L'Europe l'apprécie, il est nommé membre honoraire du Mozarteum de Salzbourg en 1847 ! Financièrement, Franz galère toujours et devient maître verrier dans le nord de la Suède. Il continue de composer en dilettante… Son catalogue ne comporte que 80 pièces et il faut attendre le XXème siècle pour le voir reprendre sa place dans l'histoire de la musique.

Il meurt en 1868 à Stockholm. Franz Berwald personnage pittoresque et pour le moins créatif… 



Prince Oskar

Eduard Brendler : Rendons-nous à Dresde, où Eduard Brendler voit le jour en novembre 1800. Il part avec sa famille pour la Suède en 1801. Son père flutiste réputé décide pourtant que son fils vivra du négoce… Pourtant le garçon aime la musique et joue de la flûte avec talent. Il devient un proche du roi Oskar et de certains membres de la cour.

Il ne pourra composer que pendant les quatre dernières années de sa vie. Un destin tragique l'attend, il meurt brutalement de maladie à 30 ans. Il s'essayait à tous les genres, y compris un opéra, Ryno, que le jeune prince Oskar de Suède achèvera.

Dans ses rares compositions, on distingue l'influence de Louis Louis Spohr.

~~~~~~~~~~~~~~

Casting

Jaakko Luoma est originaire de Lohja, ville finlandaise proche d'Helsinki. Il est né en 1973. Jeune ado de 11 ans il débute ses études de basson avec Matti Tossavainen puis intègre l'Académie Sibelius pour se perfectionner avec László Hara et Jussi Särkkä. Ajoutons un passage à Paris auprès de Pascal Gallois, instrumentiste de grande réputation. Diplômé en 1993, il devient membre du Tapiola Sinfonietta dirigé par Jean-Jacques Kantorow. De 1996 à 1998, il est bassoniste solo de l'Orchestre de Paris alors dirigé par Semyon Bychkov dont nous parlerons dans quelques temps. Il a également occupé ce pupitre de l'orchestre de la radio de Berlin (Rundfunk-Sinfonieorchester) alors dirigé par Christoph Eschenbach entre 2001 et 2003.



Après ce début de parcours prestigieux, il poursuit sa carrière comme soliste tant sur des bassons de type français qu'allemand (Vélocité pour le mécanisme français donc bien adapté pour les concertos virtuoses, gravité et puissance pour son confrère germanique ce qui est appréciable dans l'orchestre) mais aussi sur des bassons de l'époque baroque. Sa discographie est diversifiée, de Mozart à Hummel, en passant par nombre de petits maîtres tels ceux écoutés ce jour… Wikipédia récence 70 concertos dont 38 de Vivaldi et sachant que ceux proposés dans notre disque n'y figurent pas (compositeurs trop peu connus), on réalise que le répertoire est sans fin…

~~~~~~~~~~~~~~

Janne Nisonen est un violoniste et chef d'orchestre finlandais. Sa date de naissance reste très secrète ! Son âge estimé ? disons entre 40 et 50… Il a étudié le violon dès l'âge de quatre ans. Devenu virtuose, il joue sur un Nicolo Gagliano de 1751 (prêt de la société Lähi Tapiola). Il ne s'arrête pas là et à l'Académie Sibelius, auprès de Hannu Linnu et Atso Almila, il étudie la direction d'orchestre. Nisonen devient premier violon solo du Tapiola Sinfonietta dont il assure la direction depuis 2016. Il est invité à diriger des phalanges de renom telles l'Orchestre symphonique de la radio finlandaise, l'Orchestre philharmonique de Tampere, l'Orchestre philharmonique d'Helsinki et l'orchestre de chambre de Brème. Janne Nisonen devient un spécialiste incontournable du répertoire de l'époque classique et du début du romantisme, exemple : le programme original d'aujourd'hui. Entre 2007 et 2025, il a gravé cinq disques pour Ondine.

~~~~~~~~~~~~~~

Quatre concertos et pièces divertissantes

De la fin du baroque tardif au début du XVIIIème siècle jusqu'au début du romantisme un siècle plus tard, le perfectionnement des instruments à vent est considérable. La qualité de la fabrication, l'ajout de clés remplaçant les perforations obstruées par les doigts et l'apparition de la clarinette permettent une vélocité et une précision accrues du jeu des notes naturelles ou altérées. Ces progrès techniques expliquent la profusion de compositions pour les virtuoses.

Le disque comporte quatre ouvrages dédiés Frans Carl Preumayr (1782-1853), bassoniste d'origine allemande mais très présent en Suède. Il fut également chef d'orchestre et de chœur dans l'armée allemande. Son talent a conduit les quatre compositeurs cités à lui écrire ces concertos ou pièces concertantes. Aucune ne justifie une analyse psychologique très poussée, elles sont destinées à permettre à un instrumentiste de talent de faire briller toutes les possibilités du basson.


Frans Carl Preumayr

Le concerto de Bernhard Henrik Crusell, fut publié à Leipzig en 1829. Concerto ? admettons de par sa composition en trois mouvements. Il ne répond guère aux règles formelles du concerto, pas d'introduction symphonique très marquée, pas de mouvement lent méditatif. Il est techniquement d'une difficulté redoutable, la thématique est riche, opposant galanterie et poésie. L'allegro moderato est curieusement rythmé et impose des trilles au soliste. Le développement exige une vélocité diabolique. La forme sonate cède la place à un enchaînement de passages sereins ou hardis. Très inspiré Bernhard Henrik Crusell 😊.

Le concerto de Édouard Du Puy  répond à une forme concerto plus classique. Ainsi, l'Adagio Non Troppo – Allegro Moderato ne se limite pas à faire briller le soliste. L'écoute de la dramatique introduction en témoigne. Le basson dialogue plus intimement avec l'orchestre plus complet que dans celui de Crusell. Des trois œuvres du disque, voici la plus romantique, violente et là encore, on n'imagine pas que l'on puisse jouer des mélodies aussi exaltées avec un basson, soulignons les sauts de tessiture vertigineux… À connaître et à inscrire plus souvent aux programmes de concert. L'adagio oppose mélancolie et climat épique. Comme tout rondo, le final déploie une chevauchée un peu folle mais un tantinet plus banale car au discours trop appuyé sans période de repos. Grandement amusant cependant…

Le Konzertstück  de Berwald et Le Divertissement d'Eduard Brendler sont des ouvrages fantasques et courts construits autour d'une thématique festive et des variations.

Le tableau suivant la vidéo YouTube indique le plan des œuvres et leur orchestration. 


Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée.

Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…


INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. 




1774

Bernhard Henrik Crusell : Concerto pour basson en si bémol majeur (Partition)

 

[1] Allegro Brillante

[2] Allegro modéré

[3] Polacca

 

Orchestration :

2 hautbois, 2 cors, violons I & II, altos, violoncelles et contrebasses à l'unisson.

1812

Édouard Du Puy  : Concerto pour basson en do mineur

 

[4] I. Adagio Non Troppo – Allegro Moderato

[5] II. Adagio 6h00

[6] III. Rondo – Allegretto

 

Orchestration : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons,

2 cors, 2 trompettes, 1 trombone (Rondo), timbales et cordes.

1827

Franz Berwald : Konzertstück en fa majeur, op. 2 (Partition)

 

[7] Allegro non troppo

Orchestration : 1 flûte, 2 hautbois, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes,

timbales et violons I & II, altos, violoncelles et contrebasses à l'unisson..

1828

Eduard Brendler : Divertissement en si bémol majeur

 

[8] tempo di marcia

Orchestration : 2 flûtes, 2 clarinettes, 2 cors, timbales et cordes.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire