vendredi 11 octobre 2024

QUAND VIENT L'AUTOMNE de François Ozon (2024) par Luc B.



Les films de François Ozon se suivent de très près, mais ne se ressemblent pas. Y’a des hauts, des bas, des hauts qui font débat, et des moyens. Là, avec QUAND VIENT L’AUTOMNE, on serait dans les moyens, mais pas déshonorant pour autant, grâce à la présence d’Hélène Vincent, qui illumine le film de sa sensibilité.

Ils ne se ressemblent par pas leurs mises en scènes, leurs ambiances, certains sont typés, référencés, comme HUIT FEMMES, POTICHE, ou MON CRIME, d’autres plus vénéneux sous influence hitchcockienne comme DANS LA MAISON (un de ses meilleurs) ou L’AMANT DOUBLE (un de ses mauvais). QUAND VIENT L’AUTOMNE, joli titre, est un scénario original, dans la veine naturaliste, certains ont pensé à Claude Chabrol, mouais, pourquoi pas, m’enfin on ne va pas citer Chabrol dès qu’un film se passe en province…

Un Ozon que je qualifierai d’un peu paresseux, sur l’écriture comme sur la mise en scène, le sujet aurait mérité qu’on s’y applique davantage, notamment sur l’exposition, un peu longuette et très plan-plan. J'ai compris le principe, illustrer le quotidien organisé, les taches répétées, les petites habitudes ancrées, jusqu'au café de 10h45 pétantes avec la copine. Ainsi découvre-t-on Michelle, dans son village de Bourgogne, une mamie bigote encore alerte (Hélène Vincent, 81 ans!) que Ozon filme à son potager, éplucher ses légumes, cuisiner sa quiche, accompagner en voiture sa copine Marie Claude (Josiane Balasko) à la prison d’Auxerre, on saura pourquoi plus tard. Elle se pomponne avant l’arrivée de sa fille Valérie, récemment divorcée, qui dépose son gamin chez sa mère pour les vacances. 

Comme souvent chez Ozon, le vernis des bonnes manières se craquelle rapidement. Valérie est odieuse (Ludivine Sagnier) avec sa mère, y’a visiblement un gros contentieux. Et quand par inadvertance Michelle empoisonne sa fille avec la poêlée de champignons cueillis le matin même, qui s’en tire avec un bon lavage d’estomac, Valérie l’accuse de l’avoir fait exprès : « vous n’y êtes pour rien, non ? » demande le médecin à Michelle, qui met trop de temps à répondre…

Le point positif, c’est que François Ozon monte son film autour de deux femmes âgées, sans qu’il soit question de maladie, sénilité, bref des personnages normaux, sauf qu’ils sont vieux. On fait quoi de ses journées quand on vit seule, à 80 balais ? C’est assez rare pour être souligné. Et on suit les deux copines en vadrouille, s’interroger sur ce qu’elles ont fait de leurs vies, de leurs enfants. La fille de l’une, Valérie donc, rapiat, susceptible, une vie de merde dans un appart merdique, la faute à qui, à sa mauvaise mère. Le fils de l’autre, Vincent, trentenaire bas du front, incarcéré, qui va sortir de taule, et gagner trois sous en travaillant chez Michelle. Il y avait quelque chose à creuser un peu plus dans ce constat d’échec de ces deux femmes, qui ont tout de même décidé de rebondir et ne pas laisser la vieillesse leur gâcher la vie. 

Autre aspect intéressant, Ozon exploite les non-dits. D’où vient ce lien d’amitié entre ces deux femmes ? On le saura plus tard, un passé commun à l’origine de la brouille entre Michelle et sa fille. Pourquoi Vincent était-il en taule ? On ne saura pas. Que s’est-il passé exactement à Paris sur le balcon de Valérie, quand Vincent lui a rendu visite ? Le petit fils, Lucas, a-t-il reconnu l’homme en capuche à qui il a ouvert la porte de l’immeuble ? Lorsque Vincent se confie à sa mère, pourquoi n’en parle-t-elle pas à Michelle ? Et quand celle-ci finance le projet de bar tabac de Vincent, pourquoi n’en parle-t-elle pas à Marie Claude ? Autant de questions qui interrogent (sic) et qui obligent le spectateur à remplir les blancs. Du coup, en sortant de la salle, tout le monde a un avis qui diverge.

Mais le souci, même si ces mystères additionnés suscitent l’intérêt, le rythme de l’ensemble est assez ramollo. Ozon, qui souvent est habile avec sa caméra, semble ici la poser sur son trépieds au p’tit bonheur la chance, on est pas loin d’une réalisation à la Louis la Brocante. Et que je panote à droite, puis à gauche… Comment peut-on encore oser monsieur Ozon, en 2024, filmer une voiture qui démarre, puis un plan sur la bagnole qui passe, puis un troisième où elle arrive…

Je n’ai pas trouvé de gestes de cinéma auxquels me raccrocher, même si l’ultime plan est magnifique, cela vient trop tard. La campagne bourguignonne est joliment filmée, belle lumière, quand on connaît le coin, faudrait vraiment le faire exprès pour que ce soit moche. Il y a un manque de tension, de mordant (non, ce n’est pas du Chabrol !) le film est loin d’être aussi vénéneux que les fameux champignons, l’aspect policier arrive trop tard. En plus le gamin Lucas est assez tête à claque, pas très bon, loin du gosse dans ANATOMIE D’UNE CHUTE, Pierre Lottin est trop dans la caricature de son rôle de bad boy qui a tout de même un coeur.

Reste la prestation de Josiane Balasko et Hélène Vincent, cette dernière est d’un grande justesse, une précision de jeu dans ses regards qui d’un coup semblent fuir, s’éclairer différemment.


Couleur - 1h40 - format 1:1.85 

8 commentaires:

  1. J'en ai vu une poignée d'Ozon, j'aime pas trop son cinéma centriste, mis à part le réquisitoire "Grâce à Dieu", il me semble assez atypique dans le peu que je connais de sa filmo ...

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  2. Shuffle Master.12/10/24 08:53

    Pareil. "Cinéma centriste", c'est ça. Et puis le type tourne trop. Preuve qu'il n' a rien à dire.

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  3. J'avais assez aimé "8 femmes" à l'époque, "Potiche" aussi, pas mal mais cela ne m'intéresse pas plus que ça.

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  4. Pour moi, Ozon est le plus grand réalisateur français (avec Jacques Audiard). Il a certes "loupé" certains films ("L'amant double"), mais la plupart, malgré leurs quelques petits défauts, sont des petites pépites. Parmi celles-ci, "Quand vient l'automne", "Mon crime", "Tout s'est bien passé", "Eté 85", "Jeune et jolie", "Grâce à Dieu", "Frantz", "Dans la maison", "Potiche",...S'il est vrai que la réussite de ces films est aussi en partie du à des acteurs(actrices) de premier plan, ses dons de réalisateurs ne peuvent être occultés et les 36 ans de sa carrière peuvent être considérés comme étant le CV le plus accompli d'un réalisateur français actuel, en pleine force de son âge....

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  5. Je suis assez d'accord, malgré l'avis de Lester et Shuffle, Ozon en a réussis bien plus qu'il n'en a ratés, il trace un sillon, c'est cohérent, on retrouve les deux ou trois mêmes thèmes mais traités sur des modes différents, plus ou moins "sérieux". Et dans des genres très différents, Mon Crime et Eté 85, par exemple, étaient tous les deux réussis. Maintenant, je ne pense pas qu'il ait un chef d'oeuvre à son actif, pas encore, 8 Femmes se hisse haut sur le podium. Même si j'aime l'expression "cinéma centriste", j'avoue ne pas comprendre à quoi elle se rattache concernant Ozon, dont le thème le plus abordé est la famille dysfonctionnelle, donc le registre de l'intime, dans ce qu'il montre ou suggère des liens, je ne trouve pas ça très centriste !

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    1. Le cinéma centriste, c'est les trucs qui s'acharnent à pas faire de vagues genre Philippe de Broca, Yves Robert, Patrice Leconte, les Jabac, Ozon, ...
      En musique Peter Gabriel, Dire Straits, les Doobie Brothers, James Taylor, ...
      En politique, Hollande, Bayrou, Bertrand, ...
      Les trucs tout sympas, tout mous, sans aucune conviction et finalement sans intérêt ...

      Je me rappelle avoir lu sur un mag (Première ?) pour aller voir et "vendre" Potiche, ils avaient donné trois bonnes raisons, l'une était "voir Deneuve en survêt rouge faire un jogging" ...quand il reste plus que ça comme argument, tant valait-il qu'ils filent le rôle à Marielle de Sarnez, ça aurait été au moins aussi drôle ...

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    2. Tu triches : Hollande, Bayrou et Bertrand, ne sont qu'une et même personne !

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    3. La politique française, "50 nuances de droite"...

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