mardi 23 août 2022

CHEZ GÉGÈNE - par Pat Slade



Petite chronique rafraichissante pendant cette période de canicule !

A JOINVILLE-LE-PONT …PON ! PON !


Nos parents et même nos grands-parents se souviennent des bals du dimanche quand ils allaient guincher et se souffler des mots doux au creux de l’oreille entre deux valses. L’époque des guinguettes, que ce soit en bord de Seine, de la Loire ou même sur les bords de la Saône n'est pas révolue, les danseurs ont juste pris un coup de jeunes. 

en 1906, la République généralise le repos hebdomadaire. Cette décision permet aux parisiens de s’échapper dans une campagne proche et accessible grâce aux progrès des transports. Les Bords de Marne deviennent alors des lieux familiers et appréciés. La guinguette est un symbole de la culture des bords de Seine et de Marne. Leur histoire est liée aux loisirs ouvriers et au «dimanche au bord de l’eau» pour y exercer des activités variées, très souvent liées à la rivière comme du canotage, de l’aviron, de la natation, de la pêche. Choses qui de nos jours ne seraient plus réalisables, le canotage peut être encore, mais pour la natation il faut se munir de son carnet de vaccination et pour la pêche, je ne sais pas si le poisson aurait un bon goût, mais on pouvait aussi s’amuser avec les jeux de foire, de quilles, de boules et balançoires. La cuisine était simple mais savoureuse, autour d’un vin blanc frais on mangeait une friture de poisson ou une fricassée de lapin, mais l’activité principale restait la danse. On pratiquait la valse, la polka et plus tard la valse musette. L’étymologie de guinguette aurait plusieurs significations, la première viendrait du vin de Montmartre ou de Belleville produit en dehors de Paris appelé «Ginguet» est vendu moins cher et évite de payer la taxe de marchandise rentrant dans Paris. Quand la ville s’agrandit, les bistrotiers émigrent sur les bords de Seine et de Marne, l’environnement de la rivière aux plaisirs de la table et de la danse voit le jour. Le mot «guinguette» est en effet lié aussi au mot «giguer» qui signifiait «sauter».

Mais la plus célèbre guinguette, celle qui est une institution française s'appelle «Chez Gégène », et personne n’aurait connu cette guinguette s’il n’y avait pas eu une chanson écrite en 1953 par Roger Pierre et composé par Étienne Lorin et Joinville-le-Pont la ville du Val-de-Marne ne serait que l’endroit où se trouvaient les studios de cinéma Pathé et je tiens a rajouter que le bataillon de Joinville (le bataillon des sportifs) se trouve à Saint-Maur, il n’y a qu’a traverser la Marne. C’est un peu comme si la chanson d’Yves Montant «Luna Park» qui commence par ces paroles : «Dans mon usine de Puteaux…», personne n’aurait pu placer Puteaux sur une carte.

"la Péniche" de Mr Rossignol
Mais la célèbre guinguette a une histoire. Au début du XXe siècle, c’est une simple péniche tirée sur la berge, appartenant à un certain Mr Rossignol. Il appellera sa guinguette «La Péniche» tout simplement, mais le bonhomme n’est pas très clair, même si il a une clientèle de parisiens et de banlieusards, les apaches fréquentent aussi son établissement. La préfecture de Paris ayant participé à la création de la guinguette, Mr Rossignol était un indic précieux auprès des autorités. «La Péniche» brûlera dans un incendie en 1914, l’histoire ne dit pas si le sinistre sera accidentel ou une conséquence des activités douteuses de son tenancier. 

Eugène "Gégène" Favreau
En 1918 arrive Eugène Favreux, le fameux Gégène qui arrivera en roulotte et s’installera à l’emplacement de l’ancienne «Péniche», Eugène est le roi de l’animation. Tout de suite il mettra en place des distractions comme les quilles, les balançoires, mais il fera aussi dans l’exotisme avec un dromadaire  (qui m’a l’air d’être un chameau). Sur la marne, on canote, on fait des joutes. Eugène Favreux, en plus de sa guinguette, s’occupe des cuisines des studios du centre français du cinématographe. «Chez Gégène» va vite devenir le lieu à la mode. Pendant la seconde guerre, la fête continue et la guinguette sera un havre de paix.

Photo de Robert Doisneau
En 1953 sort la fameuse chanson «A Joinville-le-Pont». Bourvil va la créer, la valse aura un succès immédiat et donner une notoriété à la guinguette. On ne compte plus le nombre impressionnant de reprise. Le mythe «Chez Gégène» est lancé, il sera le lieu de beaucoup d’inspiration d’artiste comme le photographe Robert Doisneau, beaucoup d’acteurs y tourneront (Jean Gabin, Pierre Fresnay, Jean-Louis Trintignant, Marie-José Nat, Yvonne Printemps… etc.), la télévision, la mode profiteront du parquet ciré pour faire ses émissions et les défilés de mode.

2022 «Chez Gégène» existe toujours et pour le menu n°1, il vous faudra débourser 47 € pour une terrine au deux saumons, un magret de canard au trois poivres, apéritif, dessert, café et vin compris. En supplément pour 3 € par personnes vous pourrez avoir une friture de poisson pour l’apéro ! 4 Menus, le plus cher est à 82 € mais vous en avez pour votre argent ! Il existe même un menu végétarien (Ce n'est plus le Deblocnot, mais "Le guide du Routard")

Jean Gabin "la Belle Equipe"
«Chez Gégène» c’est un peu l’image de la guinguette du déjeuner des canotiers le tableau D’Auguste Renoir ou du film de Julien Duvivier en 1936 «La Belle Équipe» avec Jean Gabin et Charles Vanel, l’image d’une France ou il faisait bon vivre.

Vous aimer guincher ? Allez «A Joinvill’ le Pont Pon ! Pon ! Tous deux nous irons Ron ! Ron ! Regarder guincher Chez ! Chez !   «Chez Gégène» !»  







je dédis cette chronique à Éric Bouillette le sympathique guitariste de Nine Skies,  Solace Supplice, The Room qui vient de nous quitter. tout les condoléances de l'ensemble du Déblocnot vont à Anne-Claire sa compagne à la ville comme à la scène. Beaucoup l'ont connus et tous le regretterons.

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