mardi 5 mai 2020

UN TAXI POUR TOBROUK de Denys de La Patellière (1961) - par Pat Slade



Nous avons tous au moins un, si ce n’est plus, film culte. Pour ma part c’est un film de 1961 qui parle de la guerre, mais qui n’est pas guerrier.





HUIS-CLOS DANS LE DÉSERT






Dois-je raconter le synopsis de ce film ? Ce n’est pas une histoire des G7 ou d’Uber, pratiquement tous le monde connait ce classique de Denis De La Patellière et a surtout entendu les dialogues savoureux de Michel Audiard.

Ce film est basé sur une histoire vraie vécue par deux soldats allemands et danois ennemis s’associant pour survivre en 1943 au cœur du Groenland où ils s’étaient égarés, mais d’autre versions existent. Un commando de quatre hommes perdus dans le désert en Libye qui au gré de leurs pérégrinations vont rencontrer un officier allemand.


Une épopée sous les ordres du fusilier marin Théo Dumas (Lino Ventura) bistrotier du faubourg Montmartre et ancien champion de boxe et de ses trois autres camarades comme François Jonsac (Maurice Biraud) un intellectuel en mal d’aventures, Samuel Goldmann (Charles Aznavour) un médecin juif et Paolo Ramirez (German Cobos) un condamné à mort évadé. Ils seront rejoints par un officier allemand fait prisonnier, le capitaine Ludwig von Stegel (Hardy Krüger) de l’Afrika Korps. Et ce petit groupe va cohabiter avec l’ennemi jusqu’à ce qu’il puisse rejoindre sa base. 

«Un Taxi pour Tobrouk» est avant tout un film de scénariste et de dialoguiste, il doit sa postérité à Michel Audiard. Une manière de raconter une parenthèse en temps de guerre et le dialogue s’accapare la réalisation. En 1942, Tobrouk fût le théâtre de nombreuses batailles et ces quatre soldats français et leur prisonnier allemand vont découvrir le sens du mot solidarité. Un film antimilitariste..
Et en adaptant le roman de René Havard, Denis De La Patellière évite tous les clichés anti-Allemands. Les mots d’Audiard entre l’argot et les injures de Lino Ventura et de German Cobos et le ton professoral de Maurice Biraud et de Charles Aznavour (les deux brutes et les deux intellos) vont créer un contraste. «Quand on est cintré comme toi, on porte un écriteau, on prévient» (Ventura), «Je crois docteur que l’homme de Neandertal est en train de nous le mettre dans l’os, deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche» (Biraud), «J'aime pas penser à reculons. Je laisse ça aux lopes et aux écrevisses» (Ventura), Un allemand qui se révèle mieux parler français que les Français eux-mêmes «Mais tu cause français ma salope !» (Cobos), «Je ne le cause pas, je le parle» (Krüger)… et tout le long du film, de petites phrases savoureuses comme Michel Audiard savait en tricoter.

Un film qui ne sera pas tourné en Afrique du Nord, nous sommes en 1961 et le conflit en Algérie faisait rage, ni au Maroc indépendant depuis 1956.  Denys de la Patellière va se délocalisé au sud-est de l’Espagne, dans une région désertique proche d’Almeria, lieu qui deviendra le royaume du western spaghetti et où David Lean posera ses caméras l’année suivante pour «Lawrence d’Arabie».

Michel Audiard qui a souffert sous l’Occupation, n’a pas cherché à flatter le peuple français : en évoquant le père de François Gensac (Maurice Biraud), il effleure le sujet sensible de la collaboration et de Vichy. Il prend aussi soin d’éviter d’utiliser le mot "nazi", préférant des termes plus joviaux comme "Fritz" ou "Bismarck". Ce huit clos dans le désert ressemblerait presque à une cour d’école ou chacun des protagonistes cherche à dominer l’autre, surtout lorsque l’Allemand réussit à reprendre le pouvoir un cour instant. La séquence se clôt sur un pique-nique cordial dans le désert au cours duquel les protagonistes plaisantent tout en s’interrogeant sur leur présence dans ce conflit.
Une leçon antimilitariste, pacifiste, l’esprit de camaraderie propre à l’armée en mêlant le drame à la comédie avec son lot de scènes symboliques comme le médecin juif soignant la main du capitaine allemand. Et puis le thème musical du film resté célèbre composé par Georges Gavarentz et Charles Aznavour «La marche des Anges».

Le dernier des acteurs encore en vie de cette histoire est Hardy Krüger qui fêtera ses 92 ans. Lui aussi fut engagé pendant la seconde guerre mondial, il fut condamné à mort pour lâcheté après avoir refusé d’exécuter des prisonniers américains noirs. 

«Un Taxi pour Tobrouk» Un classique du cinéma typique des années 60 qui se classera quatrième du box-office et réunira 4.946.000 spectateurs. 




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