mercredi 20 mars 2024

Buddy MILES " Blues Berries - featuring Rock ATHAS " (2002), By Bruno





      Buddy Miles, un fameux batteur qui restera surtout connu pour avoir fait partie du Band of Gypsys, avec Jimi Hendrix et Billy Cox, et sa participation à deux morceaux sur le double "Electric Ladyland" ; voire pour sa composition "Them Changes" - également titre de son savoureux troisième album solo - tellement de fois repris. Une riche carrière débutant précocement, dans les années 50, à l'adolescence, lorsqu'il intègre le groupe de Jazz du paternel, avant de s'émanciper la décennie suivante à travers une poignée de groupes sans réel avenir, avant d'intégrer le groupe de scène de Wilson Pickett. Jusqu'en 1967, où Nick Gravenites et Mike Bloomfield le prient de se joindre à leur projet : Electric Flag. formation assez avant-gardiste avec sa section de cuivres qui préfigure le Chicago Transit Authority et le Keef Hartley Band. 

     Son jeu de batterie, assis sur de solides bases jazz, était un véritable condensé de groove Soul, de puissance Rock et de cadences Funky. Son sacerdoce ayant toujours été une fusion de ces genres. Mais c'était aussi un bon chanteur (l'un des meilleurs d'après Mike Bloomfield), qui s'était construit principalement en s'inspirant des stars du Rhythm'n'blues et de la Soul des 60's (avec certainement Otis Redding, James Carr et Wilson Pickett pour table de la loi). Un ton faiblement nasillard, une chaude voix de poupon gargantuesque, qui se brise dans les aigues. 
Ce qu'on sait moins, c'est que c'était aussi un honorable guitariste - gaucher (de longue date puisqu'avec Jimi, avant le Band of Gypsys, il a aussi joué de la guitare en public).
 

   C'est aussi ce même Buddy Miles qui est présent sur le volcanique "
Carlos Santana & Buddy Miles ! Live ! " de 1972 (son pourrave mais prestation incandescente) et sur le " Freedom " (1987) du même Carlos. Sur ce dernier, seulement en tant que chanteur. 
Sollicité, il a aussi joué pour Barry WhiteDavid BowieJohn McLaughin (l'album "Devotion"), le traumatisé d'Hendrix Randy Hansen, Stevie Wonder. Même Miles Davis souhaitait enregistrer avec lui.

   Buddy Miles, c'est encore dix-sept (!) albums solo, le premier en 1968 et le dernier - celui-ci - en 2002. Des albums inégaux, passant facilement de l'excellence à l'insignifiant ou l'insipide. Pourtant, ce gros bébé reste assez inconnu du "grand public". Une carrière erratique, émaillée de séjours à l'ombre pour de sombres affaires de drogue, de mauvais choix artistiques, une tendance à aller vers la facilité (à partir de la seconde moitié des années 80) en s'obstinant dans la nostalgie et les reprises éculées, font qu'une partie de son public a fini par se désintéresser de lui.

   En 1992, ce qui aurait dû être une résurrection dans une explosion de heavy-funk-rock délirant avec l'unique album du trio Hardware, "Third Eye Open", avec Stevie Salas, de Bootsy Collins, s'avère relativement décevant en regard du niveau des trois musiciens. (et surtout en comparaison avec les albums de Stevie Salas, bien plus lumineux et enthousiasmants, qui suivront). Probablement que le meilleur de Buddy Miles se situe entre 1968 et 1974 inclus (on lui pardonnera d'avoir, sur le même disque, massacré "Sunshine of Your Love" et "Dust in the Wind", ainsi que l'album douteux "The Band of Gyspys Return"). Notons qu'il a été le mentor de Lance Lopez, qu'il a pris pour l'accompagner sur scène avant de l'aider à se lancer en solo (il produit son premier opus de 1998).

    A la fin du siècle dernier, il tente de relancer sérieusement sa carrière avec un disque en 1998 mais ce dernier s'avère sans saveur, anémié. Enfin, c'est en 2002 qu'il parvient, enfin, à enregistrer un disque qui mérite à nouveau le détour, et qui ne croule pas sous les reprises opportunistes. Pour cela, il s'appuie sur un collectif du nom de "Blues Berries", composé du tandem "Double Trouble", la fameuse section rythmique de feu-Stevie Ray Vaughan, à savoir Chris Layton et Tommy Shannon, et de Mark Leach aux claviers et à l'Hammond B3 (Peter Frampton, Gregg Allman, Colin James, Bernard Allison, Ana Popovic, Brian Auger, Jeff Beck, Cornell Dupree, Johnny Taylor et déjà avec Miles à bord de son dernier Buddy Miles Express), et surtout de Rocky Athas.
 

 Guitariste talentueux, fin rythmicien et soliste expressif, ami d'enfance de Stevie Ray Vaughan, gloire régionale Texane avant de se faire connaître au niveau national en incorporant pour la première fois en 1982 Black Oak Arkansas (en dépannage) - groupe qu'il retrouve à nouveau en 1996, pour la reformation et le disque "The Wild Blunch", et qu'il ne quitte alors que rejoindre Buddy Miles. Auparavant, à 23 ans, Il est honoré par un magazine qui le place dans sa liste des dix meilleurs guitaristes Texas. La chanson "Rocky" de Thin Lizzy 
(sur "Johnny The Fox") lui est dédiée. Le quatuor de passage à Dallas (en 1976 ?), fait un tour au club "Mother Blues", une grande barraque isolée, réputée pour sa chaude ambiance et sa bonne musique live. Eberlués devant la prestation époustouflante de ce jeune guitariste débordant de talent et totalement inconnu hors des frontières texanes (dont la superficie dépasse largement celle de l'hexagone), Thin Lizzy - probablement encore sous le choc - s'est empressé de composer une chanson en souvenir de ce guitariste qui donna de sérieux complexes à Scott Gorham (suivant les propres aveux de l'intéressé).

    Un autre Anglais de passage va bien l'observer et relever une de ses techniques qu'il incorpore à son jeu pour le prochain album de son groupe. Cet Anglais n'est autre que Sir Brian May qui déclarera plus tard avoir vu donc Rocky Athas utiliser le tapping avant qu'Eddie Van Halen ne soit connu. (on remarquera qu'un autre Texan, Billy Gibbons, utilise aussi cette technique, avec parcimonie, sur un célèbre solo de l'album "Tres Hombres").  

  Rocky se distingue par un jeu précis et contrôlé, aussi bien dans ses solos les plus échevelés que dans ses bends à la limite de la rupture et ses attaques de wah-wah. Bien qu'ayant un son, un grain plutôt typé Heavy-rock, c'est bien de Blues-rock qu'il s'agit ici (1). Ou plutôt de heavy-blues, parfois copieusement arrosé de funk (lourd), avec quelques incartades plus Soul - notamment avec "Come on Back" ou Buddy prend même quelques intonations à la Aaron Neville. Des rythmiques assez élaborées, marquées, faisant penser au Robben Ford de l'époque "The Blue Line" (en particulier celui de "Handful of Blues"), mais sans aucune tonalité jazzy, plus marqués par le Rock 70's et un son plus gras, plus typé « Gibson ». C'est relativement propre sans être policé ou édulcoré. A l'exception de "Miss Suga' Fine" qui, avec son riff gras et une rythmique plus appuyée, paraît aguicher le Hard-blues, et "Big Mama", au caractère texan affirmé, entre Stevie Ray et Van Wilks. Même sur les quelques rares longs soli, Rocky évite de tomber dans le pathos, la démonstration stérile. Peut-être juste une impression due à son verbe qui évite l'ennui. La raison étant qu'il insuffle quasiment dans chaque note suffisamment de vie pour la rendre délectable. Même si le slow-blues, "Compassion For the Blues" aurait gagné à être plus court (9 minutes et des poussières)

     Dernier album de Buddy Miles, marquant un intéressant retour à un Blues-rock, à des années-lumière de la période où il s'obstinait à se produire dans une Soul-disco plombée en essayant de piquer la place de Barry White.
Cette réalisation est présentée comme généralement autobiographique, avec quelques « titres hommages » comme « Tobacco Road » - unique reprise de l'album - qui fut la dernière chanson qu'il aurait joué avec un ami défunt. Un certain James Marshal Hendrix, auquel il rend aussi hommage avec un incandescent heavy-funk « Life is What ». Autre hommage à un illustre musicien disparu, l'immense Freddie King, avec « Texas Cannonball » (surnom et titre d'un de ses albums) dans lequel on retrouve des plans d'un de ses succès instrumentaux, « San-Ho-Zay ». 

     Pas toujours apprécié des puristes à cause de Rocky Athas jugé trop rock (?), du moins à sa sortie, il émane de chaque chanson une sorte de force tranquille, une assise inébranlable, qui font que ce disque, sortie en 2002, ne semble pas vieillir. Voire, comme le bon vin, se bonifier avec le temps.



P.S. : Le 26 février 2008, chez lui, parmi les siens, Buddy Miles succombe à une crise cardiaque.

(1) Après la collaboration avec Miles, Rocky Athas rejoint pour quelques années une figure du Blues, du british-blues : John Mayall.



🎶🍒
Article lié (lien) : 👉  Jimi Hendrix " Band of Gypsys " (1970)

8 commentaires:

  1. Il y a exactement 15 ans j'ai lu une chronique sur ce disque et comme c'était en 2009 Rocky Athas venait juste de rejoindre Mayall , cela explique sans doute le rattrapage in extrémis de la mention du passage du texan chez le bluesman. Il est resté 5 ans , quand même succédant à un autre texan Buddy Whittington . J'avoue que j'ignorais hormis cet épisode , tout de la carrière de Rocky Athas

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    1. Même pour ses deux passages chez Black Oak Arkansas ?? 😳

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  2. Shuffle Master20/3/24 10:26

    Pareil pour moi en ce qui concerne Athas, à l'exception d'un dossier dans un magazine de blues petit format, dont le nom m'échappe, qui avait consacré un dossier aux guitaristes oubliés/inconnus, et où figurait le susnommé. J'ai Them changes et Chapter VII. Electric Flag, c'est quelque chose...
    Ce Blues berries n'est pas mal du tout, mais plus de 60 euros....

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    1. Oui, le "A Long Time Comin' " est formidable. Bizarrement, le suivant, "An American Music Band", pourtant sorti la même année, est bien moins bon.
      Le "Them Changes" est généralement considéré comme son meilleur (... aussi, les 3/4 sont des reprises)

      60 € !!?! 😳 Y'a d'l'abus ! 😡
      Et après on parle du crise du disque - même si, apparemment, depuis 2022 ou 2023, les ventes feraient preuve d'une belle progression

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  3. Te fatigues pas Shuffle , le magazine c'est tout simplement "Blues Magazine" !

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    1. Shuffle Master.20/3/24 14:04

      Ah oui, c'était pas compliqué. Tu penses quoi du dernier BBS?

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  4. Pas leur meilleur à mon avis même si ca reste quand même d'un bon niveau. Je préfère le précédent , tout en reconnaissant que leur plus grande réussite fût "A little piece of Dixie" Vu ce week-end en concert Ten Years After ,, hé oui sont toujours là et bien là ! Excellent , trois papy de 78 ans et un guitariste (redoutable) de 40 berges. Le dernier cd studio vaut le détour " A sting in the Tale" 2017

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