lundi 2 juillet 2018

NUIT SANS FIN de Douglas Preston & Lincoln Child (2018) – par Claude Toon



- Mais M'sieur Claude ? Vous nous proposez la suite de Sœurs de Bernard Minier ou quoi ? Il y a un serpent vindicatif sur la jaquette…
- Ah vous avez déjà lu Sœurs et noté qu'une victime meurt mordue par une armée d'ophidiens parmi les plus venimeux. À vrai dire je m'interroge sur cette jaquette…
- Ah bon pourquoi ? Cela dit, j'ai bien vu qu'il s'agit d'un ouvrage des duettistes américains Preston et Child déjà connus du blog… Pas de Minier, hi hi…
- Je ne crois pas que le mot serpent soit utilisé une seule fois dans ce thriller ! Il y est plutôt question de têtes coupées, pas très accrocheur dans un présentoir…
- Oui, en effet, beurk… L'inspecteur Pendergast est de retour dirait-on. Une histoire avec une dimension fantastique ou de science-fiction là encore ?
- Non, un polar classique assez glaçant, et des meurtres pour le moins énigmatiques… Et le pauvre Pendergast a des peines de cœurs…

Lincoln Child et Douglas Preston
Les éditeurs ont parfois de drôles d'idées. Mais que fait ce cobra sur la jaquette ? Il est vrai que l'assassin mis en scène dans ce roman est rampant et venimeux, mais à part cela… Le goût des terrariums était comme le mentionne Sonia un dada d'un héros de ma précédente chronique littéraire. Et puis au niveau des ventes, il y a le risque de faire fuir les lecteurs atteints d'ophidophobie, soit presque 5 % de la population… Bon. Admettons !

Revenons à ce thriller du duo Douglas Preston et Lincoln Child qui, bon an mal an, nous propose un roman écrit à quatre mains chaque année. On va retrouver dans cet opus l'inénarrable inspecteur du FBI Aloysius Pendergast, le lieutenant Vincent d'Agosta et, presque en figuration, son épouse et collègue Laura Hayward. Une équipe bien rôdée depuis une vingtaine d'années à travers des aventures et enquêtes dans lesquelles, comme le rappelle Sonia, le fantastique est souvent présent à petites touches. Les auteurs ont écrit d'autres romans sans ces personnages récurrents comme Ice Limit. Ils écrivent également chacun de leur côté des ouvrages aventureux et même des documents. On trouve plein d'infos sur le net ou dans le blog (Clic).
Et oui, il va prêter main forte à l'enquête, le franc-tireur du FBI Aloysius Pendergast, le grand type mince, dandy richissime et classieux, cheveux blond platinés. Un gars au sourire avare qui roule dans une Rolls de 1951 y compris en mode 4x4, spécialiste des arts martiaux et autres techniques de méditation orientales. Mais dans cet opus, il a une petite mine, le teint livide, couve une asthénie, quasi mutique à propos de ses déductions et hypothèses. Il tape même sur les nerfs de son ami d'Agosta. Ben oui, pour ceux qui ont lu les épisodes précédents (pas indispensable), il déprime depuis le départ pour le Tibet de sa jeune pupille de 150 ans, Constance Green, nouvellement maman et recluse dans un monastère Tibétain pour élever son fils de 4 ans. (Heu oui pardon, pour comprendre jeune vs 150 ans, lire Le Cabinet des curiosités). Mon Dieu, le taciturne Pendergast serait-il amoureux ?

Encore un cornichon mafieux au mauvais endroit et au mauvais moment...
New-York de nos jours. Deux gamins, Ryan et Jacob font les quatre cents coups dans les rues de la Grande Pomme. Poursuivis par un voisin acariâtre qui n'apprécie pas leurs farces de mômes, ils tombent nez à nez sur le cadavre sans tête d'une jeune femme (Nez à nez devenant un abus sémantique). Gargle ! Une junkie ? Une prostituée ? N'importe qui ? Et bien non, on l'identifie rapidement comme la fille de Anton Ozmian, un magnat de l'informatique, une fille à papa tête à claques (enfin quand elle en avait une). Une parasite friquée et fichée pour avoir écrasé un gamin en état d'ivresse et payé sa dette par quelques travaux d'intérêt général (bravo la justice américaine et leurs avocats géniaux et retords, grassement rétribués par un papa fortuné). On charge d'Agosta de résoudre l'affaire. Comme entre le meurtre et la décapitation, le légiste démontre que le corps a changé d’État, l'affaire devient fédérale, et Aloysius Pendergast rejoint l'enquête…
Un meurtre dans la "Haute société" échappe toujours à la routine. Anton Ozmian, informaticien de son état, a fait fortune et construit un empire du numérique en pillant les idées des autres et en rachetant les entreprises après les avoir acculées à la faillite. Charmante famille ! Un type imbu de lui-même qui exige une arrestation immédiate. Le maire s'en mêle, comme d'hab'. Mais ça se corse…
Les auteurs nous font partager en live le meurtre et la décapitation d'un avocat de la mafia vivant dans un bunker, ceux d'un oligarque russe qui traficote des armes avec la Corée du Nord et de quelques autres personnages fortunés à la déontologie inexistante. Un point commun, les corps sont retrouvés dans des pièces ultra protégées et closes. Le Mystère de la chambre jaune à l'heure du tout sécuritaire. Impossible d'établir un profil de tueur en série classique.
Un journaliste ambitieux et sans scrupule, Bryce Harriman, en mal de célébrité, émet une hypothèse qui fait la une : le tueur aux têtes coupées ne serait-il pas un Robin des bois ou un Batman qui s'en prend aux parvenus les plus corrompus de la ville. Ô il ne vole rien, à part la vie et le chef des victimes. 1% de New-York panique, celui des multimillionnaires, les anciens potes de Madoff ou ceux de Trump. Les jets privés font la noria pour que ces braves gens aillent se mettre au vert. Les 99% restant se marrent… Les auteurs font défiler des suspects crétins, des apprentis justiciers qui parlent d'un envoyé de Dieu ou du Diable, c'est selon. Portait au vitriol d'une société du capitalisme sauvage devenu barbare.
Les flics piétinent, même Aloysius Pendergast qui pourtant finira par comprendre, à retardement ; c'est ça quand on stresse pour des peines de cœur… Le roman pourra paraître long et répétitif dans ses effets. Un final digne des chasses du comte Zaroff amènera quand même un peu d'action à ce roman qui pourra être lu sur la plage cet été. Pas le chef-d'œuvre des deux compères mais moins de 500 pages seulement…

Archipel - 374 pages.


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