mercredi 9 mai 2018

The DIRTY SOUL REVIVAL "Brave New World" (octobre 2017)


       Morbleu !! Mes frères et mes sœurs !! C'est du chaud bouillant ! De la pure et saine vibration qui ravive le système nerveux ! De quoi éveiller tous les chakras jusqu'au nirvana en quelques écoutes attentives. Attention néanmoins aux néophytes qui pourraient ne pas supporter la brusque excitation et risqueraient au passage de se griller quelques fusibles. Phénomène bien connu des autorités américaines mais caché à la population : marier la consommation de bière et/ou de bourbon avec une écoute prolongée de "Truth 'n' Good" Rock'n'Roll peut créer certains troubles comportementaux. Surtout aux esprits faibles, ou trop sensibles. Une frange des autorités américaines soupçonnent d'ailleurs que les récents événements où quelques frappas-dingues ont fait des cartons dans la foule soient à attribuer à ce genre d'expérience. Cependant, apparemment si c'était le cas, les personnes concernées relevaient d'une certaine pathologie. D'autres, fort heureusement, ont parfois témoigné d'expérience extraordinaire. Quelques uns même racontent à qui veut bien l'entendre avoir été guéri de tous leurs maux, d'autres sont persuadés avoir eu une expérience mystique.


       Bon, bref. Vous ne vous consolez pas de la perte de Screamin' Cheetah Wheelies, de Savoy Truffle, de Tishamingo, de Catawompus, du silence de Sweetkiss Momma, voire pour les pro-européens de la première mouture de W.I.N.D. ? No problemo, il y a The DIRTY SOUL REVIVAL ! Ouch ! Du chaud-bouillant Heavy-Southern-Rock. L'Allman Brothers Band ère Wayne-Trucks assaisonné de Rose Tattoo ère "Scarred for Life". Ambiance ! Le Lynyrd Skynyrd de "Gimme Back My Bullets" revisité par The Black Crowes ! Heureusement, heureusement - j'reprend mon souffle - mes frères et mes sœurs, heureusement qu'en ce bas monde qui semble bien être sur une pente glissante menant à un triste univers qu'avait anticipé les Aldous Huxley et Georges Orwell, il y ait encore de bonnes âmes ... Oui, de bonnes âmes, car il ne peut en être autrement pour créer et donner vie à une musique de cet acabit. Une musique chaleureuse et galvanisante, capable de faire rayonner les cœurs lors des journées les plus ternes. Une musique salvatrice, une connexion pour nous échapper - un instant ... -, moyen immatériel et libérateur de l'obscène étreinte d'une société trop directive, menaçant de tomber dans le liberticide total. Où le "audi alteram partem" est devenu obsolète.
Propos dithyrambiques ? Possible. C'est l'enthousiasme non feint qui parle.

       On sait peu de choses sur cette bande ; même leur propre site est bien succinct en matière de biographie. On sait juste que le groupe est originaire d'Asheville, une "petite" ville de moins de 100 000 habitants de Caroline-du-Nord (la ville des synthés Moog), qu'il a été fondé en 2014 par Abraham Anderson et son épouse, Jenni Linn (à la batterie), et que dorénavant il s'articule autour d'Abraham, chant et guitare, Brandon Hill, guitare, Jason Tyler, basse et Jerard Sloan, batterie. Et qu'ils ont l'habitude de jouer dans les régions du Sud-est (ça, on s'en serait douté) en s'étalant jusqu'au Texas. Basta.
Finalement, ils n'ont pas tort d'être aussi peu disert. Qu'importe les origines et les us et coutumes des uns et des autres, laissons parler la musique avant tout. "Let the music do the talking" !
    Des chroniqueurs américains avisés parlent d'un quintet, alors qu'ils ne sont que quatre... D'autres mentionnent les Black Keys en terme d'univers commun - à croire que leur culture musicale est restreinte et qu'elle ne s'étend pas au-delà de l'an 2001 -. En fait, c'était plus ou moins le cas à leurs débuts, lorsque le groupe se résumait au seul couple Anderson, puis à un trio. Il est évident qu'Abraham ne s'est pas croisé les bras, et qu'il n'a eu de cesse d'évoluer, d'élargir sa palette. De plus, l'apport de Brandon Hill et de Jerard Sloan a été considérable. En conséquence, il a un profond fossé entre les balbutiements du Dirty Soul Revival et celui d'aujourd'hui. Enfin, pour finir, certains avancent une rencontre du Grunge avec le Southern-rock ... c'est pas faux ... mais seulement pour un titre et un mouvement... Ceux-là ont dû écouter le disque en diagonale et ont focalisé sur ce qui les branchait, ou alors ils se sont réveillés peu avant la fin de la galette.

     Si les principaux concernés sont plus explicites en mentionnant - en reprenant leurs propres mots - l'influence des pionniers du Rock-sudistes Lynyrd Skynyrd, et l'âme Funky des Black Crowes, des harmonies superposées des Beatles et Led Zeppelin, au psychédélisme contemporain de Jack White parmi beaucoup d'autres, ça reste dans le vague. Plus modestement et simplement, ils annoncent que The Dirty Soul Revival est une réinterprétation audacieuse de formules classiques du Rock'n'Roll avec une énergie sans bornes.

     En tous cas, l'entame du CD ne laisse aucun doute sur l'orientation ; ça hume le Sud à plein nez ; particulièrement celui des anciens états confédérés. Après un court prélude, "Prelude in Rag", prétexte à faire baisser sa garde, les loustics nous assènent un riff bourre-pif avec "Welcome to the Black". Le chanteur a l'accent traînant du Deep-South ; on pense alors irrévocablement à Ronnie Van Zant  - même si la voix d'Abraham est plus bourrue -. Le duo de guitare ressuscite Screamin' Cheetah Wheelies, la basse Allen Woody et la batterie Jackson Spires. Une joute en terrain découvert expose une slide ondoyante inspirée par Duane Allman (l'épouse d'Abraham arbore fièrement le portrait de Duane tatoué) et une lead par Charlie Hargrett. La messe est dite.
Dans le même registre, "Charly Brown", sur un pattern trébuchant et complexe, s’arque-boute sur un trépignant riff boogie brûlant comme la braise. Un rythme hérétique, vilipendé par les prêches de la paroisse, car envoûtant et entraînant les corps à s'ébrouer dans des poses lascives et impures, incitant les gosiers à gobeloter et aux gorges à scander des vers désapprouvés par le clergé.
Tout comme le réjouissant et vigoureux "Watch Me Bleed". Sans omettre le solaire et fougueux "One Last Time" proche de Catawompus. Détail amusant : on remarque que Brandon Hill aime s'exposer en compagnie d'une séduisante Gibson ES-175, tout comme le faisait feu-Darren Stafford, de Catawompus. Guitare pour le moins peu usitée dans le genre.


   Et comme tout bon groupe de Southern-Rock qui se respecte, le Blues n'est jamais loin. Ainsi, "Kick back" est un gros, gros blues qui empoigne les tripes. Pourtant la base est plutôt conventionnel, mais sa conviction et sa sincérité suffisent à convaincre et séduire. Là encore, cette pièce porte l'empreinte de Lynyrd Skynyrd. Blues encore avec "The Sun Never Sets", bien que ce dernier alterne entre country-blues sautillant et passages Hard-blues inflammables. Une longue pièce qui finit par un duel de grattes - non démonstratif - dans la pure tradition ... d'un Lynyrd.
   Par contre, "Can't Hurt Me Anymore" retrouve la joie d'un Heavy-rock millésimé 70's, assez proche de Deep-Purple (sans orgue). En aparté, on occulte souvent l'influence qu'a eu ce quintet britannique sur la seconde vague sudiste, celle de 75-76. Tandis que "Rant in E Major" hésite entre un Hard-blues guilleret - la guitare slide chantante comme une gamine sautant à cloche-pied à la sortie de l'école, en faisant tressauter ses couettes - et la mouvance d'un Southern-rock dit "Metal" telle que pérennisé par Hogjaw.

   Et puis, il y a quelques pièces relativement singulières, qui démontrent que ce quartet peut s'écarter des sentiers battus sans complètement tourner le dos à ses racines. Comme ce surprenant et funambule "Pray for Me", en équilibre sur un haut et instable mur dissociant Pearl Jam de Gov't Mule, et la tête dans un brouillard révélant des essences du "Strangehold" de Nugent. Le chant est alors chargé de défiance. "Pray the lord, you've done it again. You preach your religion and you make a new sin as the people save the lord you hope ... Yeah ! I'm left without a soul, too deep in the hole". Plus encore, le titre éponyme qui clôture ce chapitre, est une sorte de "Free Bird" des temps nouveaux, des temps sombres et défaitistes. Un Blues incantatoire, sulfureux et poisseux. Une prêche des jours obscurs sur une orchestration où Black Sabbath tape le bœuf avec Hydra (excellente formation de Southern-rock de Georgie des années 74-77). Sur le final, le chant doit autant à Van Zant qu'à Eddie Vedder.


   Perdu au milieu, un sympathique petit ovni : l'instrumental "6615" est un instant de douceur printanière ; un havre bucolique créé par un duo d'arpèges de guitares. L'une habillée d'une duveteuse overdrive et d'une profonde réverbération à ressorts, la seconde plus pure et pleine, directement branchée dans l'ampli.

     L'album est produit par Richard Young des Kentchuky Headhunters. Son pote et collègue, Greg Martin, a récemment parrainé et produit le très bon "Eyes of the Sun" du groupe Otis (lien), Richard lui répond avec ce magistral "Brave New World". La barre avait été placé assez haut avec Otis, mais il semblerait bien que Richard Young et ses poulains aient franchi un nouveau palier.

     Mais, crénom, que se passe t'il donc dans le Deep-South ? Un renouveau du Southern-rock qui ne craint plus le regard inquisiteur des aînés ? Qui n'a aucun complexe à afficher et mélanger des influences diverses et disparates ? De la Soul au Heavy-rock ? Après la précédente flambée où les groupes ont malheureusement soit rapidement épuisés leurs cartouches (après une ou deux excellentes galettes), soit s'évertuent à recracher éternellement les mêmes recettes sans les épices et la conviction d'antant, cette nouvelle vague pourrait bien faire de sacrés dégâts.
Comment ? La mode n'est plus au Southern-rock ? D'autant plus celui qui se complaît dans des sonorités épaisses ? On s'en fout de la mode, couenne !

God bless "The Dirty Soul Revival" ! Long vie à The Dirty Soul Revival !

P.S. : Les "Revival" sont apparemment tendances. Ne pas confondre donc The Dirty Soul Revival avec "Dirty Revival", "The Olds Souls Revival" et "Rebel Soul Revival".




🎶♩🔥🎸🐤 

4 commentaires:

  1. Une belle découverte, merci Bruno ! rien que ce "welcome to the black" qui nous remue les tripes et provoque une intense jubilation ! Le reste est à l'avenant, un groupe avec un potentiel énorme !!!!

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  2. Ah ben dis donc! T'en a encore beaucoup en magasin des trucs pareils ? Y'a comme un petit côté Point Blank des débuts qui me plaît bien!

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    1. Bien vu JP. Effectivement, on retrouve parfois le feeling du Point Blank des deux premiers opus. Notamment sur "Welcome to the Black".

      (C'est mon beau-frère qui me l'a fait découvrir)

      En magasin, j'ai Outlaws & Moonshine qui a sorti son premier long-player à la même période que "Brave New World". A mon sens moins intense et un brin plus mainstream (pour les USA).
      Il y a aussi Derrick Dove & the Peacemakers.

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