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Tu
surfes sur Internet Sonia ?
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Je
me demande si je ne vais pas placer la prime qu’on vient de me payer au titre
de 2017. Je cherche un fond dynamique à haut rendement. Ou peut-être un tracker….
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Quel
montant tu veux placer ?
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Bah,
73,57 euros. C’est M'sieur Luc qui m’a accordé cette prime.
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Ouf,
quelle générosité ton employeur ! Tu ne vas pas faire trembler les marchés
financiers avec ça et tu ne vas pas trop perdre non plus ! Mais ne rêve
pas tu n’arriveras même pas à acheter une part de fond avec si peu.
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Alors,
je fais quoi ?
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Va
chez Sephora renouveler tes rouges à lèvre… Bien meilleur investissement pour
valoriser ton capital, si tu vois ce que je veux dire.
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Hihihi, tu as raison Nema.
Sonia
a raison de vouloir faire des économies et de placer son argent, mais il ne
faut pas d’amateurisme dans ce domaine, ni se laisser berner par le miroir aux
alouettes. Nous ne sommes plus en 2007-2008 heureusement. Les banques ont
désormais un devoir d’information vis-à-vis de la clientèle des particuliers
que nous sommes, devoir dont l’exercice frise parfois le ridicule : nature
du placement (vous prendrez bien un peu de fond diversifié avec une partie en
UC ?), garanties (en général pas trop de garanties, on ne sait jamais de
quoi demain sera fait), risques (sur une échelle de 1 à 7, vous êtes prêt à
accepter quel niveau ? 😨),
durée recommandée de placement (5 ans c’est bien, 8 ans pour optimiser la
fiscalité…) etc. Mais autour du début des années 2000, on avait beaucoup moins
ce souci de « transparence ». Les gens, les plus riches en
particulier, recherchaient les placements offrant les rendements les plus
intéressants et la réputation des banquiers ou des courtiers attirait tout simplement
des flux financiers colossaux.
Replaçons-nous
en 2008. Nous sommes à New York. Le fils de Sam Green, David Green, nous fait part de
ses états d’âme dans un long monologue à la première personne. Le fils de Sam Green
nous plonge dans cette année noire pour la finance américaine, puis pour la
finance mondiale, durant laquelle tout un système se fissure, se craque,
conduit à des faillites impressionnantes et à la ruine de nombreux citoyens
américains.
Fils
de…, ce n’est pas toujours un cadeau (accessoirement, pareil pour fille de…).
C’est même parfois très lourd : peut-on réellement s’épanouir et
développer sa propre personnalité quand on nait dans une famille très riche et
dont l’un des membres est notoirement connu ? Sam Green est un magicien de la
finance qui offre à ses clients des taux de rémunération de 12%.
Sibylle Grimbert |
Pour
entrer dans le fonds de Sam Green, même si ce n’est pas dit
explicitement, les 73,57 euros de Sonia même multipliés par 10.000 ne seraient
sans doute pas suffisants. Les richissimes se pressent auprès de la star de la
finance. Personne ne sait comment il fait, peu importe. Jusqu’au jour où… Le
personnage de Sam
Green a été inspiré par Robert
Madoff, mais l’histoire racontée est totalement de fiction.
David Green, est donc le
fils. Il se retrouve seul à New York, son père vient d’être arrêté pour
escroquerie. L’Amérique est horrifiée par ce scandale gigantesque, les média
sont à l’affut. Sa mère, sa femme Katherine, son fils Daniel ne sont plus là, ils se
sont réfugiés à la campagne. Le moment
est propice à la réflexion, à une introspection douloureuse : David
aurait-il pu empêcher tout ça ? Il est lui-même mis par son père à la tête
de la gestion d’un fond qui fonctionne honnêtement et ne rapporte bien entendu
pas autant.
On
aurait aimé dans ce roman sentir un peu plus de l’atmosphère survoltée des
salles de tradings. Comprendre qu’il y avait une fièvre de joueurs de casino
qui s’était abattue sur bon nombre de traders. Toujours plus, toujours plus
vite : j’achète massivement des titres à découvert à Chicago, le
cours de la bourse grimpe, je revends,
je refile le tuyau à un pote de New York
qui m’indique qu’il va faire lui-même un aller-retour sur les titres d’une
autre compagnie dans le même secteur industriel… Tuyaux de trader à trader, on
s’échange les rôles et on encaisse les différences de cours. Scotchés à leurs
écrans, fascinés par la fluctuation en temps réel des cours sur les graphiques,
en larmes quand ils perdent, fous de joie quand ça marche, ce sont des drogués
de la finance. Les fonds, qui regroupent les sommes initialement confiées par
les clients en vue de les faire fructifier, rapportent ainsi de plus en
plus. Jusqu’au jour où… David Green
ne rencontre aucun trader dans sa vie. Dommage : ça l’aurait secoué un
peu.
David va l’école à quand
il est petit, David
fait la fête, David
se marie, David
a un bébé, David
trompe sa femme avec Isabella l’esthéticienne, David a envie de divorcer mais
finalement non : bref la vie ordinaire des jeunes riches qui n’ont pas
trop de soucis en dehors d’eux-mêmes.
Il
y a beaucoup de souvenirs dans la tête du héros, mais rien finalement
d’extraordinaire. On se laisse tranquillement conduire du début à la fin dans
cette introspection un peu creuse. Un peu décevant.
Sibylle Grimbert est née en 1967.
Elle est romancière et éditrice.
Bonne lecture !
185 pages - Editions Anne Carrière.
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