lundi 30 avril 2018

LE FILS DE SAM GREEN de Sibylle Grimbert (2013) - par Nema M.



-          Tu surfes sur Internet Sonia ?
-          Je me demande si je ne vais pas placer la prime qu’on vient de me payer au titre de 2017. Je cherche un fond dynamique à haut rendement. Ou peut-être un tracker….
-          Quel montant tu veux placer ?
-          Bah, 73,57 euros. C’est M'sieur Luc qui m’a accordé cette prime.
-          Ouf, quelle générosité ton employeur ! Tu ne vas pas faire trembler les marchés financiers avec ça et tu ne vas pas trop perdre non plus ! Mais ne rêve pas tu n’arriveras même pas à acheter une part de fond avec si peu.
-          Alors, je fais quoi ?
-          Va chez Sephora renouveler tes rouges à lèvre… Bien meilleur investissement pour valoriser ton capital, si tu vois ce que je veux dire.
-          Hihihi,  tu as raison Nema.

Sonia a raison de vouloir faire des économies et de placer son argent, mais il ne faut pas d’amateurisme dans ce domaine, ni se laisser berner par le miroir aux alouettes. Nous ne sommes plus en 2007-2008 heureusement. Les banques ont désormais un devoir d’information vis-à-vis de la clientèle des particuliers que nous sommes, devoir dont l’exercice frise parfois le ridicule : nature du placement (vous prendrez bien un peu de fond diversifié avec une partie en UC ?), garanties (en général pas trop de garanties, on ne sait jamais de quoi demain sera fait), risques (sur une échelle de 1 à 7, vous êtes prêt à accepter quel niveau ? 😨), durée recommandée de placement (5 ans c’est bien, 8 ans pour optimiser la fiscalité…) etc. Mais autour du début des années 2000, on avait beaucoup moins ce souci de « transparence ». Les gens, les plus riches en particulier, recherchaient les placements offrant les rendements les plus intéressants et la réputation des banquiers ou des courtiers attirait tout simplement des flux financiers colossaux.

Replaçons-nous en 2008. Nous sommes à New York. Le fils de Sam Green, David Green, nous fait part de ses états d’âme dans un long monologue à la première personne. Le fils de Sam Green nous plonge dans cette année noire pour la finance américaine, puis pour la finance mondiale, durant laquelle tout un système se fissure, se craque, conduit à des faillites impressionnantes et à la ruine de nombreux citoyens américains.
Fils de…, ce n’est pas toujours un cadeau (accessoirement, pareil pour fille de…). C’est même parfois très lourd : peut-on réellement s’épanouir et développer sa propre personnalité quand on nait dans une famille très riche et dont l’un des membres est notoirement connu ? Sam Green est un magicien de la finance qui offre à ses clients des taux de rémunération de 12%.
Sibylle Grimbert
Pour entrer dans le fonds de Sam Green, même si ce n’est pas dit explicitement, les 73,57 euros de Sonia même multipliés par 10.000 ne seraient sans doute pas suffisants. Les richissimes se pressent auprès de la star de la finance. Personne ne sait comment il fait, peu importe. Jusqu’au jour où… Le personnage de Sam Green a été inspiré par Robert Madoff, mais l’histoire racontée est totalement de fiction.
David Green, est donc le fils. Il se retrouve seul à New York, son père vient d’être arrêté pour escroquerie. L’Amérique est horrifiée par ce scandale gigantesque, les média sont à l’affut. Sa mère, sa femme Katherine, son fils Daniel ne sont plus là, ils se sont réfugiés à  la campagne. Le moment est propice à la réflexion, à une introspection douloureuse : David aurait-il pu empêcher tout ça ? Il est lui-même mis par son père à la tête de la gestion d’un fond qui fonctionne honnêtement et ne rapporte bien entendu pas autant.
On aurait aimé dans ce roman sentir un peu plus de l’atmosphère survoltée des salles de tradings. Comprendre qu’il y avait une fièvre de joueurs de casino qui s’était abattue sur bon nombre de traders. Toujours plus, toujours plus vite : j’achète massivement des titres à découvert à Chicago, le cours  de la bourse grimpe, je revends, je refile  le tuyau à un pote de New York qui m’indique qu’il va faire lui-même un aller-retour sur les titres d’une autre compagnie dans le même secteur industriel… Tuyaux de trader à trader, on s’échange les rôles et on encaisse les différences de cours. Scotchés à leurs écrans, fascinés par la fluctuation en temps réel des cours sur les graphiques, en larmes quand ils perdent, fous de joie quand ça marche, ce sont des drogués de la finance. Les fonds, qui regroupent les sommes initialement confiées par les clients en vue de les faire fructifier, rapportent ainsi de plus en plus.  Jusqu’au jour où… David Green ne rencontre aucun trader dans sa vie. Dommage : ça l’aurait secoué un peu.
David va l’école à quand il est petit, David fait la fête, David se marie, David a un bébé, David trompe sa femme avec Isabella l’esthéticienne, David a envie de divorcer mais finalement non : bref la vie ordinaire des jeunes riches qui n’ont pas trop de soucis en dehors d’eux-mêmes.
Il y a beaucoup de souvenirs dans la tête du héros, mais rien finalement d’extraordinaire. On se laisse tranquillement conduire du début à la fin dans cette introspection un peu creuse. Un peu décevant.
Sibylle Grimbert est née en 1967. Elle est romancière et éditrice.

Bonne lecture !

185 pages - Editions Anne Carrière.


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