jeudi 4 janvier 2018

LES OLIVENSTEINS "INAVALABLE" (2017)

Ahh, les Olivensteins ! Voici l'exemple type du groupe culte, même carrément maudit qui tel le phœnix renaît de ses cendres prés de 40 ans plus tard ! Un peu d'histoire tout d'abord pour les plus jeunes et ceux qui ont raté la "vague punk" de la fin des années 70.  Ils se forment à Rouen au Printemps 1978, Rouen une ville en plein bouillonnement rock  qui verra notamment naître le meilleur groupe de rock hexagonal : les Dogs de feu Dominique Laboubée, les 2 groupes font d'ailleurs partie de la même mouvance, avec pour épicentre le magasin de disques Mélodie Massacre. Pour plus de détails sur cette folle période je vous renvoie à la lecture de l'excellent livre de la sœur de Dom Laboubée, que j'ai eu le plaisir de lire et de chroniquer (too much class- dogs l'histoire).
Formé autour des frères Tandy, Gilles au chant et Eric (vendeur chez  Mélodie) à l'écriture des textes, on y retrouve Vincent Denis à la guitare (Rickenbacker) bientôt rejoint par son frère Romain à la batterie et Ludovic Groslier à la basse, et d'autres musiciens passent par le groupe  ("Bitos" (basse), Philippe Bailly (drums) Alain Royer et Alain Potier (guitares)).

Ils tiennent leur nom en référence ironique au  Dr Claude Olivenstein, le médiatique psy qui se consacre aux  toxicos, ce dernier goûtant  d'ailleurs peu la plaisanterie  fera tout pour leur nuire, et y réussira. En mars 79 ils sortent en autoproduction un EP 3 titres produit par Lionel Hermani gérant de Mélodie et producteur des Dogs ; 2 de ces titres vont marquer les esprits, le brûlant  "Euthanasie" et l'hymne à la glande "Fier de ne rien faire" écrit par Dom Laboubée (titre qui sera repris par les Dogs, les Thugs, les Wampas..), ils jouent d'autres  titres en concert tous plus provocants ("je hais les fils de riche" "Patrick Henry est innocent" "Olivenstein je t'ai dans les veines"...). Les 2000 exemplaires  tirés partent très vite (maintenant collectors) et le groupe a bonne presse, soutenu notamment par Philippe Manoeuvre, Philippe Garnier ou Patrice Blanc Francart, mais les problèmes vont arriver, des bagarres éclatent à leur concert fréquentés par des individus peu ... fréquentables, le Dr Olivenstein les menace de poursuite, les RG les piste et en janvier 80 le groupe se sépare. Dommage car Barclay leur proposait un contrat, à condition qu'ils changent de nom, ce qu'ils refusent. J'ai lu une interview de Gilles où il dit "on faisait ça pour le fun pas pour le blé. A partir du moment ou ce n'était plus marrant il fallait passer à autre chose".

@raphael Rinaldi
On retrouvera Eric, Gilles et Vincent au sein des Gloires locales qui sortent un album en 1980 puis  les Rythmeurs puis Gilles Tandy avec les Rustics ou en solo pour de bons albums ("la colère monte", "derrière mon ombre" avec des Dogs et produit par Dom Laboubée) (on peut retrouver certains de ces groupes sur la compil Rouen l'explosion rock (lien). Outre les paroles corrosives ce qui faisait le sel des Olivensteins, c'était le chant dandy désabusé de Gilles Tandy, gouailleur autant que décadent. J'en parle à l'imparfait mais l'histoire ne s’arrête pas là. En effet en 2011 le label Born Bad Records sort une anthologie reprenant les titres de l'EP plus des démos et des versions live, suite à cette sortie le groupe se reforme en 2013 pour quelques concerts et de fil en aiguille travaille à de nouvelles compos. On retrouve dans le line up pour ce nouvel enregistrement  Gilles au chant et Vincent Denis à la guitare, plus Didier Perrini (basse) et Clément Lagrega (drums), le frangin Eric toujours à la plume.

Avec cette question qui m'interroge : peut on encore être punk à 60 balais ? La réponse est oui bien sûr, l'age c'est dans la tête et les occasions de se révolter sont  au moins aussi présentes qu'il y a 40 ans. De toute façon ils n'ont jamais été vraiment punk - les crêtes et tout le bataclan ça n'a jamais été leur truc - et puis ils étaient un peu trop classe ("too much class for the neighbourhood" comme chantaient les Dogs...) pour le mouvement punk.

Sur la forme, la plume est moins excessive mais toujours abrasive, de toute façon  s'ils écrivaient avec la même violence qu'alors ils finiraient  cloués au pilori car aujourd'hui la liberté d'expression a reculé me semble t-il. C'est un paradoxe alors qu'on n'en a jamais autant parlé, qu'il y a beaucoup plus de moyens de s'exprimer et 100 fois plus de médias, mais ce satané politiquement correct étouffe  toutes velléités; rendez nous les Coluche, Desproges, Gainsbar ou le "droit de réponse" de Michel Polac" et son joyeux foutoir;  impensable aujourd'hui, "les enfants du rock" aussi!!! . Coté musique c'est plus élaboré, les racines punk et pub rock (Clash, Dr Feelgood, Damned.;.) sont toujours là mais se croisent avec un rock nerveux à la Bijou ou encore les Dogs.

"Je ne veux pas de catalogues" qui ouvre est un ancien titre de l'époque des Gloires locales, plus riche musicalement, avec l'apport d'un orgue qui donne une sonorité psyché/ rock garage sixties, le chant de Gilles n'a rien perdu, mais plus patiné, buriné et les guitares sonnent toujours.
"Pourquoi penser à moi" s'étire sur un rythme obsédant, entre Bo Diddley beat et pub rock alors que le nerveux "Le rapace" s'attaque aux requins de la finance  ("comment tisser du lien social alors que ce sont toujours les mêmes qui régalent"). Après un bulletin météo  carrément maussade "Maudit temps de chien""Grand chef"  et ses métaphores"faut faire la peau à ces peaux rouges, qu'il n'y en ai plus un qui bouge, faut faire la peau aux indociles, qu'on se garde les plus serviles, qu'on écrase les inutiles".
"Né pour dormir" autre ancien titre du groupe, dans l'esprit de  "Fier de ne rien faire" : "je sens en moi cette paresse qui  toujours me tient en laisse" qui  rappelle un peu les Clash, un tube potentiel (si il y avait encore des radios indépendantes et des programmateurs dignes de ce nom), le genre de refrains a brailler en concert.
"C trop fort" sur lequel Gilles sort son harmonica sonne  british rhytm'n'blues et j'aurai bien vu les Dogs chanter ça.
Reprise d'un de leurs anciens titres , le culte "Je hais les fils de riche" (tout est dans le titre) qui leur a valu une chronique élogieuse sur le site du Medef, naan j'déconne,  sur le site de Force Ouvrière (véridique).
On termine avec l'autobio "Je suis juste" "je suis juste ce que je suisil est impossible de rester impassible quand on sert de cible(..)je ne suis pas si sensible mais je ne veux pas servir de coeur de cible" puis "Jolis coeurs", reprise de l'époque des  Rythmeurs.

Retour gagnant  donc pour les Olivensteins, gagnant et salutaire car la scène française a besoin de coup de pieds au cul, de leur énergie et leur regard irrévérencieux sur la société. Un des disques "made in France" à retenir de 2017.


ROCKIN-JL

-à lire une passionnante interview de Gilles Tandy icinyarknyark.fr
-se procurer l'album : smaprecords.


2 commentaires:

  1. Il manque Philippe Bailly (alias T5 dur des Bazookas) dans les musiciens de passage à la batterie.

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