lundi 5 juin 2017

GREGG ALLMAN (1947 - 2017) RIP, par Luc B.


Les deux frères sont morts à 45 ans d’intervalle. Brutal et inattendu accident pour Duane, en 1971, inévitable et attendu pour Gregg, atteint d’une hépatite C depuis des lustres. Il y a une malédiction qui plane sur cette famille Allman. Gregg et Duane ont perdu leur père, quand ils avaient deux trois ans, tué par un auto-stoppeur… Puis Duane, donc, qui meurt à 24 ans, en pleine gloire, dans un accident de moto. Et un an plus tard, même croisement, même moto, même âge : c’est le bassiste du groupe Berry Oakley qui y passe.

Gregg et Duane
Gregg Allman aura tout connu, le succès, le caniveau, la mort, la dope, l’alcool, les femmes, et même les juges. Un vrai roman. D’ailleurs, en 2014, commence le tournage d’un biopic, MIDNIGHT RIDER, du nom d’une de ses plus fameuses compositions. C’est l’acteur William Hurt qui joue son rôle. Le premier jour du tournage, alors que l’équipe tourne sur une voie ferrée, un train arrive et fauche sept personnes. Production arrêtée. Quand ça veut pas…

avec Cher
Plutôt que toute cette somme d’emmerdements, il faut se souvenir de la parenthèse bénite de THE ALLMAN’S BROTHERS BAND, entre 69 et 73, une poignée d’albums de Blues (leur véritable socle) mâtinée de Country, de Soul, de Jazz. Et surtout des concerts à rallonge, où les six musiciens comme liés télépathiquement, redoublent d’improvisations et de chorus miraculeux. Bien au-delà de l’étiquette qu’on leur colle, le Southern Rock - j’aurais tendance à les ranger aux côtés des groupes d’Acid Blues de San Francisco, plutôt que sur l'étagère de LYNYRD SKYNYRD  - les membres de l’ABB étaient des hédonistes de la musique, comme l’atteste le « Live at The Filmore East », et depuis peu, une ribambelle de live inédits (mais souvent sans Duane).  

Au départ les frères Allman sont guitaristes, leur premier groupe s'appelle HOUSE ROCKERS, une formation multi-raciale, en 1961. Ils sillonnent la région, puis ce sera THE ALLMAN JOYS, en 1965. Ils tentent l’aventure en Californie, un producteur leur fait enregistrer deux albums, bof, pas terribles, les frangins reviennent en Georgie, leur terre natale. Ils préfèrent jouer du Blues que des trucs psychédéliques en vogue, et avec des musiciens Noirs si possible, ce qui dans le coin n’est pas forcément bien vu. Duane devient guitariste du studio Muscle Shoals, Gregg repart en terre promise, la Californie. Qui ne promet rien. Son frère l’appelle pour remonter un groupe, ce sera THE ALLMAN’S BROTHERS BAND, en 1969. Gregg, qui tâtait aussi du clavier, laisse tomber la guitare pour s’installer à l’orgue Hammond, et au chant.  

La voix de Gregg Allman est plutôt menue, le timbre est claire, plus granuleux avec l’âge, mais en tout cas, pas une voix de shooter. Et pourtant. S’il n’y a pas le coffre, il y a l’émotion. Son chant n’est qu’une longue plainte, qui vient des tripes, comme s’il retenait des larmes. Ecoutez le bouleversant « Whipping post » ("I feel like i'm dying")  et la manière dont il s’approprie « Stormy Monday ». La version au Fillmore est une des plus belles choses qu’on puisse entendre ! Son jeu à l’orgue est fluide aussi, dépouillé, jazzy, loin des expérimentateurs des Keith Emerson, Rick Wakeman, ou Jon Lord. Ecoutez-le dans le break de « Stormy Monday » justement, où le tempo se dédouble, le groove vire au swing, cette attaque à la Jimmy Smith. Si vous rajoutez à ça son physique poupin, plutôt beau gosse, yeux bleus, longs cheveux blonds, très clair, un visage pur - Joni Mitchell sans la barbe.

Le décès de son frère, puis de Berry Oakley va être un coup dur. Il plonge dans la dope, et c’est le second guitariste Dickey Betts qui reprend les rênes du groupe. Pas pour longtemps. A partir de 1975, l’ABB ne cesse de se décomposer pour mieux se reconstruire, au grès des arrivées de Chuck Leavell, Warren Haynes ou Derek Trucks. Gregg, lui, sombre dans l’alcoolisme et les paillettes hollywoodiennes, en épousant la chanteuse Cher, une union qui n’a rien à envier à celle de Liz Taylor et Burton !

avec Chuck Leavell
Le pif dans la coke, Gregg témoigne contre un rodies dans un procès pour trafic de drogue. Le mec se prend 75 années de taule, et Gregg se brouille avec tout le monde. L’ABB survit comme il peut, entre faillite de maisons de disque, et escapades solo. Gregg Allman publie en son nom ou avec THE GREGG ALLMAN BAND, 10 albums, sur 40 ans, le dernier LOW COUNTRY BLUES en 2011, une vraie réussite, âpre et roots. Il enregistre avec Cher TWO THE HARD WAY en 1977, un truc plus… dansant, on est plus proche de EARTH WIND AND FIRE que de l’ABB.

Le groupe renait à la fin des années 80, avec quatre des anciens membres, sort plusieurs albums, et tourne toujours autant. Gregg n’est pas au mieux, en 1989 il fait une overdose le soir d’une énième nuit de noce ! Au début des années 2000, c’est Dickey Betts qui s’en va, il faut attendre 2003 pour entendre un nouvel album studio. Finalement, Gregg Allman sera resté à bord du vaisseau amiral jusqu’au bout, avec ses deux batteurs fidèles de la première heure, Butch Trucks et Jaimoe Johanson.

En 2012 il publie son autobiographie, A CROSS TO BEAR littéralement "une croix à porter". Ce qui résume assez bien la vie du bonhomme. Mais on retiendra le musicien intègre, fidèle à sa conception de sa musique, qui traverse les pans de la musique pop américaine (je vois une connexion avec le travail de John Mayall début '70). Gregg Allman peut être vu comme parrain d'innombrables formations, le DERECK TRUCKS BAND bien sûr, et d'autres qui surfent sur cette vague dite southern, pour l'enrichir, une musique qui ne se conçoit que live, ample, riche, généreuse, et où le temps de compte pas.

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1 commentaire:

  1. Ouais. Bon. Sacrée gueule sur le DVD Back to Macon, et plus laid back que jamais. Maintenant, c'est le laid back extrême. Restent Betts et Jaimoe. Je ne connaissais pas l'histoire du film arrêté. Après 73, il y a encore de bons trucs.

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