vendredi 30 septembre 2016

TUEZ CHARLEY VARRICK ! de Don Siegel (1973) par Luc B.



Ca c’est du bon polar ! Par un maître du genre : Don Siegel. Un nom souvent associé à celui de Clint Eastwood (5 films ensemble dont LES PROIES, DIRTY HARRY, L’EVADE D’ALCATRAZ), qui lorsqu’il est enfin reconnu, a déjà une longue carrière derrière lui.

Don Siegel débute dans les années 30, on lui doit un p’tit polar sympa avec Mitchum, CA COMMENCE A VERA CRUZ (1949), RIOT IN CELL BLOCK 11 (1954) sur lequel un certain Sam Peckinpah est jeune assistant. Et à mon avis, le Sam a bien regardé comment le Don Siegel travaillait, car il y a une filiation certaine entre les deux réalisateurs, ce même goût de poussière au fond de la gorge, des mecs qui sentent le mec (j'ai pas dit des bourrins) et des femmes de caractère. On connait de lui L’INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES (1956) un classique de la SF horrifique, A BOUT PORTANT (1964, remake du film The Killers) avec Lee Marvin, Cassavetes et Angie Dickinson, et POLICE SUR LA VILLE avec Henry Fonda et Richard Widmark… quasiment que des sans faute. C’est lui encore qui fera tourner John Wayne dans LE DERNIER DES GEANTS (1976), son dernier rôle.

En 1973, Don Siegel réalise donc TUEZ CHARLEY VARRICK, qui tient presque de la série B. C’est un film de hold-up, qui se passe à Albuquerque, au Nouveau Mexique. Autrement dit, un quasi décor de western (comme le Peckinpah de AMENEZ-MOI LA TETE D’ALFREDO GARCIA).

Charley Varrick, sa femme et deux complices, attaquent une petite banque. Ça tourne mal. Un vigile trop zélé à l’intérieur, deux flics trop consciencieux à l’extérieur… Seuls s’en sortent Charley et Harman Sullivan. Mais un truc inquiète Varrick : le montant du butin. Il est beaucoup trop élevé pour une agence bancaire de cette taille. D’autant qu’aux infos, on parle de 2000 dollars volés, et là, sous leurs yeux, c’est presque un demi-million. Varrick comprend le truc : la double comptabilité. La banque blanchissait de l’argent sale, celui de la mafia...    

Ca part sur les chapeaux de roue, et ça ne débande pas pendant 1h50. La définition du cinéma par Siegel ! C’est sec, aride, les personnages sont entiers, dessinés juste ce qu’il faut sans avoir recours à la psychologie. La bonne idée est d’avoir choisi Walter Matthau pour le rôle. Un acteur souvent associé aux rôles comiques (notamment ses duos avec Jack Lemmon), sa bouille toute plissée, son gros pif, le regard plus abattu que conquérant, la démarche pataude. Regardez-le courir ! Pas franchement la silhouette d’Eastwood (comme le dit d'ailleurs un personnage féminin dans le film !). Mais Varrick dégage une certaine autorité, de la jugeote. Et de l’humanité. C’est un gars qui travaille bien. Il serait bien resté épandeur, mais sa petite société s'est faite manger toute crue par des charognards... Donc il braque des banques pour survivre. Et maintenant il doit se sortir de ce merdier. Tout le monde est à ses trousses, notamment Molly, tueur de la mafia, aux méthodes efficaces.

Molly est joué par Joe Don Baker, là encore une tronche qu’on connait par cœur, ces p’tits yeux fourbes et sadiques, on lui avoue son code de Mastercard avant même qu’il ne pose la question ! Siegel lui fait fumer la pipe, accessoire peu orthodoxe, qui lui donne l’air vaguement sophistiqué, english, alors que le texan est une brute bas du front ! Tout le monde est véreux dans ce film. Le p’tit directeur de banque qui blanchit du fric, un ex-taulard paraplégique au grand cœur mais prêt à dénoncer père et mère pour un bifton, Jewell Everett, la belle photographe qui trafique du passeport…

La mise en scène de Siegel est un sans-faute, efficace et directe dans l’action (une poignée de bonnes poursuites, pas mal de casse), il privilégie les plans larges, utilise habilement les plongées / contre plongées pour hiérarchiser ses personnages. Témoin cette scène de dialogue entre le gérant de l’agence pas à l'aise dans ses bottes et Boyde, le propriétaire de la banque qui cherche le responsable idéal pour se dédouaner lui-même (John Vernon, encore un visage connu), en pleine air près d'un troupeau de boeufs, dont les cadrages et positionnement d'acteurs indiquent clairement les rapports dominants. Le film n’est pas dénué d’humour. Varrick demande à une femme dont le lit est rond « je me suis toujours demandé où on mettait la tête, au nord, à l’ouest ? ». Et plus tard, se rallongeant sur elle pour remettre le couvert : « ah, on n’a pas essayé sud-sud est ! ».

Par certains aspects, on peut penser à LE POINT DE NON RETOUR de John Boorman, avec un Lee Marvin borné face aux chefs maffieux. A la différence que Varrick ne cherche pas à récupérer du fric, mais à en rendre pour rester en vie !  

J’suis pas sûr qu’on en fasse encore de films comme ça, on a cassé le moule dans les années 80/90, avec les Bruce Willis and Cie... On n'est plus tout à fait dans le Film Noir stylisé des 50's, et pas encore dans le Nouvel Hollywood qui revendique un discours social. On est dans le pur film de genre, réalisé par un as du genre. Un film qui tient sur une bonne histoire, un scénar bien ficelé, et un metteur rompu, inspiré, qui vous emballe le tout. Cherry on the cake, la musique très sixties et classieuse de Lalo Schifrin, jazzy, percus, flutes traversières, qui fleure bon l’époque. Un régal.

CHARLEY VARRICK (1973)
Couleur  -  1h50  -  1:1.85 (contrairement à la bande annonce charcutée en 1:1.66)  
 


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2 commentaires:

  1. J'ai lu ta chronique en étant persuadé d'avoir vu ça. Et plus aucun écho en visionnant le trailer. Il y a eu un remake? Il y a un autre film avec quasiment le même scénario?
    Pareil pour moi: genre de film que je peux regarder 20 fois, typique du cinéma de la fin des années 60-début 70.

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  2. A ma connaissance pas de remake, mais il est certain que des éléments de scénario se retrouvent dans beaucoup de films, comme le butin qui s' avere appartenir à des mafieux.

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