mercredi 13 juillet 2016

INA FORSMAN (28 janvier 2016), by Bruno



     On pourrait résumer cet artiste, et ce disque, en deux mots : la rencontre heureuse d'Etta James et d'Amy Winehouse, tant ces deux chanteuses défuntes semblent être l'essence même d'Ina Forsman. Mais pas que, car son registre peut se frotter aisément à celui de blueswomen au timbre plus âpre et rugueux.

     C’est une révélation. Mais pas en Finlande, chez elle, où elle s'est fait remarqué dès ses 17 ans en étant finaliste de l'émission "Idols" (?! Oui, encore une émission de télé-crochet/réalité qui, comme la mauvaise herbe ou un virus, infecte toutes les télévisions du monde) et en étant sélectionnée pour représenter son pays aux "European Blues" de 2014. Elle a séduit son compatriote et harmoniciste Helge Tallqvist , un vieil activiste du Blues en Scandinavie qui a débuté sa carrière professionnelle dans les années 80 (présent ici pour quelques interventions juteuses) qui l'invite régulièrement à le rejoindre en tournée. Tout comme le Belge Lightnin' Guy Verlinde (avec ses Mighty Gators ou en solo). 



     Aujourd'hui, c'est Thomas Ruf qui est tombé sous ses charmes. Il lui a donc ouvert en grand ... les portes de son label. Certain de sa valeur, il l'arrache d'Helsinki et l'envoie à Austin, lui offrant les services de solides musiciens américains. Certes des mercenaires pour la plupart, mais, et c'est l'essentiel, de vrais passionnés de Blues, qui ont gagné leurs médailles auprès de célèbres représentants des douze-mesures. Dont la guitariste Laura Chavez (l'ex-lieutenant de feu-Candye Kane), Derek O'Brien (six-cordiste pour Johnny Copeland, Omar & the Howlers, Jimmie Vaughan, Kim Wilson, Toni Price, Texas Tornadoes, Marcia Ball, W.C. Clarke et pilier du club Antone's dans les 80's), le claviériste (B-3, Wurlitzer et piano) Nick Connoly (Omar & the Howlers, W.C. Clarke, Fabulous Thunderbird, Debert McClinton), le bassiste Russell B. Jackson (Otis Clay, BB King), le batteur Tommy Taylor (Christopher Cross, Eric Johnson) et les Texas Horns. Ces derniers constitués de John Mills (saxophone baryton et flûte), d'Al Gomez (trompette et bugle) et du vétéran Mark Kaz Kazanoff, qui s'occupe aussi de la production. Kazanoff, l'homme de main des labels phares de la scène Blues des années 80 et 90 (Blacktop, Rounder et Alligator), tant pour son saxophone magique que pour ses talents de producteur avisé. On le retrouve sur la plupart des bonnes galettes aux couleurs bluesy de ces décennies UnUUUUU

     On a déroulé le tapis rouge pour cette sirène de la Baltique. Et non sans raison. Le résultat est à la mesure des attentes. Il aurait été regrettable que tant de capacités soit grévé par des musiciens moyens, peu impliqués, ou peu au fait de la matière Blues. Vu l'investissement pour un premier essai, Ruf devait être sûr de son coup. Et puis, il y a déjà le disque réalisé avec Helge Tallqvist et son "band", en 2013, qui permet déjà de juger du gros potentiel de la demoiselle.


     De sa mine boudeuse, de son look 50's cultivé, tel d'une source limpide et fraîche jaillit un Blues intemporel, teinté de Soul et de Rythm'n'Blues, se déversant et nous inondant de ses propriétés curatives ; nous isolant du temps corrosif. Un charme parfois rétro, mais qui ne sent pas la naphtaline.
     A l’exception de « I Want a Little Sugar in my Bowl » de Nina Simone, elle signe ici l’intégralité des paroles. Une manière de ne pas tricher, de s’investir totalement lorsqu’elle déclame ses chansons qui parlent généralement de ses propres expériences, notamment de ses amours. Comme c'est le cas pour « Pretty Messed Up », une dernière lettre d’amour adressée à son ex.
     Quant à la musique, elle est allé piocher l’inspiration dans de vieux disques de Blues et de Soul (dont ceux d’Aretha Franklin, de Sam Cooke et de Donny Hatthaway), et a profité de l’aide de Tomi Leino (guitariste-chanteur Finlandais de Blues) pour un résultat de Soul-Blues de toute beauté ; c'est frais, sobre et vivifiant. 
On est immédiatement happé par cette alchimie entre Blues, parfois clinquant et délicieusement rétro, Soul (plutôt orientée Stax et Muscle Shoals Sound Studio), et Jazz-blues ; avec par exemple « Bubbly Kisses » qui possède ce rythme très marqué dont raffole Paolo Conte. Le titre « Farewell » jongle même entre Dusty Springfield et le Reggae. Et surtout cette voix presque incroyable ; pure, authentique et charmeuse, gardant encore un léger soupçon de juvénilité. Résonnant comme si le monde était à ses pieds, tout en laissant échapper des indices de fragilités, de doutes.

     Est-ce dû à une certaine innocence de la demoiselle si rien d'artificiel n'est venu ici polluer la musique ? Même pas un soupçon de velléité marketing. Comme si elle avait émergé d'un cocon protecteur, à l'abri de toutes ses sirènes commerciales déshumanisées.
Une voix authentique, sans nostalgie poussiéreuse, un miracle comme si toutes les années de travail de l’industrie musicale pour aseptiser et uniformiser la musique n’avaient jamais existées.
(photo disparue ... retrouvée par hasard dans le bureau de Claude)

    

     En dépit de son âge, Ina a déjà tout d'une grande. Sachant être mordante, sensible, douce ou autoritaire, voire aguicheuse, toujours à bon escient. Une maîtrise et une justesse rare de son chant. Qualité que l'on ne retrouve pas nécessairement, même chez des artistes plus expérimentées et reconnues. D'autant plus à une époque où l'on confond chanter et faire des effets de voix (ce qui ne date pas d'hier ... ), où l'on assimilerait presque le chant à une prestation sportive. Avec alors pour conséquence une absence d'authenticité.
  Ina doit posséder un hatijas, un luonto, très fort.

     La petite sirène, la fille de la Baltique, a quitté son rocher (enfin, la place du marché) pour faire résonner sa voix sur des chansons d’amours contrariés sur une musique faite pour réconcilier les peuples.

Aux côtés de Layla Zoe (clic/lien) et de Tasha Taylor (la fille de Johnnie Taylor), elle fait partie de la cuvée 2016 du Blues Caravan de l'écurie Ruf Records.


     En aparté, notons au passage que la ville d'Helsinski, en dépit d'une population relativement modeste, notamment pour une capitale européenne, (la démographie n'a pris un essor qu'à partir des années 20), est connu pour son activité musicale. Elle a enfanté des groupes qui ont réussit à s'exporter en Europe et même au-delà. Le plus célèbre étant probablement Hanoï Rocks (qui aujourd'hui encore, reste une référence de la majorité de groupes apparentés au mouvement sleaze. Les Guns'n'Roses s'en sont beaucoup inspirés). On peut également mentionner Five Fifteen, Stratovarius, Children of Bodom, Sonata Artica, Him, Killer, Cherry Bombz et The 69 Eyes (prépondérance actuelle pour le gros Metôl). Plus récemment les singuliers Apocalyptica qui ont décidé de se vouer au Métal sans renier les instruments par lesquels ils ont appris la musique. A savoir le violoncelle et la contrebasse (!). Commençant par un album d'adaptation de titres de Metallica en 1996, ils ont aujourd'hui à leur actif huit disques studio et peuvent affronter sans fléchir les hordes de chevelus des plus grands festivals de Metôl.

Tracklist : 
1. Hanging Loose (3:19)
2. Pretty Messed Up (3:46)
3. Bubbly Kisses (5:22)
4. Farewell (4:01)
5. Don't Hurt Me Now (4:38)
6. Talk To Me (3:40)
7. Now You Want Me Back (4:09)
8. Devil May Dance Tonight (4:51)
9. Before You Go Home (4:25)
10. No Room For Love (3:52)
11. I Want A Little Sugar In My Bowl (2:56) (Nina Simone)






En direct live pour de vrai


La petit Ina semble avoir un compte à régler avec les hommes ...


Article paru initialement sur la revue BCR.

12 commentaires:

  1. Pas mal, mais un peu policé.Certaines mimiques font vraiment penser à Etta James, c'est impressionnant. Le look général fait aussi très Lana del Rey. Tatouages immondes, comme d'hab. Allé à la plage, ce week-end, c'est un festival de mauvais goût assumé (caractéristique de l'époque).

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    1. Policé ? Oui, c'est pas faux, cependant rien d'artificiel, rien de synthétique ici (à l'exception des 20 secondes d'intro de "Devil May Dance Tonight". Cela doit être le Wurlitzer).
      Effectivement, Etta James est très certainement le nom qui revient le plus souvent à l'esprit en écoutant ce disque. En seconde position, on peut également mentionner Amy Winehouse, toutefois c'est bien moins marqué.

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    2. Ouaip, les tatouages. Sa grosse tête de chien (pas franchement réussie) et sa sirène de marin au long-cours ne sont pas du meilleur goût. Même si le style "marin" est à la mode.
      Le problème avec les tatouages actuels, c'est qu'une majorité se font faire un tatouage juste pour avoir un tatouage. C'est un phénomène de mode, c'est "pour être dans l'coup". Nombreux sont ceux qui ramènent leur fraise chez le tatoueur, consultent son catalogue et choisissent un modèle. Pire : il arrive que certains se fassent graver des symboles sans en connaître la signification.
      Cela n'a plus de signification, c'est juste un moyen de se faire remarquer et/ou de "rouler des mécaniques". Un esprit gamin.

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    3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    4. Tu vas à la plage ? Toi ?
      (je rappelle l'adage fameux : ce qui est tatoué est à moié...)

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  2. Je l'ai à 300 mètres de chez ma mère, à 18 km de chez mes beaux-parents et à 80 bornes de chez moi. Je suis quasiment obligé. Mais je joins l'utile au désagréable: c'est un poste d'observation intéressant pour observer ses contemporains, de plus en plus tatoués.

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  3. Surtout tes contemporaines ?...

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  4. Se rincer l'œil à la plage, avec tout ce sable, c'est fortement déconseillé. Non, je fais de la sociologie balnéaire, moi, monsieur. Bientôt en librairie: Sous les pâtés, la plage. Bon, on parle plus beaucoup de la Finlandaise, là.

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  5. Possible une dédicace personnalisée de ce futur best-seller ?

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  6. Je négocie en ce moment les droits de traduction et de distribution. Et Universal est sur les rangs pour une adaptation. Donc, plus tard. On se rappelle.

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  7. Comme l'a aussitôt fait remarquer Shuffle, l'apparence vintage de la Belle fait ouvertement penser a celui de Lana Del Rey. En nettement plus marqué en +. Un poil vulgaire a mes yeux. Cela dit, elle a indéniablement une sacrée voix. Je passe mon tour ! :-)

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    1. Je n'osai pas l'écrire, mais il y a un p'tit côté garce sous-jacent. Une impression probablement faussée par "l'exotisme finlandais".

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