- Jolie jaquette pour une
fois M'sieur Claude…, C'est un petit nouveau Melartin, un français je suppose
avec un nom pareil, comme l'âne à Martin, hi hi hi, Humm, pardon…
- Remarque stupide Miss
Sonia !!! Erkki Melartin est un compositeur finlandais de la génération de
Sibelius, à la charnière entre le romantisme et l'époque moderne.
- Vous parlez souvent de
compositeurs scandinaves méconnus semble-t-il ? Langgaard le danois, Atterberg le suédois,
Madetoja et Saariaho deux maîtres finlandais…
- Et il y en aura d'autres
comme Nielsen, un autre danois… Aujourd'hui, nous écoutons une symphonie de Melartin écrite en fin de
carrière en 1924… Des musiques à découvrir sans crainte, loin de là !
- Il y a beaucoup
d'enregistrements disponibles de ces symphonies ? Je pressens vaguement la
réponse…
- Non, la gravure de
Leonid Grin, excellente, est la seule à ma connaissance, toujours cette
omniprésence des musiques européennes, mais plus au sud : Autriche, Allemagne,
etc.
Erkki Melartin (1875-1937) XXXX |
Sonia,
malgré ses boutades douteuses, met l'accent sur la volonté de ce blog de
découvrir ensemble des musiques considérées trop souvent comme marginales et
fruits du travail de compositeurs qui méritent plus qu'une ligne dans un dico
en 20 volumes.
Je
ne reviens pas sur la liste énoncée dans la petite discussion, tous les
créateurs mentionnés se retrouvent dans l'index classique pour ceux qui
auraient raté des épisodes dans la redécouverte de la musique scandinave, autre
que celle de Jean Sibelius et Edward Grieg, qui semblent être les seuls à bénéficier de l'intérêt des organisateurs de
concerts et des labels discographiques. Et une fois de plus, petit voyage en Finlande, pays qui ne se contente pas de
fabriquer des portables, mais a donné et continue d'offrir à la musique un
nombre de compositeurs de premier plan ; surprenant pour ce petit pays
frisquet.
Si
je puis me permettre une échelle de classification (au sens scolaire) des compositeurs
français contemporains de Erkki Melartin,
je proposerais sur la première marche du podium des noms comme : Debussy, Ravel,
Fauré et sur la seconde marche : Roussel, Magnard,
Dukas, etc. Les talents de Erkki Melartin, Atterberg,
Madetoja méritent largement de partager
cette seconde marche. Marginal Melartin ? vous avez ma réponse à travers ce petit classement.
Erkki Melartin est né en 1875 et nous a quittés en 1937.
C'est donc l'exact contemporain de Maurice Ravel.
Sa formation musicale suit la route de Jean Sibelius
(le "grand" compositeur finlandais) : le conservatoire d'Helsinki
puis celui de Vienne. Il va mener de front des carrières de professeur, de
compositeur et de chef d'orchestre. À ce titre il fera découvrir Mahler aux scandinaves à une époque où le
maître autrichien reste confidentiel. Melartin
est également un esthète dans tous les arts plastiques. Je deviens jaloux à
force de côtoyer ces compositeurs surdoués, car en plus de tâter de tous ces
domaines artistiques, Melartin
maîtrisait plusieurs langues…
Il
va composer pas moins de 360 ouvrages dont 6 symphonies achevées. Le label
scandinave Ondine a eu l'excellente
idée de les enregistrer avec un orchestre finlandais. J'ai été surpris par la maturité
des pages de ce cycle. Hormis l'art lyrique délaissé par le compositeur, la
musique pour piano et ensembles de chambre est également passionnantes… Son concerto pour
violon de 1913 a été
exhumé en 1997 et gravé chez Ondine. Melartin
a-t-il terminé sa traversée du désert ?
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Leonid Grin |
The
Tampere Philarmonic Orchestra est
l'orchestre d'une ville importante de la Finlande près de la région centrale
connue pour ses forêts et ses centaines de lac. Créé en 1930 par Elias Kiianmies,
l'orchestre ne comprenait alors que 34 musiciens. La métropole finnoise de Tampere
qui compte aujourd'hui 220 000 habitants a, au fil du temps, étendu l'orchestre
à un effectif d'une centaine de musiciens et a construit une belle salle moderne
: le Tampere Hall qui accueille à la
fois les concerts et un conservatoire pour les jeunes étudiants se destinant au
métier de musicien. L'orchestre est également mis à contribution pour le
répertoire lyrique et des spectacles de ballet.
Une
cinquantaine de disques ont été réalisés, principalement pour le label Ondine. À noter la collaboration de
cette phalange très active avec le groupe de heavy metal symphonique
Celesty pour leur album "vendetta".
Même
si cet orchestre ne peut rivaliser avec les philharmonies
de Vienne et de Chicago,
sa sonorité est riche, son phrasé lisible et équilibré, ses solistes disciplinés.
Le chef américain d'origine russe Leonid Grin
qui l'a dirigé de 1990 à 1994 n'est pas étranger à cette
élévation du niveau qualitatif de la formation.
Leonid Grin a vu le jour en Ukraine. Quand ?
Mystère ! Début des années 50 puisqu'il donne son premier récital de piano à 7
ans et son premier concert comme chef à 11 avant, de commencer sa carrière en 1977 en dirigeant les meilleurs
orchestres d'URSS : Philharmonie de Leningrad, Orchestre de la radio de Moscou…
En
1981, il "passe" à l'ouest
où Leonard Bernstein aide le jeune chef dissident
à démarrer une carrière internationale aux USA et en Europe. Il fait un triomphe
en remplaçant au pied levé Franz
Welser-Möst pour des concerts à la tête de la Philharmonie de Los Angeles. Parallèlement
à sa carrière de maestro, il exerce une fonction de pédagogue notamment en
collaboration avec Neeme Järvi.
Sa
gravure la plus marquante est celle des six symphonies de Melartin, encensée par la critique. Une
première mondiale est toujours un défi faute de référence dans un répertoire
rare. En plus du travail musical, l'artiste doit restituer le climat des œuvres
dans leur contexte historique, éplucher la correspondance des compositeurs à
propos de leur travail, etc.
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Akseli Gallen : Kallela (1899) |
La
6ème
symphonie de Melartin
constitue la dernière contribution achevée du compositeur dans ce genre. Même
si on classe Merlartin parmi les postromantiques
comme Richard Strauss ou Respighi l'italien, cette œuvre est
typique des recherches harmoniques et formelles du XXème siècle !
On
lit beaucoup de chose en boucle sous la plume des musicologues officiels qui raffolent
partir à la recherche des influences. "Melartin
tourne le dos à son compatriote Sibelius"
; pas certain à mon sens. Il se "réfère à Wagner" ;
ben oui, le chromatisme est très présent, comme… chez tous les compositeurs de
son temps. On pense à Mahler
; oui il le dirigeait, mais entre le monde fantasmagorique et tragique de
Gustav et l’expressionnisme du finlandais (Roussel
?), il y a un très large fossé à l'écoute…
Et
si nous écoutions du Melartin,
tout simplement ! C'est plus simple non ? C'est bizarre cette chasse, vaguement argumentée, au "à la manière de" voire au "plagiat" ou à la "parodie".
Melartin composa sa 6ème symphonie en 1924 et sa création eut lieu en 1925 pour fêter son 50ème anniversaire.
Elle comprend très classiquement quatre mouvements. Melartin
conserve dans toutes ses symphonies la forme usuelle quadripartite purement
orchestrale. Exception la symphonie N° 4 qui fait appel à 3
chanteurs dans son andante. L'orchestration luxuriante rappelle celle de symphonies de Mahler mais sans
les effectifs surpuissants de ce dernier. Elle se rapproche aussi de celle
d'un Richard Strauss dans ses grands poèmes symphoniques.
Donc, nous avons :
3
flûtes + piccolo, 2 hautbois + cor anglais, 2 clarinettes + clarinette basse, 2 bassons + contrebasson, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones + tuba, harpe, célesta, xylophone, triangle, tambourin, castagnettes, cloches tubulaires, grosse
caisse, caisse claire, cymbales, timbales et cordes.
Akseli Gallen-Kallela (1905) |
Contrairement
à ses 4ème
et 5ème symphonies, Erkki
Melartin n'a pas souhaité sous-titrer son ultime production
symphonique. ("Symphonie
de l'été" & "symphonie brève" pour les 4 & 5.) Il a rejeté
le sous-titre de "symphonies des quatre éléments", même si
l'inspiration trouve ses racines dans ce concept : la terre, l'eau, l'air et le
feu. Cette quadrilogie nous renvoie aux légendes et à la culture nordique très
attachées aux forces primordiales. Melartin
ne cherche pas écrire une œuvre à programme ou descriptive mais à mettre en
musique les symboles représentés par ces puissances, symboles au sens quasi
mythologiques.
1 - Andante – Allegro moderato : Dès les
premières mesures, la musique surgit des ténèbres, d'un chaos minéral initial.
"La terre
était vide et informe" ? Une longue phrase aux violoncelles et
contrebasses s'élève du néant, une reptation soutenue par le contrebasson et un
roulement de grosse caisse notés pppp
! * [1:28] Passé l'exposé de cet univers sans vie, Melartin
élance une forme de marche sépulcrale dans laquelle bassons, trombones et tubas
évoquent les rocs et les pics d'un monde sauvage. Les violons interviennent
tardivement dans ce déchainement primitif et barbare. La symphonie ne possède a
priori pas de tonalité prédéfinie et encore moins de forme sonate affirmée.
Postromantique ? Plutôt moderniste ! De la noirceur introductive, l'andante va évoluer vers la lumière. Le discours devient plus brillant mais reste
violent, rugueux. Les pupitres s'entrechoquent comme des plaques tectoniques en
conflit. Il n'y a aucune place pour un legato enchanteur. Leonid Grin
adopte une battue implacable dans cette atmosphère farouche et créationniste. Un
coup de chapeau aux cuivres de l'orchestre de Tampere
et aux ingénieurs du son de Ondine.
Flippant mais impressionnant de grandeur.
Nota
: pour les premières mesures, Ondine
et le chef ont respecté la notation pppp
prévue par le compositeur. Sur un PC même complété par des HP additionnels, on
n'entend presque rien de l'intro. Prévoir une écoute au casque. Sur le CD lu en mode audiophile, on plonge dans une obscurité diaphane et glaçante !
(*)
Richard Strauss utilisait un dispositif
instrumental identique dans l'ouverture de Ainsi parla Zarathoustra en 1896, un motif mystérieux immortalisé par Kubrick dans 2001, odyssée de l'espace.
2 – Andante : [13:48] Après l'atmosphère granitique du premier
mouvement, la lumière mordorée de l'andante nous entraîne vers la poésie expressionniste
d'un Debussy ou d'un Ravel
! Attention : pour ne pas tenir moi-même des propos que je contestais plus haut
au sujet des spéculations des musicologues quant aux influences de style adoptées
par le compositeur, je ne parle pas de forme ou de solfège mais de climat émotionnel expressionniste très en vogue en ce début du XXème siècle. J'ai
d'ailleurs choisi d'illustrer ce billet par des tableaux du peintre symboliste
finlandais Akseli Gallen-Kallela.
Melartin, comme ses homologues français ne décrit pas la
nature, mais évoque et partage ses perceptions face aux lacs (l'eau) et aux bourrasques
dans les forêts de bouleaux et de résineux. Les premières mesures mettent en
jeu une mélodie translucide des hautbois, bassons, clarinettes, harpe et
cordes graves. Notée pp, cet ondoiement
restitue les milles feux des vaguelettes. Flûtes et trombones interviennent
dans un second sujet plus allant faisant songer aux traits du soleil, un soleil
déifié et majestueux des légendes vikings. Le jeu des couleurs orchestrales se
révèle dans une dentelle de timbres. La texture est d'une légèreté furtive bien
que tout l'orchestre soit mis à contribution. Les portées assez chargées sur la
partition en témoignent… Leonid Grin
laisse son orchestre se mouvoir tout en souplesse et en élégance. Dommage que la
prise de son de la harpe soit un peu trop discrète…
Akseli Gallen-Kallela (Crépuscule sur le Lac Ruovesi) XXXX |
3 – Allegro : [19:18] (l'air). "Petit vent fripon sous ton jupon" chantait en substance Brassens ?
L'introduction mutine, concertante au sens chambriste du terme, va prolonger le
discours vaporeux de l'andante. Flûte puis clarinette puis hautbois entonnent une
comptine musicale soutenue par la harpe, des notes de xylophone, des accords de
harpe et quelques cordes en pizzicati. Sans jeu de mot : une mélodie aérienne.
Intention folklorique dans cette page dansante ? Non, plutôt jeux facétieux de
courants d'air entre les ramures, bruissements de feuilles et chants d'oiseaux. Melartin joue la carte du divertissement
oriental en introduisant un thème pentatonique rythmique et cocasse (comme Mahler dans son Chant de la Terre sur
des poèmes chinois). Le mouvement est bref. Scherzo ? Très vaguement. Le thème
"oriental" réapparait à mainte reprises dans ce mouvement
fantasmagorique. Direction très aérée (toujours sans figure de style) de Leonid Grin.
4 - Finale (Allegro con
fuoco – Allegro moderato) : la symphonie adopte une symétrie au niveau des
durées des mouvements. L'andante et l'allegro centraux durent six petites
minutes. Le mouvement introductif environ 13 minutes. Le final, pour équilibrer
la structure se développe longuement mais sans redites inutiles : 10 minutes.
Le
feu ? Et oui, les premières mesures sont tout feu, tout flamme. Grondement et
roulement de grosse caisse et des timbales, rugissement des trombones, cluster de la petite harmonie. Un premier thème puissant et solennel s'élance
en écho au flamboiement d'un aveuglant couché de soleil.
D'autres
idées vont surgir dans ce final plutôt musclé mais jamais empreint de pathos. Melartin établit une belle alternance de
passages combatifs et de méditation avec de nombreux solos instrumentaux. Et
là, si, je retrouve un peu l'énergie de certaines conclusions symphoniques de Sibelius dans l'évolution du discours (2ème
et 5ème symphonies entre autres). On retrouve
l'invention mélodique sans cesse renouvelée qui caractérise cette œuvre depuis
son début. Les percussions jouent un rôle essentiel : triangle, cymbales,
cloches. Certains passages élégiaques peuvent rappeler que Melartin
aimait, comme tous les finlandais, la saga du Kalevala et l'épopée tragique du héros national Lemminkäinen. Des textes et poèmes qui
forment une culture quasi nationale en Finlande. La frénésie des développements
ne me paraît pas étrangère aux tumultes de ces récits proches de l'héroic
fantasy. Le final évolue vers une apothéose mais sans emphase. Leonod Grin sait retenir ses troupes pour
laisser place aux couleurs guillerettes du piccolo, du célesta et de la harpe
dans la coda, instruments légers confrontés à des chorales de cuivres. (Partition)
J'ai
écouté en boucle plusieurs fois chaque mouvement pour cet article. Une réalité
s'impose : l'histoire de la musique et du disque est passée pendant près d'un
siècle à côté d'une œuvre de grande envergure, une fresque poétique, chamarrée
et bien construite, moderne et imaginative, et de plus accessible à un large
public. Pourquoi ? Les majors du CD, comme trop souvent depuis le début du
siècle, n'investissent plus dans l'innovation. On grave toujours et sans fin Beethoven, Mahler,
Bach, etc. Des gravures à l'utilité
parfois discutable face à la pléthore d'enregistrements marquants au catalogue. Zéro risque, des artistes très bons
et médiatiques qui font le buzz, le business prioritaire en un mot.
Je
plaide pour que les générations de chefs de notre temps : Gustavo
Dudamel, Paavo
Järvi, Esa
Pekka Salonen et d'autres ne se laissent pas séduire par le
chant des sirènes des hits classiques, mais abordent ces pages avec leurs
orchestres de compétition… Serai-je entendu ? La crise du disque me laisse
hélas un peu dubitatif. Philharmonie de
Los Angeles-Dudamel
: une affiche qui pourrait me contredire…
Découverte vraiment très intéressante. Décidément, la Finlande réserve de belles surprises. Je connaissais quelques compositions de Rautavaara et Saariaho mais encore rien de Melartin.
RépondreSupprimerEn tout cas, tout à fait d'accord avec votre constat sur la nécessité d'élargir les horizons, des producteurs de disques bien sûr mais aussi des grandes salles de concert, où l'on aimerait bien, de temps à autre, voir ressortir un répertoire délaissé. Au moins en France cra dans les pays anglo-saxons, des compositeurs comme Delius, Walton ou Vaughan Williams, jamais joués en France, sont régulièrement mis à l'affiche. Et j'imagine qu'il en est de même en Finlande pour Melartin.
JeF
Merci Jef
SupprimerC'est l'aspect bénéfique de Youtube (web a un côté obscure) de proposer des vidéos de compositeurs peu connus par association avec ce que l'on écoute… Sinon comme beaucoup, je ne connaissais pas du tout ! Le coffret a été ainsi un cadeau de Noël bien original.
Je viens ainsi de découvrir Richard Wetz un postromantique qui, certes connaît son Bruckner par cœur, mais écrit de manière moins austère, plus gouleyante, si je puis dire…
Vaughan Williams et ses symphonies 3 & 4 sont sur ma liste de projets. Je n'ai juste parlé que de "Lark ascending" par Julia Fischer. Pour les brèves de cet été : un concerto pour Tuba basse au programme !!! Humour anglais.
Je connais mal Walton. J'aime beaucoup Delius mais pour chaque article il me faut une vidéo ad hoc, Une bonne interprétation et au son correct…
À suivre.
Claude
Bonjour Claude,
RépondreSupprimerMerci pour Wetz, j'en prends bonne note et vais aller sur Youtube.
Je me permets de vous envoyer le lien d'un petit papier que j'ai fait récemment sur un autre inconnu, à tout le moins en France, Alan Hovhaness. Sa musique est assez simple et peut paraître répétitive, mais ce serait vraiment intéressant de pouvoir de temps en temps l'écouter, au concert ou à la radio. Au sein d'une production pléthorique, digne des baroques, on compte un "concerto pour baleines" assez pittoresque....
Bien amicalement
JeF
http://jefopera.blogspot.fr/2015/12/alan-hovhaness-musicien-du-monde-de.html