mercredi 9 mars 2016

MONKEY JUNK "Moon Turn Red" (2015), by Bruno



     On peut dire dorénavant que Monkey Junk fait partie des valeurs sûres de l'Amérique du Nord. Du moins de celles du Canada, son pays natal, où il doit être un des groupes récents (créé en 2008) les plus récompensés par les diverses manifestations nationales (un Juno en 2011, deux Awards du Canadian Indepedent Music, et 10 Maple Music Awards cumulés de 2009 à 2013 - de quoi rassurer quant à la valeur de sa musique) .
Un trio surprenant dans le sens où (comme avec Cadillac Three) il se passe de bassiste, et que, finalement, cette absence ne se fait pas trop sentir (même si, parfois, elle aurait considérablement enrichi le morceau). Evidemment, il y a l’interaction entre les deux guitaristes, soudés comme des frères jumeaux, qui parvient à combler cette absence, et Steve Marriner (aussi chanteur) feinte en s’accordant plus bas (guitare baryton). Mais il y a aussi - et surtout - la capacité de ce dernier à lâcher sa guitare pour apporter d’autres textures et couleurs salutaires .


     Ce trio domicilié à Ottawa arrive à son quatrième opus, Moon Turn Red. Un CD qui montre bien que Monkey Junk ne se repose pas sur ses lauriers en murissant encore dans son style. Preuve d'un travail continu (sur route et/ou sur scène). En progression marquée aussi par des guitares plus présentes, plus mordantes, et plus rock.

     Bien que le patronyme provienne d’une interview de Son House (où il disait : « I'm talkin' ‘bout the blues. I ain't talkin' about monkey junk »), le trio ne jure que par l’électricité, armant leurs grattes de divers effets (majoritairement à consonances chaleureuses et vintage) pour, dans une chimie savante, pratiquer un Blues virevoltant et groovy copieusement agrémenté d’ingrédients Funky (du style de The Meters), de Swamp-blues, de Boogie où la slide abonde sans être saoulante.
Steve Marriner, Tony Diteodoro (l'autre guitare) et Matt Sobb (batterie) s’autorisent même à traîner leurs guêtres dans des contrées plus en phase avec une forme de Southern-Rock (dans l'esprit du Eric Quincy Tate). Le fil-rouge demeure un Rock-bluesy qui se garde bien de se surcharger en électricité et de partir dans des exercices égocentriques et tapageurs.
L'entrée en matière, "Light it Up", est un shuffle Texan appuyé, dont certaines facettes peuvent rappeler Stevie Ray Vaughan ; tandis qu'il aurait suffit d'un degré supplémentaire de saturation à la piste suivante, "You", pour qu'elle puisse être admise dans le giron d'un Hard-blues rejeton du British-blues. Toutefois, même sur ses pièces les plus dures (c'est relatif, évidemment), le trio garde à l'esprit le rythme, le groove, qui, bien souvent invite à la dance, à se remuer les fesses ; pourtant sans que cela soit nécessairement festif.

     Un tempo laid-back, un orgue Hammond, un brin de chœur féminin, et « Learn how to Love » (saturé d'un tremolo souffreteux) et « Meet me of Midnight » prennent des chemins de traverses pour s’épanouir dans le genre ballade Blue-eyed-Soul. 
On pourra tiquer sur le reggae « Love Attack », bien qu’il ait le mérite de tenter d’être singulier avec son solo d’harmonica guilleret et sa guitare bluesy (comme Donald Kinsey du temps où il égayait la musique de Bob Marley de phrasés bluesy). Quoi que déjà, il a le bon goût d'éviter le style mainstream et bien policé qui a fait la joie des radios. Là, c'est relativement proche de Peter Tosh.
Si le trio définit sa musique comme du Swamp Roots Rock, on devrait légitimement rajouter le terme Funky.
Conformément à l’impression que laisse cet album, Marriner dit lui-même vouloir explorer d’autres grooves, repousser les frontières, sans perdre le sens de la mélodie.

Rien que des pièces originales, à l’exception de « Hot Hot Papa » de David Wilcox où le vieux blues-rocker est venu en personne, avec sa guitare, prêter main-forte.

Monkey Junk travaille pour ne pas s’enfermer dans un style propre, trop défini (pourtant déjà assez éclectique) en élargissant son territoire, sans perdre sa personnalité, ou son âme. Avec ce quatrième opus, on conclure que le trio canadien a désormais son trademark ; (qui pourrait bien être l'assurance d'une certaine qualité).

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Article paru initialement dans la revue BCR.

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